Je ne vous recommande surtout pas d'essayer de rendre le thème du cours attrayant pour les élèves. Je sais que cela peut sembler bizarre, mais laissez-moi développer mes arguments. La méthode qui consiste à adapter le thème du cours aux intérêts des élèves s'avère inefficace. (…) Par exemple, je suis passionné par la psychologie cognitive, donc vous pourriez vous dire: "Pour que Willingham s'intéresse à ce problème de mathématiques, je vais lui trouver un énoncé où la psychologie cognitive est en jeu." Mais je peux tout à fait m'ennuyer même en entendant parler de psychologie cognitive, comme cela s'est déjà produit maintes fois lors de conférences professionnelles auxquelles j'ai assisté. D'autre part, il est très difficile de trouver un sujet qui intéresse les élèves et, de ce fait, cette entreprise peut s'avérer infructueuse. Comment un professeur de mathématiques est-il censé enseigner l'algèbre en trouvant des exemples qui intéressent ma fille de seize ans? En utilisant un exemple de la "vraie vie" avec par exemple le nombre de minutes de forfait pour son téléphone portable? (…) n'y aurait-il pas un risque que ma fille s'intéresse davantage à son téléphone portable qu'au problème lui-même? (…) Donc si le contenu du cours ne suffit pas, peut être que la façon d'enseigner peut faire la différence? (…)
- L'enseignante A est une comédienne. Elle plaisante souvent et ne rate jamais l'occasion de donner un exemple amusant.
- L'enseignante B est cheftaine. Elle est très autoritaire et presque condescendante, mais en même temps tellement chaleureuse qu'on lui pardonne. Les élèves l'appellent "Maman" dans son dos.
- L'enseignant C est un conteur. Il illustre presque tout en racontant une anecdote tirée de sa vie personnelle. Le rythme de ses cours est plutôt lent et lui-même est calme et modeste.
- L'enseignant D est un show man. S'il pouvait tirer des feux d'artifice en plein cours, il le ferait. Le contenu de ses cours ne se prête pas facilement à des démonstrations, mais il investit beaucoup de temps et d'énergie pour élaborer des travaux pratiques intéressants, au cours desquels les élèves doivent souvent utiliser des appareils qu'il a fabriqué lui-même.
Ces quatre individus sont considérés par les élèves comme des professeurs qui savent rendre intéressant quelque chose d'ennuyeux et chacun d'entre eux a la capacité de pousser ses élèves à réfléchir au sens de ses cours. Il ont chacun une méthode d'enseignement bien à eux mais toutes ces méthodes fonctionnent. (…) Même si les élèves du primaire et du secondaire ne remplissent pas de questionnaires sur leurs professeurs, nous savons plus ou moins que ces deux éléments sont aussi très importants. Le lien affectif entre les élèves et leur enseignant influence considérablement l'intérêt qu'ils vont porter au cours, pour le meilleur et le pire. Un professeur a beau être parfaitement organisé, si les élèves ne l'aiment pas, sa méthode sera inefficace. D'autre part, un professeur gentil ou qui raconte des histoires farfelues, mais dont les leçons manquent d'organisation, ne sera pas non plus efficace. Pour être un bon professeur, il faut avoir ces deux qualités: il faut être capable d'avoir une relation personnelle avec les élèves, mais il faut aussi organiser ses cours de façon à les rendre intéressants et faciles à comprendre (ndlr c'est moi qui souligne). C'est ce que j'ai voulu montrer en distinguant ces quatre types d'enseignants (et il peut y en avoir bien d'autres.) Mais il y a selon moi un problème: quand on pense à la définition d'un bon professeur, on a tendance à se concentrer uniquement sur sa personnalité. Mais un enseignant avec une bonne personnalité n'est que la moitié d'un bon professeur. Les plaisanteries, les histoires, l'attitude chaleureuse, le charisme mettent les élèves à l'aise et parviennent à capter leur attention. Mais comment s'assurer qu'ils réfléchissent vraiment à ce qu'on leur enseigne? C'est là que la deuxième condition nécessaire pour être un bon enseignant entre en jeu: il faut savoir organiser les idées d'un cours de façon cohérente pour que les élèves les comprennent et les retiennent. (…)
Tiré de "Pourquoi les enfants n'aiment pas l'école! la réponse d'un neuroscientifique", La librairie des écoles, Paris, 2010, p.64 à 67 de Daniel T. Willingham, professeur de psychologie à l'Université de Virginie.
Conclusion: de l'amour et de la pédagogie explicite et tout ira pour le mieux….
Stevan Miljevic, 13 février 2014