Le théologien de formation et directeur de Ringier Romandie livre ses impressions sur les défis qui attendent la presse écrite. Quelle place accorder à internet, l’information doit-elle encore être payante ? Daniel Pillard dévoile une vision d’un pragmatisme exact sur la situation de la presse en Suisse Romande. Une pointe d’optimisme et beaucoup de bon sens. Interview.
Pour Daniel Pillard, directeur de Ringier Romandie, l'avenir de la presse passe certainement par le net, mais pas seulement. Si internet peut, à certains égards, représenter une alternative à l'offre écrite, le web n'est pas systématiquement la panacée et, surtout, il n'a rien d'une baguette magique qui transformerait les défauts en qualités. L'essentiel du métier reste encore le choix des hommes et d'une ligne rédactionnelle adaptée; la baisse de qualité n'est pas l'apanage des anciens médias et internet compte aussi bien son lot de navets de belle facture.
Marché tendu
Reste que la pression est toujours aussi forte et que, vu la concentration de médias en Suisse romande, certaines têtes sont appelées à tomber. Si la presse d'ancrage local peut encore espérer un avenir radieux, à condition de se résigner à d'inévitables alliances, son pendant suprarégional, c'est le cas du Matin, ne doit son salut qu'à ses versions dominicales.
L'un des effets de la concurrence des journaux gratuits a été de mettre à nu la presse payante. La valeur du Matin est assez congrue après la lecture du 20 minutes, observe Daniel Pillard. L'ancien rédacteur en chef constate encore une certaine dilution des opinions, la lente installation d'une pensée unique; ce sont ses propres termes. A son avis, il reste certainement de la place sur le marché pour autre chose. Les journalistes sont trop conformistes et manquent de culture politique, de curiosité, les rédactions souffrent de plus en plus d'une absence cruelle de débats. Il en vient à appeler de ses voeux des journaux plus « membrés », plus de plumes à contre-courant et regrette la tiédeur du bouillon actuel.
Se renouveler
La presse vivra si elle arrive à surprendre et la presse vivra si elle recrute bien. Drainer de bonnes plumes, débusquer les personnalités originales, ne pas se laisser dicter son agenda par le courant ambiant, ne pas parler de la même chose en même temps que toute une majorité de suiveurs; l'ouvrage, pour bien faire, ne manque pas.
De son côté, le groupe Ringier s'engage pour plus de ton et Daniel Pillard dévoile en exclusivité aux auditeurs des Observateurs.ch les nouveautés qui attendront les lecteurs romands dès l'année prochaine. Interrogé encore, en sa qualité de théologien, sur la place de la religion dans les médias, il fait la part des choses entre un islam très en vue pour sa mauvaise réputation et les autres religions. Les religions chrétiennes, notamment, qui disparaissent lentement de l'horizon médiatique, faute d'intérêt et de formation culturelle suffisante de la nouvelle génération de journalistes. Une génération pleine de connaissances, mais moins précise, plus éparse, comme internet.
Et vous, qu'en pensez vous ?