Un fait inquiétant révélé par le Conseiller national PLR vaudois Olivier Feller, en Allemagne, la sortie du nucléaire pourrait coûter 1000 milliards d’euros. Et en Suisse ?
Extrait de son interpellation:
"Dans un entretien accordé à la "Frankfurter Allgemeine Zeitung" le 20 février 2013, le ministre allemand de l'environnement, Peter Altmaier, issu de l'Union chrétienne-démocrate d'Allemagne (CDU), a déclaré que la sortie du nucléaire d'ici à 2022 et la transition vers les énergies renouvelables pourraient coûter à l'Allemagne 1000 milliards d'euros d'ici à la fin des années 2030. Ce montant correspond notamment aux subventions versées aux propriétaires d'énergies vertes (solaire, éolienne ou biomasse) et aux dépenses dévolues à la construction des réseaux à haute tension, à l'électromobilité et à l'isolation des bâtiments."
Dans sa réponse, le Conseil fédéral ne formule aucune projection de coût.
Et en Suisse ?
Voici une tentative de réponse :
L’Allemagne a une population de 80 millions d’habitants, consomme 618 TWh par an d’électricité, produite à 22% par du renouvelable, et a un PIB pour 2012 de 3’400 milliards USD (2012). Elle a émis 815 millions de tonnes de CO2 (MtCO2) en 2012 (une augmentation de 2% par rapport aux 798,5 MtCO2 de 2009). Par habitant cela fait 10 tonnes de CO2 par année.
Elle produisait 171 TWh d’électricité nucléaire en 2001 (année du maximum jamais produit en Allemagne) et seulement 100 TWh en 2012, soit 16% de sa consommation de 618 TWh en 2012. Dans le même intervalle de temps, sa production d’électricité renouvelable est passée de 39 TWh à 136 TWh (dont environ 21 TWh par l’hydroélectricité), soit 22% de sa consommation de 618 TWh en 2012. La part des seules nouvelles sources d’énergie renouvelables (donc sans les 21 TWh de l’hydroélectricité) est passée de 16 à 115 TWh. Sur cet accroissement de 99 TWh, la majorité, soit 63 TWh, est due à l’éolien et au photovoltaïque : l’éolien est passé, entre 2001 et 2012, de 10,5 à 46 TWh et le photovoltaïque de 0,1 à 28 TWh ; l’électricité due au biogaz, à la biomasse et aux déchets, est passée de 5,2 à 41 TWh ; soit bien au total une augmentation de 99 TWh entre 2001 et 2012.
L’effort à faire pour remplacer tout le nucléaire restant (les 100 TWh de 2012) avec uniquement des sources d’énergie renouvelables est donc encore de 100 TWh. L’Allemagne est sur la voie de pouvoir reproduire un même effort supplémentaire d’une autre tranche de 100 TWh par du nouveau renouvelable. Combien a-t-elle dépensé jusqu’à ce jour pour arriver à ces 115 TWh par du nouveau renouvelable ? Probablement plus de 500 milliards si l’on pense seulement à la puissance installée qui est nécessaire pour produire 28 TWh en photovoltaïque et 46 TWh en éolien, soit près de 32 GWc d’installations photovoltaïque et 31 GWc ou 23’000 éoliennes à fin 2012.
Mais on n’a là que la pointe de l’iceberg du problème. Sachant que l’Allemagne consomme 618 TWh par an, en soustrayant le nucléaire et tout le renouvelable, il reste encore à trouver comment est couverte la différence de 382 TWh, soit 62%. La réponse ? Ce sont principalement les agents fossiles et majoritairement le charbon ! Par exemple, entre 2009 et 2012, l’Allemagne a vu sa consommation de charbon croître de 71,7 à 79,2 millions de tonnes équivalent-pétrole (Mtep), soit 10% d’augmentation, de quoi produire 277 TWh d’électricité, soit 45% du total des 618 TWh en 2012. Plus précisément, la part de la lignite représentait 146 TWh en 2009 et 159 TWh en 2012 (+9%), soit 25,7% du total, celle de l’anthracite 108 TWh en 2009 et 118 TWh (+9%), soit 19,1% du total, le gaz 79 TWh en 2009 et 70 TWh 2012 (-11%), soit 11,3% du total, et le pétrole 10 TWh en 2009 et 9 TWh en 2012 (-10%), soit 1,5% du total de 618 TWh. Au final, les agents fossiles représentaient 342 TWh en 2009, ou 54% du total, et 356 TWh en 2012, soit 58% du total de 618 TWh, soit une augmentation moyenne de 4% depuis 2009 pour l’ensemble des agents fossiles ! C’est là qu’est le problème. L’Allemagne se trompe donc de cible en développant le renouvelable pour arrêter le nucléaire et non pas pour remplacer en premier lieu le charbon qui, lui, continue de croître.
La Suisse a 8 millions d’habitants, consomme près de 60 TWh par an, dont 40% ou 24 TWh produite par le nucléaire et 36 TWh ou 60% produite par du renouvelable, et a un PIB de 632 milliards USD(2012). La population suisse et sa consommation d’électricité sont de l’ordre de 1/10 de celles de l’Allemagne alors que son PIB pour 2012 est 1/5 de celui de l’Allemagne. En fort contraste avec l’Allemagne, la Suisse consomme tout juste 0,14 Mtep de charbon soit 566 fois moins, émet 42 MtCO2, soit 19 fois moins, et 5,2 tonnes de CO2 par habitant et par an, soit deux fois moins.
Si la sortie du nucléaire allemande est devisée à 1’000 milliards €, on peut estimer que celle de la Suisse devrait être comprise entre 1/10 et 1/5 de ce chiffre, soit entre 125 et 250 milliards CHF.