La faillite des services de renseignement

agents-secrets-1

   
Michel Garroté - Tous les responsables des services de renseignement français et des dizaines de spécialistes ont été interrogés (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : mais les parlementaires qui, durant des mois, après les attentats de Paris, ont voulu comprendre comment les terroristes avaient pu passer entre les mailles du filet, doivent se rendre à l’évidence : pas de réponse. Ou plutôt, comme se défaussent à chaque fois les responsables interrogés au fil des centaines de pages du rapport de l’enquête parlementaire, le renseignement français ne voit pas assez clair et entend mal.
-
Un comble. En résumé, il existe différents services de renseignement, ils n’ont pas les mêmes moyens, pas les mêmes compétences, pas les mêmes droits, ils ne se parlent pas entre eux et les contacts avec leurs homologues étrangers laissent à désirer. Tous les terroristes du 13 novembre 2015 étaient pourtant connus de ces services, et tous ont semé des indices de leur dessein, mais rien n’a été fait pour l’empêcher.
-
Insupportable pour les familles des victimes. Le cas du Chartrain Ismaël Mostefaï, l’un des assassins du Bataclan, est l’un des plus criants. Avant de tuer des dizaines de personnes puis d’exploser à la fin de l’assaut, il a, durant cinq ans, multiplié les alertes. Le rapport parlementaire confirme tout ce que les enquêtes de L’Écho Républicain avaient déjà révélé.
-
1 / Fiché S. Le 13 octobre 2010, cinq ans et un mois exactement avant l’attentat, il a 25 ans et il est fiché pour « radicalisation islamiste violente ». Avec quatre autres hommes, à Chartres, où il vit depuis 2005, il est alors identifié comme potentiel terroriste et ses faits et gestes sont censés être surveillés.
-
2 / Mentor. Autre raison de s’inquiéter, il a pour mentor Abdelilah Ziyad. L’intégriste de 58 ans aujourd’hui, a été condamné à perpétuité, dans les années quatre-vingt, au Maroc, pour avoir importé des armes d’Algérie. Mais il se réfugie en France et, depuis Chartres, recrute des jeunes, pour commettre un attentat à Marrakech, en 1994. Il est condamné pour ça, en 1996, à huit ans de prison. Il finit par sortir et, malgré son interdiction de territoire, reste en France, vit sous de fausses identités à Migennes (Yonne) notamment. Il vient très régulièrement à Chartres, mène des prières dans des appartements, ou même des voitures. En 2012, il devient imam d’une mosquée à Troyes et la famille Mostefaï, part elle aussi s’installer dans l’Aude? ; seul Ismaël reste à Chartres.
-
3 / Liens. Abdelilah Ziyad continue de venir à Chartres, et même encore après les attentats de 2015. Entre-temps, il retrouve régulièrement Ismaël Mostefaï, qui va aussi en Algérie, où son activisme est encore repéré. Pour autant, il revient à Chartres avec une épouse, et n’est pas inquiété.
-
4 / Incompréhensible. Septembre 2013. Ismaël Mostefaï vient lui-même de déclarer à l’état-civil la naissance de son deuxième enfant, à la maternité de Chartres. Son statut de jeune papa, comme son statut de fiché S qui lui interdit de quitter le territoire, ne l’empêchent pas de partir en Syrie. Il y parvient accompagné de Samy Amimour, autre futur tueur du Bataclan, autre fiché S. Ils sont recrutés par Daesh.
-
5 / Inimaginable. Ismaël Mostefaï revient en France, apparemment au printemps 2014, d’après des témoignages chartrains. Il revoit son mentor. Personne ne réagit. Il repart en Syrie, avec sa femme et ses deux enfants. Personne ne réagit, alors que les services de renseignement turcs ont alerté la France du premier voyage
-
6 / Encore. Ismaël Mostefaï aurait eu un troisième enfant, d’après sa famille, avant de revenir de nouveau de Syrie en France. Cette fois, c’était pour tuer. Et cette fois encore, personne n’a rien vu, rien entendu. Donc rien fait.
-
7 / Et maintenant ? Les restes d’Ismaël Mostefaï ont été inhumés en catimini au cimetière de Thiais (Val-de-Marne). Sa veuve, comme c’est l’usage pour Daesh, a sans doute été offerte, ou s’est elle-même offerte, à un autre combattant. Leurs trois enfants sont probablement déjà en train d’être éduqués à tuer. Mais tous les quatre restent Français, comme leur père. Et aucun service de renseignement n’est capable de dire ce qu’ils deviendront, ou s’ils reviendront, comme des centaines d’autres (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).
-
Adaptation et mise en page de Michel Garroté
-
http://www.lechorepublicain.fr/chartres/france/faits-divers/2016/11/13/linsupportable-faillite-des-services-de-renseignement_12151292.html
-