L’ambassadeur de France en Hongrie vilipende la «magyarophobie» et «l’antisémitisme musulman»

Dans une note diplomatique révélée par Mediapart ce 29 juin, l'ambassadeur de France en Hongrie, nommé en 2015 par François Hollande, enjoint le président français à modifier sa perception de la politique du Premier ministre hongrois Viktor Orban.

La Hongrie est «un peu le Real Madrid du monde politique moderne». L'auteur de cette comparaison surprenante entre le club de football espagnol triple champion en titre de la prestigieuse Ligue des champions et le gouvernement du Premier ministre hongrois Viktor Orban n'est autre que l'ambassadeur de France à Budapest.

Eric Fournier, nommé par François Hollande en 2015, a envoyé une note diplomatique à la direction de l’Union européenne du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ainsi qu’à la présidence de la République ce 18 juin. Dans ce document, que Mediapart a pu consulter, Eric Fournier attaque frontalement la perception erronée qu'aurait la presse internationale des forces politiques qui président à la destinée de la Hongrie.

Aucun gouvernement européen ne peut se prévaloir d'une triple victoire électorale consécutive avec deux-tiers des suffrages

Selon lui c'est «par jalousie» que les commentateurs auraient développé une «magyarophobie» (le mot «magyar» signifie «hongrois» dans la langue du pays et est utilisé pour désigner le peuple hongrois). Pour le diplomate, la Hongrie est «un modèle ayant su anticiper les problèmes posés par les mouvements migratoires illégaux». Les accusations de populisme – le président français Emmanuel Macron parle lui de «démocratie illibérale» – sont «fantasmagoriques» poursuit l'ambassadeur. Dans une sous-partie de la note initulée «le mythe du populisme», Eric Fournier rappelle également qu'«aucun gouvernement européen ne peut se prévaloir d'une triple victoire électorale consécutive avec deux-tiers des suffrages », en référence aux succès récurrents de Viktor Orban dans son pays.

Ces accusations, peu communes pour un diplomate en exercice soumis au devoir de réserve, ne sont pas anodines. Elles interviennent en pleine tempête européenne sur la question migratoire – où la Hongrie joue un rôle-clé en tant que leader du groupe de Visegrad dont le ciment est notamment la volonté de stopper les flux de migrants en Europe – et alors qu'un éventuel déclenchement contre la Hongrie de l’article 7 du traité de Lisbonne est en discussion depuis plusieurs mois. Une telle éventualité pourrait conduire à lui retirer son droit de vote au sein du Conseil européen.

L'antisémitisme en Hongrie ? Un «fantasme» de «journalistes étrangers»

Si la procédure est longue et complexe, un premier jalon a été posé ce 25 juin. Une quarantaine d'eurodéputés du comité chargé des libertés civiles ont en effet voté en faveur du déclenchement de l'article 7 contre la Hongrie. Ce coup de semonce s'apparente, pour Eric Fournier, à un caprice de la Commission européenne, qui «cherche à faire payer à la Hongrie son discours critique».

Un modèle ayant su anticiper les problèmes posés par les mouvements migratoires illégaux

Une des raisons pour lesquelles les députés ont choisi de voter pour sanctionner, ou du moins envoyer un message fort à la Hongrie, est la récente entrée en vigueur d'un amendement à la Constitution hongroise qui stipule désormais que toutes les institutions du pays doivent défendre la culture chrétienne. «Quoi de plus normal, a priori, de la part d’une nation qui continue depuis 1 018 ans de faire de Saint-Etienne l’un de ses pères fondateurs ?», s’interroge à ce sujet Eric Fournier.

[Le] véritable antisémitisme moderne [est] le fait des musulmans de France et d’Allemagne

Dernier point abordé par le diplomate dans sa note : le supposé antisémitisme qui sévirait au sommet de l'Etat hongrois, notamment du fait des campagnes anti-Soros – un milliardaire juif americano-hongrois pointé du doigt par Viktor Orban pour ses financements, par le biais de sa fondation Open Society, d'ONGs appelant à l’accueil de réfugiés dans le pays. Ces insinuations sont non seulement un «fantasme» de «journalistes étrangers», selon l'ambassadeur de France en Hongrie, mais aussi un moyen de faire diversion quant au «véritable antisémitisme moderne» qui est «le fait des musulmans de France et d’Allemagne».

Interrogé par Mediapart, le Quai d’Orsay confirme l’existence de cette note et assure que ces propos «ne reflètent nullement la position des autorités françaises». Ils relèvent au contraire d’«un commentaire non sollicité et malvenu de son auteur, auquel il a été fermement rappelé la nécessité d’une expression précise et mesurée, dans le strict champ de ses compétences».

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