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Michel Garroté -- Les pays occidentaux se servent de la rhétorique humanitaire en vue de cacher leurs plans de morceler la Syrie, a annoncé le vice-chef de la diplomatie russe (voir sources en bas de page). Washington, Londres et Paris évoquent des problèmes d'ordre humanitaire pour dissimuler leurs projets visant à diviser la Syrie, a déclaré vendredi le vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov. "Les USA, le Royaume-Uni et la France ont démontré que la rhétorique humanitaire et les tentatives de justifier leur présence en Syrie par le besoin de défaire les djihadistes leur étaient nécessaires pour dissimuler leurs projets de morceler le pays", a estimé le vice-chef de la diplomatie russe.
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Il a également souligné que Moscou était préoccupé par la politique agressive des États-Unis et de leurs partenaires à l'égard de la Syrie, destinée à attiser les tensions dans ce pays ravagé par la guerre. Auparavant, les pays occidentaux avaient accusé Damas d'avoir lancé une attaque chimique sur la ville de Douma dans la Ghouta orientale avant de brandir la menace de frappes sur le pays. Moscou a pour sa part démenti les informations faisant état du largage d'une bombe au chlore par l'armée syrienne à Douma. Dans la nuit du 13 au 14 avril, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ont effectué des frappes de missiles contre des sites syriens utilisés selon eux pour la production d'armes chimiques (voir sources en bas de page).
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Les tensions géopolitiques et la surenchère verbale entre l'Iran et Israël ou l'Arabie saoudite font craindre une escalade au Moyen-Orient au-delà du conflit par procuration que se livrent ces puissances régionales en Syrie, estiment des experts (voir sources en bas de page). "Nous ne permettrons pas d'ancrage iranien en Syrie, quel que soit le prix à payer", a averti en avril le ministre de la Défense israélien Avigdor Lieberman après un raid aérien contre une base militaire en Syrie dans laquelle sept Iraniens au moins ont péri. Israël n'a pas revendiqué cette attaque, la première ciblant directement des positions de l'Iran en Syrie voisine. Mais cette action a fait craindre une extension du conflit au-delà des frontières syriennes. L'Etat hébreu considère l'Iran comme son principal ennemi, ne veut surtout pas l'avoir à sa frontière et l'accuse de chercher à se doter de l'arme atomique.
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L'Iran de son côté ne reconnaît pas l'existence d'Israël. Ryad voit de son côté en Téhéran un rival qu'il accuse de vouloir dominer la région. Et des analystes ont évoqué un possible rapprochement de l'Arabie saoudite avec Israël, deux pays alliés des Etats-Unis. Dans ce contexte d'animosité extrême, les menaces de tous bords fusent en permanence. Dans un rapport, le groupe de réflexion International Crisis Group relève des visions antagonistes "qui maintiennent l'Iran et ses adversaires dans une spirale d'affrontements par procuration qui détruit" le Moyen-Orient. Le soutien de l'Iran à des milices en Irak, en Syrie et au Liban fait dire aux détracteurs de la République islamique que celle-ci cherche à dominer la région et à coaliser des forces pour attaquer Israël.
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L'ICG note que l'Iran, à l'inverse, perçoit le Proche et Moyen-Orient comme "une région dominée par des puissances dotées de capacités militaires supérieures" et que Téhéran ne s'est lancé dans le conflit syrien que par peur de perdre un de ses rares alliés et d'être encerclé par des forces jihadistes. Pour nombre d'Iraniens, l'idée que leur pays est la seule force déstabilisatrice de la région, comme le répètent Washington, Israël et Ryad, est difficile à avaler. "Ce n'est pas l'Iran qui retient prisonniers des Premiers ministres étrangers", s'agace Mohammad Marandi, professeur à l'Université de Téhéran en faisant allusion au Premier ministre libanais Saad Hariri. Ryad avait été accusée de l'avoir forcé à annoncer sa démission et de l'avoir retenu contre son gré.
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Au Yémen, les autorités saoudiennes "imposent depuis trois ans la famine et la guerre", ajoute Mabandi en référence aux frappes aériennes menées depuis 2015 par une coalition arabe menée par Ryad en soutien au gouvernement face aux rebelles Houthis, que Téhéran dit soutenir, mais pas militairement. La position du royaume saoudien vis-à-vis de l'Iran peut paraître contradictoire. Dans un entretien à la chaîne de télévision américaine CBS, le prince héritier Mohammed ben Salmane a déclaré en mars que l'armée et l'économie iraniennes étaient largement inférieures à celles de la monarchie sunnite, tout en présentant l'Iran chiite comme cherchant à prendre le contrôle de toute la région.
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"Les critiques peuvent accuser Ryad de voir la main de l'Iran partout", dit Ali Shihabi, directeur du cercle de réflexion pro-saoudien Arabia Foundation, basé à Washington, mais "les Saoudiens ont vu les forces à la solde de l'Iran prendre le contrôle de ses voisins un par un: Liban, Irak, Syrie". L'Iran aussi affiche des contradictions. L'ayatollah Ali Khamenei a déclaré qu'Israël n'existerait plus dans 25 ans mais pour MoHammad Marandi, il ne s'agit pas d'une menace militaire contre l'État hébreu. "Malgré toute la désinformation propagée par des médias occidentaux, l'Iran n'a jamais menacé d'entrer en conflit" avec Israël, dit-il. Mais Dore Gold, ancien ambassadeur d'Israël aux Nations unies, dénonce lui "le mouvement idéologique très agressif" de la République islamique.
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L'Iran "a construit des bases en Syrie pour des troupes terrestres", dit-il, et si l'on ajoute la présence de son allié, la milice chiite libanaise du Hezbollah, cela représente "une menace directe pour Israël". Les positions des uns et des autres apparaissent d'autant plus difficiles à concilier que l'Iran n'entretient de relations diplomatiques ni avec Israël, ni avec l'Arabie saoudite, Ryad et Téhéran ayant rompu leurs liens en 2016. Les adversaires de l'Iran voient dans ces appels la preuve de la duplicité supposée d'un pouvoir qu'ils accusent de complicité de crimes en Syrie. Pour apaiser la situation, écrit l'ICG, "il faudra que les voisins de l'Iran (et les États-Unis) dialoguent de manière systématique avec Téhéran sur les questions régionales comme l'avenir du Yémen, de la Syrie ou de l'Irak". Mais les Etats-Unis semblent guère enclins dans l'immédiat à discuter avec l'Iran, le président Donald Trump n'ayant de cesse d'accuser Téhéran de représenter une très grave menace pour la région (voir sources en bas de page).
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Adaptation & Mise en Page : Michel Garroté pour LesObservateurs.ch
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Sources :
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https://fr.sputniknews.com/international/201804271036127227-syrie-russie-occident/
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https://fr.news.yahoo.com/surench%C3%A8res-tensions-font-craindre-escalade-au-moyen-orient-094504180.html
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Proche et Moyen Orient – Un peu de bon sens
L’alliance de l’Occident avec tel ou tel pays musulman, cette alliance doit être considérée comme une alliance tactique à court terme, même si elle est renouvelable pendant un certain laps de temps, mais pas comme une alliance globale à long terme. De façon plus détaillée, il s'agit, primo, de cesser d’appréhender, d’une part, l’islam en terre d’islam ; et d’autre part, l’islam en Occident. Car il s’agit, dans les deux cas, du même islam, du même coran et des mêmes hadîths. Le discours "islamophile" (du genre "l'islam, une chance pour la France") ne changera rien à cette réalité.
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Secundo, en Occident, l’islam doit respecter l’ordre constitutionnel et laïc. Les zones de non-droit sont à remettre au pas, par la force légale et par le droit. En outre, l'Occident doit exiger de la part des pays musulmans qu'ils pratiquent la réciprocité : si le musulman bénéficie de la liberté religieuse chez nous, alors le chrétien en terre d'islam doit bénéficier de cette même liberté religieuse dans les pays musulmans.
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Tertio, l’alliance de l’Occident avec tel ou tel pays musulman, cette alliance doit être considérée comme une alliance tactique à court terme, même si elle est renouvelable pendant un certain laps de temps. Quarto, l’Occident doit admettre, une bonne fois pour toutes, que l’islam est imprévisible ; et que par conséquent, la stratégie globale à moyen et long terme de l’Occident, face à l’islam, reste, essentiellement, un ensemble de tactiques à court terme, modifiables à tout instant.
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Quinto, l’Occident a tout intérêt à maintenir un équilibre des forces entre islam sunnite et islam chiite. Et si les deux branches de l’islam, la branche sunnite et la branche chiite, sont en guerre, l’Occident doit apprendre à en tirer profit. Car le temps que ces deux branches consacrent à se combattre signifie un temps de répit pour l’Occident. En clair, l'Occident devrait oser la question suivante : des musulmans tuent d'autres musulmans ; et nous, en tant que non-musulmans, en quoi cela nous concerne-t-il ?
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Pour conclure avec un sujet complexe, à savoir la Syrie, je dois admettre que la crise syrienne me pose un problème. Je n'ai jamais eu la moindre sympathie pour le clan Assad. Notamment parce que j’ai vu de mes yeux les monstruosités perpétrées par le clan Assad contre les Chrétiens au Liban dans les années 1980. Cela dit, lorsque quelques années plus tard, dans les années 1990, je me suis rendu en Syrie, j’ai été bien obligé d’admettre que la situation des Chrétiens y était bonne.
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C’est un paradoxe typiquement levantin. Le clan Assad a voulu chasser les Chrétiens du Liban afin de pouvoir annexer ce pays. Et ce même clan Assad, dans son propre pays, la Syrie, a ménagé - et ménage encore - les minorités, y compris les minorités chrétiennes, du fait que ce clan est, lui aussi, une minorité, en l'occurrence une minorité alaouite issue du chiisme, dans un pays majoritairement sunnite de tendance islamiste (à ce propos, on parle de sunnites islamistes "modérés" et c'est une sinistre plaisanterie).
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Je sais très bien qu’actuellement le clan Assad fait à son propre peuple ce qu’il avait déjà fait pendant plus de quinze ans aux Chrétiens libanais. Du reste, à l’époque, j’étais très seul dans ma défense de ces Chrétiens libanais, persécutés dans leur propre pays, et dont le sort, laissait le monde entier indifférent. En résumé et en conclusion, je ne peux pas, aujourd’hui, prendre parti contre le clan Assad, car si un Califat islamique sunnite lui succède, ce sera le chaos islamique, les chrétiens de Syrie, d'Irak et du Liban n’auront plus qu’à faire leurs valises. Et qui les accueillera ? Personne.
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Michel Garroté pour https://lesobservateurs.ch/
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