Loi sur l’asile: “Certains voudraient nous faire croire”

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L’ONG cherche à faire de la votation du 9 juin un choix pour ou contre l’asile, alors qu’il s’agit de tout autre chose. Curieux.

Site internet flambant neuf, clip publicitaire à gros budget, la section suisse d'Amnesty international met le paquet dans sa campagne pour le non à la modification de la loi sur l'asile le 9 juin prochain.

"Certains voudraient nous faire croire que des masses de requérants d'asile déferlent tous les jours en Suisse. Ils envahissent nos villes, il s'entassent dans notre belle nature et bientôt... dans nos salons.

Pardon ? En vérité, les requérants d'asile ne représentent que 0,5% de la population en Suisse. Alors, pas de panique, non, le 9 juin, à de nouveaux durcissements de la loi sur l'asile."

La communication est habile, qui tend à faire passer les partisans d'un meilleur contrôle des flux migratoires issus des procédures d'asile pour des trafiquants de statistiques motivés par une vision nostalgique, sinon agrarienne, de la nature helvétique et une peur primale qui ne saurait être expliquée que par un racisme latent. Ces mêmes chercheraient encore à tromper la population par la contagion de leur vision délirante de submersion de toute idée d'identité nationale ou d'intimité ("... dans nos salons") par effet d'invasion.

 

Les chiffres

Reste la réalité des chiffres, populations résidente (plus de 12 mois) et non résidente (moins de 12 mois) confondues, la Suisse a compté, en 2011, selon l'Office fédéral de la statistique (OFS), 17'363 titulaires d'un permis N (asile), auxquels il convient de rajouter les 22'836 titulaires de permis F, soit les requérants déboutés qui ne sont toutefois pas déboutables, pour un total de tout de même 40'199 personnes, correspondant à la taille d'une petite ville comme Fribourg. Avec 22'600 nouvelles demandes en 2011, l'afflux n'est certes pas massif, mais certainement pas négligeable.

Sur un total de 7'954'700 habitants, l'on parvient effectivement au taux de 0,505% de requérants d'asile dans la statistique de population. Chiffre à distinguer de l'immigration économique, cela va de soi. Que la population puisse en venir à confondre les 22,8% d'immigration déclarée au phénomène de l'asile est une réaction tout à fait normale, mais qu'Amnesty choisit d'ignorer pour insister sur son image d'Epinal du Suisse primitif, victime de ses paniques irraisonnées. Ce qu'Amnesty feint de ne pas voir, ou omet de préciser, c'est que ce 0,5% de la population s'est rendu coupable, toujours en 2011, de 7% des infractions au code pénal, 7% à la loi sur les stupéfiant et 13% à la loi sur les étrangers.

Ainsi, à titre de comparaison, l'on compte un taux d'une infraction au code pénal pour 6.8 requérants d'asile contre 1 pour 161 citoyens suisses, ou encore une infraction à la loi sur les stupéfiants pour 14.3 requérants contre 1 pour 278.5 citoyens. Partant, si l'on constate que les demandeurs d'asile sont loin d'être majoritairement criminels, la condition de requérant paraît néanmoins fortement criminogène; vingt fois plus en moyenne que la condition helvétique. C'est précisément cette réalité qu'Amnesty a voulu occulter en préférant la ridiculiser plutôt que prendre le temps de la considérer.

 

Que demande la modification de la loi ?

Car, à la fin, faire passer les opposants au tout-à-l'-humanisme d'Amnesty pour des gogos est une chose, travestir le débat actuel en votation pour ou contre le droit à l'asile en est une autre, mais que demandent réellement les modifications de la loi proposées le 9 juin ?

1. Que le refus de servir ou la désertion ne soient plus regardés comme des motifs systématiques de persécution.

Si un régime est dictatorial, la nature de ses actes suffit à le reconnaître comme tel, mais le simple fait pour un gouvernement de demander le service militaire ne saurait constituer un motif valable d'asile. N'en déplaise à Amnesty, tous les Etats qui maintiennent la conscription ne sont pas forcément des dictatures sanguinaires. Un exemple entre mille, la Suisse, qui punit de 18 mois fermes le refus d’assister à la journée d’information au recrutement et d’au moins 3 ans la simple désertion.

2. Que les demandes soient déposées depuis la Suisse et non plus aux ambassades.

La Suisse est en effet le seul pays au monde à permettre cela. Selon le Vert Luc Recordon, cette procédure a l'avantage d'épargner le coût du logement et d'un éventuel renvoi du requérant. Reste que l'image de ces files d'attente aux portails de nos ambassades ont plus volontiers des allures d'immigration économique déguisée que de lutte désespérée pour sauver sa vie. Il convient de rester un tant soit peu cohérent. Ces deux premiers points répondent à une expérience longuement éprouvée par la pratique.

3. Que soit accordée la possibilité d'héberger "dans des centres spécifiques [...] les requérants qui menacent la sécurité et l’ordre publics".

La gauche a parlé de camps de concentration. Reste qu'au vu d'une minorité fortement criminelle, cette mesure paraît particulièrement adaptée, surtout pour protéger la majorité des requérants respectueux de nos lois. Requérants souvent mis en coupe réglée, dans des centres peu surveillés, par cette même minorité et par conséquent victimes sur notre territoire d'un régime de terreur en tout point semblable à celui qu'ils ont cherché à fuir.

4. Que soit accordé le droit d'utiliser des bâtiments de la Confédération.

Que des casernes soient changées en centre de requérants ne devrait pas gêner la gauche. La mesure aurait en outre l'avantage de limiter les conflits avec les collectivités locales.

5. Que soit enfin accordé à la Confédération le droit de verser aux cantons une subvention forfaitaire pour les frais de sécurité.

6. Que soit confirmée la compétence des cantons pour la détention des requérants déboutés avant toute procédure de renvoi, ce pour éviter qu'ils ne s'évanouissent dans la nature.

Rien de fondamentalement transcendantal et, surtout, pas de remise en cause de l'asile sur le principe, contrairement à ce qui pourrait être compris à la suite suite du clip de campagne d'Amnesty international.

Amnesty international dont la communication est de plus en plus difficile à suivre. Il n'y a pas deux semaines, sa présidente, Manon Schick, reconnaissait d'elle-même que:

"Il y a beaucoup de gens qui utilisent la filière de l’asile, parce qu’ils souhaitent migrer, parce qu’ils quittent un pays dans lequel ils n’ont pas de perspectives, notamment, par exemple, des perspectives économiques et viennent en Suisse et se retrouvent dans une situation où la seule façon, entre guillemets, de demander une régularisation est d’utiliser cette filière de l’asile, alors qu’ils savent, dès le départ, qu’ils n’y correspondent pas" (Source dès 09:15).

Identifier les abus et ne pas permettre qu'on les supprime, pour finir par faire passer ceux qui les ont dénoncés avant vous pour des idiots... De toute évidence, la campagne d'Amnesty est plus une campagne contre l'existence de la droite que pour une amélioration de la procédure d'asile. Si un beau matin, comme des exemples peu lointains semblent vouloir faire jour, une minorité de gauche monopolisait le pouvoir et se mettait à persécuter son opposition, et que, par malheur, vous en fassiez partie, il n'est pas dit qu'Amnesty vous accorderait l'asile.

 

Le clip

9 commentaires

  1. Posté par Tilleul Samuel le

    Jongler avec les chiffres n’est-ce pas aussi de la poudre aux yeux? On peut tout dire et son contraire avec les chiffres, encore faut-il pouvoir loes mettres dans un contexte et les interprêter. Cela s’appelle une étude sociologique un peu plus poussée que votre article. Je suis persuadé que l’impèortance de ce référendum est surtout symbolique, oui, il s’agit d’être pour ou contre un accueil et une aide véritable de personnes dans la détresse. La question de la délinquence et de délis doit se discuter sur le niveau de notre code penal et du rôle de la police et de la justice en général et non pas remis sur le le dos de l’asile. La loi devrait être la même pour tous.

  2. Posté par Gil Favre le

    A la rédaction. Pourriez-vous rappeler que les empreintes digitales de tous les requérants d’asile sont enregistrés et exploités par la police ? (quel serait le pourcentage de Suisses délinquants identifiés si nos empreintes étaient également enregistrés ?), que la police a tendance a surcontrôlé certaines personnes ? et, enfin, que la présence de requérants d’asile est presque insignifiante dans les délits graves du Code pénal. 🙂

    Par exemple, si vous prenez le viol ? quel pourcentage y a-t-il ? 🙂

    [La Rédaction : 7% de 569 viols en statistique pure. La statistique 2012 ne donne pas de précisions sur la répartition des crimes et délits mais dit ceci: “Les augmentations se démarquent pour les infractions de vol, plus particulièrement des vols à l’étalage s’agissant des prévenus issus du domaine de l’asile“.

    La statistique 2009 est plus précise: “Les personnes relevant du domaine de l’asile sont également surreprésentées parmi les personnes prévenues d’une infraction au code pénal (4,4% des prévenus). Des personnes appartenant à ce groupe de population sont prévenues pour quelques 9300 infractions, en grande partie des infractions
    contre le patrimoine: vol à l’étalage (2243), vol général (611), vol avec effraction (537)
    “.

    Soit un total de 3391 infractions de moindre importance, ce qui permet de dresser un taux de 63,5% pour les autres infractions au code pénal. Vous aurez noté que le taux d’infraction en 2009 est inférieur de 2,6 % à celui de 2012, ce qui laisse augurer des proportions… Et encore faut-il savoir que la statistique concernant l’asile n’est pas complète, qui n’intègre pas les requérants d’asile avec décision de non entrée en matière et les requérants d’asile déboutés avec suppression de l’aide sociale.

    Enfin, la statistique 2000-2004, la dernière à être tout à fait claire sur cette question, donne un taux de 16% des homicides dans le cadre des violences domestiques du fait des requérants d’asile…

    Nous allons encore chercher, merci de vos questions]

    -> 08.05.2013, le résultat de nos recherches http://www.lesobservateurs.ch/2013/05/08/requerants-dasile-et-infractions-graves/

  3. Posté par Cain_Marchenoir le

    @Gil: je n’ai pas donné mon avis sur la révision de la loi elle-même, cela mérite réflexion. En revanche, j’ai souligné qu’Amnesty avait un argumentaire mensonger et que l’OSEO prenait des droits qui ne me semblent pas corrects.

  4. Posté par Alain Bovard le

    Ainsi donc les requérants d’asile commettraient plus d’infraction à la loi sur les étrangers que les Suisses ? Voilà qui est bien singulier !

    [La Rédaction: Contrairement à la croyance largement répandue, les Suisses peuvent en commettre, 4% en 2011 (http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/news/publikationen.Document.168616.pdf). Vous aurez sans doute remarqué que, pour éviter un phénomène de distorsion dû à la thématique spécifique de la LEtr, nous n’avons pas intégré cette statistique dans notre comparaison Suisses-requérants d’asile du taux d’infraction par membres de catégorie.]

  5. Posté par Jean-Baptiste Aegerter le

    @ Gil, en tout cas on ne commencerait pas par raconter des bobards à la population !

  6. Posté par Michel de Rougemont le

    Rappelons-nous l’initiative sur les minarets. Il ne s’agissait bien sûr que d’un code de construction mais il est très probable (au point d’en être certain) que le oui a été dû à une expression d’un sentiment contre l’islam en général. La stratégie d’Amnesty est donc compréhensible, même si ses arguments sont faibles.
    Mais aussi, en faisant l’interprétation du résultat avant le vote, elle se réserve ainsi la possibilité d’accuser la majorité (donc la Suisse en général) de xénophobie et/ou de racisme si la modification de la loi est adoptée.

  7. Posté par Cain_Marchenoir le

    Encore une petite remarque en passant: vous constaterez que l’oseo soutient le site internet d’amnesty dans cette campagne. J’en déduis que l’oseo doit mettre quelque chose de sa poche dans cette campagne. Or l’oseo (ou solidar) est financée en partie par la confédération, les cantons et les communes. IL me semble qu’il y a quelque chose à dire à ce sujet…

  8. Posté par Cain_Marchenoir le

    Excellent article. J’ajouterai en passant que si vous allez sur le site d’Amnesty, vous constaterez qu’il n’y a dans l’ensemble de l’argumentaire (pauvre) mis à disposition, aucune objection concrète aux modifications de la loi sur l’asile. Comme le dit très bien cet article, Amnesty a décidé d’évacuer le vrai débat pour faire croire qu’il s’agit d’être pour ou contre l’asile…

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