24heures - invité Mountazar Jaffar, Conseiller communal élu PS Lausanne
Face à ces nouvelles mesures, s’engager ou subir
Mountazar Jaffar s’oppose à la loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme, soumise au vote le 13 juin.
[...] Ces mesures permettront d’une part l’assignation à résidence et l’interdiction de voyages d’individus soupçonnés de radicalisation – en raison de leur hyperkératose diront certains – mais surtout, elles pourront concerner les enfants dès l’âge de 12 ans.
Lire aussi: Terrorisme: il faut prévenir le crime plutôt que le sanctionner!
Autrement dit, chaque individu, de confession musulmane vraie ou supposée, pourrait s’apparenter à un futur soldat de Daech ou Boko Haram. Bien que les citoyens suisses soient désormais tristement familiers quant à ce type de privation de liberté au vu des vagues soulevées lors de leur application en France, certaines mesures devraient déclencher un tsunami d’oppositions tant leur contenu est non seulement profondément islamophobe, mais surtout contraire aux droits de l’enfant.
«Prendre la parole et s’engager, en politique ou en dehors […] est dorénavant vital.»
La quasi-absence de débat public autour de cette loi discrètement adoptée ne peut être imputée qu’à la seule volonté de ses coauteurs. Si le silence criant permet à ces derniers d’avancer sans trop rencontrer d’embûches dans la voie de la perpétuelle stigmatisation de la communauté musulmane, au moins entamée depuis la loi sur les minarets, celle-ci ne peut (plus) attendre que d’autres se battent pour elle. Prendre la parole et s’engager, en politique ou en dehors auprès d’autres individus mus par des valeurs de tolérance et de justice est dorénavant vital.
Nous, musulmans d’Occident – «muccidentaux» – sommes parfois mieux éduqués que nos parents, maîtrisons la langue et avons tissé des réseaux de connaissances. Ces atouts ne devraient pas nous permettre de mener une vie désintéressée et teintée d’individualisme, mais plutôt nous permettre de défendre et de garantir à notre tour des conditions de vie dignes aux prochaines générations. Car au vu du climat social et politique prégnant, affirmer que l’avenir ne sourira que peu aux muccidentaux relève moins du pessimisme que d’une sombre réalité.
Défendre nos droits
Finalement, se reposer sur l’engagement d’autres pour défendre nos droits de croyance et de pratique, à nous, musulmans, a ses limites. Parmi les quelques lots de surprises dont l’année 2021 nous a fait les malheureux gagnants, figure celui de l’interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public, interdiction qui vise expressément, sans les nommer, les rares femmes musulmanes à porter le voile intégral.
Bien que nous ayons tant bien que mal tenté de faire comprendre que pour la plupart des musulmanes – c’est un euphémisme – cette pratique n’est que peu relevante en matière de foi, la rhétorique féministe derrière laquelle se cachent les motifs moins avouables de nos adversaires est parvenue à séduire une partie de nos traditionnels défenseurs. Ainsi, nous ne pourrons, cette fois encore, probablement pas bénéficier du soutien confortable auquel nous nous sommes malgré nous gracieusement habitués.