En Occident, nous n’en finissons plus de faire pénitence. Voici pour quelles terribles raisons…

Le Canossa permanent -Lessivés, nous serons demain supplantés

par Nicolas Lévine-

On doit reconnaître au moins une qualité aux Algériens : ils sont têtus. Une fois de plus, leur gouvernement vient de demander à la France de « présenter des excuses » pour la colonisation. Abdelaziz Bouteflika adorait le faire ; son successeur, le mal élu Abdelmadjid Tebboune, s’y met à son tour, déclarant le 4 juillet sur France 24 que cela permettrait « d’apaiser le climat et le rendre plus serein pour des relations économiques, pour des relations diplomatiques, pour des relations de bon voisinage ». Il admettait avoir déjà reçu des « demi-excuses » de la part d’Emmanuel Macron, [...]

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EXCLUSIF : le président algérien Tebboune croit à un "apaisement" de la situation avec la France

4 juil. 2020

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Cette plainte est venue ponctuer un événement dont les médias français, trop occupés à commenter le changement d’un comptable par un autre à Matignon, ont fort peu parlé : sur ordre de Macron, les dépouilles de vingt-quatre « résistants » à la conquête (1830-1850), conservées au Musée de l’Homme, ont été rendues à leur patrie. Jeune nation très patriote, l’Algérie a accueilli en grandes pompes ces féroces guerriers vaincus par les soldats de Bugeaud et ses épigones. [...]

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Dans l’imaginaire des petits-bourgeois antifas, l’immigré a remplacé l’ouvrier, le « racisé » victime de discriminations s’est substitué au manœuvre exploité par son patron

D’aucuns, rares il est vrai, osèrent dire que cette affaire était propre aux Etats-Unis, qu’elle découlait peut-être du communautarisme et, avant, de la traite transatlantique puis de la ségrégation. On leur ordonna de se taire ; l’heure n’était pas à l’histoire mais à la mystique. Il s’agissait de communier tous ensemble – à l’exception des forces obscurantistes, bien sûr – sur le majestueux corps de George Floyd, plus grand mort que vivant. Et comme ils l’avaient déjà fait ces dernières années à la suite d’autres décès de personnes noires, les militants et sympathisants de BLM commencèrent à s’agglutiner au pied de certaines statues par eux jugées provocatrices. Après celles de généraux confédérés dans les Etats de l’ex-Sud, ils s’en prenaient à présent en particulier à Christophe Collomb.

George Floyd, une chance pour le Comité Adama Traoré

 

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Partout en Europe, cette « catharsis » trouva de chauds partisans. En Grande-Bretagne, des statues de Cecil Rhodes, de l’amiral Nelson et de Churchill furent assiégées ; même à Prague, ce dernier eut droit à des graffitis peu amènes. Comme le disent les journalistes avec la satisfaction de celui qui voit son rêve se réaliser, ce mouvement était mondial. En vérité, il était seulement occidental ; il se manifestait là où vivaient de fortes communautés africaines de naissance ou d’origine et où la superstructure politico-culturelle était entre les mains de libéraux.

C’est toute notre culture qui est ainsi lessivée afin qu’une autre la supplante!

[...] Si, en France, Macron s’indigna mollement de cette manie déboulonneuse, des libéraux plus conséquents, des deux côtés de l’Atlantique, lui donnèrent raison en annonçant le retrait de certaines statues. Dans les mois qui viennent, le pauvre Christophe Collomb devrait par exemple disparaître de la plupart des grandes villes américaines.

Sacrilège contre le « vivrensemble »

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Résister aux autodafés modernes

Parallèlement, on expurge le passé de personnages embarrassants. Christophe Collomb n’a pas découvert l’Amérique mais l’a détruite ; Faidherbe n’a pas vaincu les Allemands à Bapaume mais a soumis les Sénégalais ; Colbert n’a pas contribué à faire de la France la lumière du Grand Siècle mais a rédigé le Code noir. Tous nos héros, petits ou grands, doivent être évacués pour faire de la place à ceux qui nous annoncent – comme nous sommes plus prosaïquement appelés à faire de la place aux immigrés. Mandela remplace Napoléon, Rosa Parks, Jules Ferry, Hypatie, Jules César, Olympes de Gouges, Clemenceau. L’industrie culturelle se met au garde-à-vous ; elle accable l’esclavage, raconte les « féministes » de toutes les époques, explique que la France a été libérée du nazisme par les goumiers, brode ad libitum sur Auschwitz. Pour des raisons morales, elle s’en prend également à la littérature ; parce qu’ils étaient antisémites, Heidegger et Céline doivent être lus avec la plus extrême précaution ; [...] Cette formidable manipulation est fructueuse. A chaque fois qu’un lycée se cherche un nom, les élèves déculturés proposent des noms étrangers, conformes à l’attente de leurs professeurs et de l’institution ; pour le commun des Français, désormais, Napoléon est un criminel voire un malade mental ; la chronologie n’est plus apprise et toutes les périodes du passé se mélangent dans un sombre gloubi-boulga. Pour les libéraux à la manœuvre, l’ignorance généralisée est le meilleur moyen d’aboutir à la tabula rasa.

[...]

Résister, c’est être réactionnaire voire fasciste. Que faire ? Assumer. Il est trop tard pour la nuance. Nous devons nous engager dans cette guerre mémorielle avec la même détermination que nos ennemis. Nul n’oblige les Africains à s’installer en France ; s’ils ne sont pas satisfaits, si nos mœurs et nos panthéons les dérangent, leur vaste et riche continent les attend. Ne nous excusons de rien, jamais. Chantons notre histoire face à ceux qui la souillent. Car, comme l’écrivait Orwell dans 1984 : « Qui commande le passé commande l’avenir ».

article complet: https://www.causeur.fr/canossa-penitence-black-lives-matter-algerie-assa-traore-179216

Coronavirus, il n’y aura plus de retour à la normale. La mondialisation s’est grippée

Défaillances françaises, rapport aux autres, à la politique, à la modernité ou à la mort, économisme, quartiers perdus de la République: le coronavirus rebat toutes les cartes. Guillaume Bigot esquisse le vrai monde d’après

Nous sommes pareils à des voyageurs de wagons-lits qui « ne se réveilleront qu’au moment de la collision » écrivait Robert Musil dans L’Europe désemparée.

La pandémie de Covid-19 nous a surpris comme la grande guerre où la grippe espagnole avait sorti nos ancêtres d’une torpeur mêlée de bonheur. Le stade 4 de l’épidémie désigne le retour à la normale. Gageons qu’aucun peuple, aucun gouvernement et même aucun de nous, ne connaîtra de stade 4.

Ni dans 45 jours, ni jamais.

En 24h, nous sommes passés de la planète pour horizon à notre palier 

Cette épidémie a profondément modifié notre rapport à l’espace. Jusqu’au confinement, la post-modernité libérale nous promettait de faire du monde entier un espace à notre portée. La présence de touristes chinois dans nos grands magasins avait fini par nous convaincre que la planète était devenue l’échelle de nos vies.

En 24 heures, nous sommes pourtant passés de la planète pour horizon à notre palier ou à notre jardin. Ce rétrécissement d’horizon est considérable, surtout pour ceux qui, hier encore, considéraient East Village comme l’extension de SoPi (South Pigalle).

Du burn out à la plage vide 

Le temps lui-même s’est ralenti et presque arrêté. À l’image des montres molles de Dali, le temps est devenu caoutchouteux. Ce personnage de Camus qui, derrière ses barreaux, décrit « les jours qui débordent les uns sur les autres », nous paraît de moins en moins étranger.

Nous sommes passés du mode TTU (très très urgent), ASAP, burning out et trop plein au syndrome de la plage vide.

La semaine dernière, nos agendas étaient tellement pleins que nous avions la sensation d’avoir plusieurs mois voire plusieurs années de retard. Désormais, nous avons la sensation d’une mise à la retraite avant l’heure, plus ou moins entrecoupée de phases de télétravail.

Nous sommes passés d’un univers rythmé en millisecondes et de trading haute fréquence à un temps propice à l’introspection, seul compatible avec l’horloge interne de l’être humain. L’inaction nous force à la réflexion. Le temps nous incite à nous interroger sur la manière dont nous avions à le remplir et à sa durée limitée.

Or, comme le savent les physiciens, le temps et l’espace sont interdépendants.

Nous n’avions pas nécessairement conscience du lien entre notre perception de l’espace et du temps et nos moyens de locomotion. Nos aïeux disent que Paris désert et sans voiture leur fait penser à l’occupation. Dans toutes les grandes villes de France et dans toutes les métropoles du monde, c’est la même mise sur pause. Nous avons cessé de nous déplacer.

Pour le meilleur et pour le pire, nous allons redécouvrir que nous ne sommes pas seuls au monde

Jusqu’ici tout ne va pas bien mais tout tient encore.

Grace à Internet, vaille que vaille, relations amoureuses, amicales et professionnelles (au-delà du foyer au sens de l’INSEE) se poursuivent à distance car les réseaux fonctionnent encore. La saturation des bandes passantes n’est pas loin. Google annonce déjà des restrictions. Ici encore, le réel s’impose au virtuel et nous redécouvrons progressivement que derrière le rhizome numérique mondial se cache des infrastructures physiques, donc limitées. La 5G n’est pas pour demain et estimons-nous heureux si nous ne ressortons pas les modems, les Minitels voire les signaux de fumée, le tam tam ou les pigeons voyageurs.

A lire aussi: L’État n’est plus un problème, il est redevenu la solution

Notre rapport aux autres se trouve également profondément modifié par la crise sanitaire. Ceux qui sont confinés seuls sont tentés de croire que le paradis, c’est les autres. Ceux qui sont confinés avec leur famille ou avec une poignée de proches peuvent être tentés de rejouer le scénario de Shining d’ici 45 jours.

La Chine, dans un tout autre contexte culturel, il est vrai, est déjà passée par là. Dans Wuhan confinée, le nombre de violences conjugales et de divorces a littéralement explosé.

Pour le meilleur et pour le pire, nous allons redécouvrir que nous ne sommes pas seuls au monde.

La fin du bon plaisir Uber Alles 

Cette crise planétaire inédite depuis la seconde guerre nous invite à considérer que le bon plaisir individuel « Uber Alles » et l’individualisme marchand libéral-libertaire n’était pas l’horizon indépassable espéré par certains.

Les surhommes nietzschéens qui se divertissaient avec Netflix, se nourrissaient avec Deliveroo, se déplaçaient avec Uber, doivent en rabattre de leur prétention à faire bande à part. BEP ou bac + 12, nous sommes tous menacés par le virus.

Comme dans ce texte inaugural d’Hérodote comparant l’histoire à une pluie qui s’abat sur les acteurs d’une pièce et faisant couler leur maquillage, le coronavirus met au jour le véritable visage des acteurs. En France, la pandémie a rapidement fait éclater les différences de mœurs et de rapport à la loi des différentes strates de la population. Dans ce que les médias appellent pudiquement les quartiers, des bagarres éclatent dans les magasins, les forces de l’ordre sont couramment prises à partie et se font parfois cracher dessus dans un geste où le mépris veut tuer. Des bandes défient les consignes de confinement. Une partie de la jeunesse en voie de sécession manifeste que leur rejet de la légitimité de l’État prime sur la volonté de protéger leurs parents ou leurs grands-parents.

Les Français malgré eux refusent d’obéir à la loi

Étrange et atroce chambre noire, le coronavirus révèle qu’une partie de la jeunesse est composée de Français malgré eux. Ici encore, il ne faut pas compter sur un retour à la normale. Le gouvernement ne pourra pas éternellement accuser toute la nation d’un incivisme qui est celui d’une minorité qui précisément ne veut pas lui appartenir.

Le Covid-19 a fait tomber un autre masque faisant apparaître la soi-disant Union européenne pour ce qu’elle est : une organisation internationale fondée sur une idéologie dénuée de substance, de pouvoir et de projet. Sous les palabres et les traités de Bruxelles, les nations ressurgissent dans leur égoïsme cru. Les Italiens demandent des masques aux Allemands qui les stockent pour eux-mêmes. Hélas, le seul produit sanitaire que Berlin a exporté gratuitement chez ses voisins reste le zyklon B.

Qui doit vivre et qui doit mourir ?

Un autre épilogue ironique et cruel révélé par la pandémie concerne les « heures les plus sombres de notre histoire ».

Ces « heures les plus sombres », invoquées comme un mantra anachronique, depuis quarante ans pour toujours plus rogner les pouvoirs des peuples au profit de l’UE sont de retour comme un effet secondaire involontaire et imprévisible propagé par la mondialisation et par le refus obstiné des frontières. Hier, des tueurs en blouse blanche, une tête de mort au revers de leur veste, décidaient qui devait vivre et qui devait mourir. Aujourd’hui, des sauveurs en blouse blanche, une croix bleue sur la poitrine risquent leur vie pour sauver la nôtre mais sont contraints de répartir la pénurie, donc de décider qui doit vivre et qui doit mourir. Une catastrophe sanitaire d’une telle ampleur était très difficilement prévisible. En revanche, ce qui était prévisible, c’est qu’accorder la priorité aux activités rentables « quoiqu’il en coûte » au détriment des services publics voire des vies humaines était pire qu’un crime, une grave erreur de calcul.

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Tant que les victimes de ces politiques étaient peu nombreuses et isolées, leur caractère suicidaire demeurait caché. Le soldat en opération obligé d’acheter son gilet pare-balle avec sa solde ou le chef de service devant fermer des lits pestaient dans leur coin. Mais la crise sanitaire frappe aussi les actionnaires.

Nouvelle ironie douloureuse, le mal venu du Hubei emporte surtout les détenteurs d’épargne que sont nos aînés.

Le retour de l’euthanasie des rentiers

L’euthanasie des rentiers dont parlait Keynes est de retour. Et les détenteurs de capitaux que le Covid n’aura pas tués et l’inflation qui va fatalement suivre, vont inévitablement les ruiner. Il ne faut y voir l’effet d’aucune justice immanente (il n’y a que les fanatiques du marché qui croient à la main invisible), mais le retour forcé d’un paradigme économique où le tout est considéré comme ayant plus de valeur que les parties et où l’on ne pourra plus s’enrichir individuellement et impunément au détriment de la collectivité.

Les délocalisations avaient battu en brèche la rentabilité de l’épargne et celle du secteur privé « dégraissé ». Elles avaient aussi tassé les revenus des salariés et induit une hausse massive du chômage ayant fait exploser les dépenses sociales.

Effectivement, la globalisation voulue par nos élites nous aura coûté un pognon de dingue. Désormais, elle va nous coûter des vies.

On ne peut imputer ni à la mondialisation, ni à nos gouvernants – qui hier encore étaient ses défenseurs les plus fervents – le surplus de morts lié au démantèlement de l’hôpital public, au déstockage des masques, à la délocalisation de la production des respirateurs et des médicaments.

Administrateurs et communicants désemparés : il n’y a pas de précédents 

Nos dirigeants ne sont comptables que de la surmortalité qui découlera de la saturation de nos hôpitaux. Il est difficile de se défaire de cette désagréable sensation que la misère de l’impréparation (pas de masques, pas de tenues, pas de tests, pas de lits en quantité suffisante) a été déguisé en stratégie. Celle de l’immunité de groupe où les autorités décident sciemment de laisser le virus circuler pour qu’un maximum d’entre nous développe les moyens naturels de lutter (notre système immunitaire possède une mémoire).

Cette impression de malaise est accrue par le réflexe inique de nos dirigeants mettant en cause notre incivisme et notre légèreté pour mieux cacher la leur. « Notre défaite est venue de nos relâchements » ; tançait Philippe Pétain au lendemain de la débâcle. « Les Français ne sont pas assez disciplinés » semble répondre Édouard Philippe.

Politiquement, il est vain de tabler sur un retour à la normale.

Avant cette crise, la vie démocratique était devenue un théâtre où des hauts fonctionnaires jouaient, avec plus ou moins de bonheur, aux communicants. Or, diriger n’est pas administrer : les gestionnaires ne savent pas improviser, ils fonctionnent aux précédents et s’abritent toujours derrière des règles et les experts.

La grippe espagnole est le seul précédent à peu près comparable. Or, la haute fonction publique française qui nous « dirige » depuis 1969 a perdu sa mémoire. Il est fort à parier que notre peuple, le moment venu, tirera des conséquences drastiques de cette crise. Pourquoi accepterions-nous d’être gouvernés par des chefs qui, de leur propre aveu, se sont trompés sur tout ? Plus profondément, le coronavirus révèle la nature profonde de la politique qui est une affaire de vie et de mort. C’est le caractère précaire de nos vies et de nos sociétés qui fonde sa nécessité, sa gravité et son importance. Elle sera inévitablement de retour.

Une soupe au pangolin a grippé la mondialisation 

Une soupe au pangolin ou à la chauve-souris dégustée par un paysan chinois ou l’erreur d’un laborantin chinois n’a pas que grippé la mondialisation.

Cette révolution « coronicienne » va nous sortir de l’hybris post-moderne globalisante, individualiste et relativiste. Le coronavirus a tué cette illusion d’une vie humaine débarrassée de sa finitude. Sous une forme moins spectaculaire mais plus insidieuse que le 11 septembre, la crise sanitaire planétaire a replacé la mort à sa juste place de révélateur de la valeur de la vie humaine.

La mort est la grande égalisatrice et aussi la grande éclaireuse de nos existences. À la fin, c’est toujours elle qui gagne et donc qui décide de ce et de ceux qui compte(nt), de ce qui est important et de ce qui est insignifiant, de ce qui dure et de ce qui passe.

Nous étions en train de perdre notre humanité, un virus d’un millième de micron vient de nous la rendre.

Greta, intersectionnels, indigénistes : ils vomissent l’Occident

Convergence des luttes et confusion des idées

Si l’on suit la pensée dominante et « intersectionnelle » qui inonde le décolonialisme, le féminisme radical et l’antiracisme dévoyé, on peut esquisser le portrait-robot du coupable : c’est un homme, blanc, raciste, hétérosexuel.

Lors de son dernier discours à Madrid, puis dans une tribune de Project Syndicate (29 novembre 2019) Greta Thunberg a déclaré :

« La crise climatique ne concerne pas seulement l’environnement. C’est une crise des droits de l’homme, de la justice et de la volonté politique. Des systèmes d’oppression coloniaux, racistes et patriarcaux l’ont créée et alimentée. Nous devons les démanteler. »

Adèle Haenel en pointe

La rapidité avec laquelle certaines idées circulent puis s’intègrent dans un discours anti-Occident est stupéfiante. Ainsi, en sus de son combat pour l’écologie, dans un mouvement « intersectionnel » perpétuel, Greta Thunberg est-elle parvenue à désigner les fautifs : les anciens pays colonisateurs (uniquement les pays occidentaux), les racistes (uniquement les Blancs) et les systèmes patriarcaux (hormis ceux de la tradition coranique).

De la même manière, dans un entretien donné au New York Times, Adèle Haenel a pu expliquer que la « vraie censure dans le cinéma français, c’est l’invisibilisation » ; puis questionner : « Où sont les gens racisés dans le cinéma ? » ; et conclure : « Pour l’instant, on a majoritairement des récits classiques, fondés sur une vision androcentrée, blanche, hétérosexuelle ». (sic)

Si l’on suit la pensée dominante et « intersectionnelle » qui inonde le décolonialisme, le féminisme radical et l’antiracisme dévoyé, on peut esquisser le portrait-robot du coupable : c’est un homme, blanc, raciste, hétérosexuel. Et il cumule ces tares sur une seule aire géographique : l’Occident. Selon ce mythe, lui seul a colonisé des terres. Lui seul a conquis des territoires. Lui seul a fait de la traite des noirs africains un commerce monstrueux et lucratif. Lui seul a condamné les femmes aux pires tourments et à « l’invisibilisation ». Et lui seul a des comptes à rendre.

A lire aussi : Les damnés de la France

Stratégie de pouvoir

L’excellent livre d’Anne-Sophie Nogaret et Sami Biasoni, Français malgré eux, montre comment fonctionne, jusqu’à la bêtise, ce mouvement qui aimerait bien passer pour révolutionnaire, mais qui n’est en réalité qu’une façon de prendre le pouvoir (ou de garder un poste) en différents points stratégiques, l’université en tête ; ou de faire briller la coquille vide du « moi », ce « moi » qui ne regarde que lui et a trouvé dans le discours victimaire et « intersectionnel » le moyen de faire croire qu’il regardait aussi, de temps en temps, ailleurs, c’est-à-dire hors de lui, voire loin de lui. Ce qui n’est pas le cas.

Cette double ambition, pouvoir pragmatique et valorisation du « moi », n’est pas antinomique, et la « pensée » intersectionnelle est une arme efficace qui sert aussi bien l’une que l’autre. À l’intersection des potentielles et supposées discriminations auxquelles m’exposent ma couleur de peau, mon orientation sexuelle, mon obésité, mon handicap, mon accent, mon âge, mon « genre »…, je peux exhiber mon « moi » unique et égoïste, étaler une fausse compassion, cacher un véritable ressentiment, et bousculer ce que j’appelle l’ordre établi et dominant, lequel est idéalement représenté par l’homme blanc hétérosexuel occidental de plus de cinquante ans que je peux chasser pour prendre sa place.

Macron contre les « mâles blancs »

Ainsi voyons-nous aujourd’hui, en France, de plus en plus souvent, des ateliers non-mixtes ou des camps décoloniaux refuser leur accès aux Blancs, ou aux hommes, ou aux hétérosexuels, sous prétexte de « se défaire du joug de “l’influence du dominateur” ».

Ainsi avons-nous entendu le président de la République évoquer à deux reprises les « mâles blancs » quadras ou quinquagénaires (lors de son discours au Collège de France sur l’Intelligence artificielle et lors de la présentation du plan « banlieues »).

Ainsi, nous rappellent les auteurs de Français malgré eux, lors d’un colloque à l’université Paris 1 intitulé « Approches phénoménologiques du genre et de la race », la « philosophe » Manon Garcia a-t-elle pu asséner : « Je ne suis pas sûre que la femme dans son harem ait tellement moins de liberté que la catholique versaillaise mère au foyer, en fait ».

Ainsi, la « philosophe » Marion Bernard, lors du même colloque durant lequel l’alcool a dû couler à flots, narrant une expérience de rencontre avec une « nounou » noire dans un jardin public, a-t-elle pu tituber à voix haute : « Je deviens moi-même un personnage en deux dimensions […] en couleur, ou plutôt en non-couleur. Non-couleur qui décolore mon fils du même coup, le blanchit et le sépare de moi […] Nous avons ce lien nouveau entre nous, désagréable et honteux, qui me fait peur, la blancheur en partage, visible et gênante. Tout à coup, il est moins là que les autres enfants. » (sic, sic, sic !).

SOS universalisme

Sous l’influence de « concepts » anhistoriques, anachroniques et « intersectionnellement » victimaires, Greta Thunberg, Adèle Haenel, Delphine Ernotte, Eric Fassin, Rokhaya Diallo, Manon Garcia et mille autres, participent au même mouvement de dénonciation du même coupable et jubilent de voir leur moiversalisme bavard et flou remplacer cet encombrant, historique et philosophique universalisme. La quête de vérité, la saine curiosité, l’envie de lire autre chose que des tracts, les notions de bien et de mal, se voient évincées par des valeurs progressistes portées en étendard et variant au gré des modes ou des ambitions personnelles. Le « moi » décomplexé et ignorant a des combats dont il est fier et qui finissent en parades. Cela suffit à le satisfaire.

Mais ces luttes « intersectionnelles » et factices ne tromperont leur monde que le temps nécessaire à l’étalage total de leur bêtise. Déjà, Etienne Balibar, qui n’est pas réputé pour son conservatisme ou son esprit réactionnaire, a réagi très vivement lors d’un débat entre étudiants et universitaires plus ou moins « racisés » mais totalement « décoloniaux » lorsqu’un intervenant a réclamé « le meurtre du philosophe blanc hétérosexuel » (?!) : « Le livre de Norman (Norman Ajari, auteur du livre débattu ce soir-là), a tenu alors à préciser vertement Etienne Balibar, ne contient pas un seul bloc d’argumentation qui ne vienne pas de la raison classique. Il n’y a pas un seul raisonnement, il n’y a pas une seule construction de pensée, pas une seule critique dont vous pourrez dire “Ah oui, là, ça vient du fond de l’Afrique !” Pas du tout ! tout ça provient de Hegel, à travers Fanon ». À force de pousser pépère dans les orties, même le plus conciliant des pépères se rebiffe !

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L’Europe centrale contre la religion des droits de l’homme

Le journaliste Max-Erwann Gastineau interrogé par Bérénice Levet

Bérénice Levet interroge Max-Erwann Gastineau sur REACnROLL. Le journaliste, auteur du Nouveau procès de l’Est, y prend la défense des démocraties illibérales d’Europe centrale (Pologne, Hongrie…). Causeur vous invite à lire un extrait de cette émission d’une heure, que vous pourrez visionner en intégralité sur le site de la webtélé des mécontemporains (5€ par mois).

Bérénice Levet. L’Europe centrale n’est présente dans l’actualité qu’au titre d’accusée. Nous n’entendons parler de la Hongrie, de la Pologne, dans une moindre mesure de la République tchèque et de la Slovaquie qu’à la faveur des procès qui leur sont intentés par l’Europe de l’Ouest. Le tout est relayé par des médias toujours indignés. Le Monde du 18 décembre en est un parfait exemple : une pleine page annonce « une alliance des villes libres contre le populisme : les maires de Budapest, Varsovie, Prague et Bratislava ont signé un pacte contre les dérives des gouvernements du groupe de Visegrad ». Votre démarche se situe à l’exact opposé…

Max-Erwann Gastineau. Le groupe de Visegrad rassemble les quatre pays de l’Europe centrale – Slovaquie, République tchèque, Hongrie et Pologne qui défraient la chronique. Le groupe de Visegrad renvoie à une coalition régionale entre les royaumes de Bohême, de Hongrie et de Pologne qui s’était constituée au XIVe siècle face aux prétentions impérialistes des Habsbourg d’Autriche. Ce groupe a été réanimé en 1991 dans la perspective future d’adhérer à l’Union européenne. Jusqu’à présent, cette coalition étatique ne posait pas de problèmes. C’est à partir de la crise migratoire de 2015 que ces pays ont décidé de se réunir pour avoir davantage de poids dans la négociation à Bruxelles sur la répartition automatique des réfugiés. C’est vraiment la question migratoire qui a ranimé ce groupe et commencé à susciter les indignations que nous connaissons depuis.

S’il est un trait commun à ces pays qui les distingue fondamentalement de nous, c’est qu’ils ne sacrifient guère aux idoles du progressisme, à ce que l’UE et les journalistes appellent « les valeurs de l’Europe ». Ils rendent leur légitimité au besoin d’enracinement, d’inscription dans une histoire, d’attachement à des mœurs, à la physionomie d’un pays. Ils prennent au sérieux l’insécurité culturelle et ils y répliquent en défendant le droit des individus et des peuples à la continuité historique. L’autre Europe, est-ce d’abord une autre anthropologie ? 

La question de l’anthropologie s’est notamment posée au XXe siècle avec le projet communiste sous le joug duquel les pays d’Europe centrale ont vécu. Il s’agissait de fabriquer un Homme nouveau, coupé de ses racines nationales, pour faire advenir une société nouvelle, sans classes, à partir de laquelle les conflits pourraient être éliminés puisque les individus vivraient sans distinction de classes. C’est face à cette prétention à fabriquer une humanité nouvelle coupée de ses racines nationales que les dissidents d’Europe centrale se sont levés en défendant l’idée selon laquelle l’autonomie ne consiste pas à s’affranchir d’un terrain historique et culturel mais à en cultiver les aspérités. Ce terreau transmet ses codes, ses désirs, ses manières d’habiter le monde sans lesquels l’homme se retrouve nu et incapable d’agir pour construire et inventer l’avenir. Il y a donc en effet un clivage philosophique et anthropologique que les Centre-européens ont intellectualisé face au communisme. Ce que je trouve intéressant dans la démarche de certains conservateurs, notamment hongrois, et qu’on retrouve dans les discours de Viktor Orban, c’est l’idée que cette prétention à faire table rase du passé est le moteur de la nouvelle anthropologie que l’Union européenne cherche à mettre en place. Dans un discours prononcé à l’occasion des soixante ans de la révolte de 1956, Viktor Orban oppose homo sovieticus à homo bruxellicus, « héros du nouvel Adam libéral », selon l’expression de Jean-Claude Michéa, c’est-à-dire héros d’une nouvelle humanité post-politique car délivré de ses aspérités héritées – éthiques, culturelles, spirituelles. Comme à l’époque communiste, il y a une sorte de sens de l’histoire dans lequel nous devrions nous inscrire et qui nous obligerait à nous détacher de nos sociétés.

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Max-Erwann Gastineau: "Aujourdhui, de Gaulle serait accusé d'illibéralisme"

Le 27 décembre 2019

Le rédacteur en chef des pages politiques de la revue Limite présente son nouvel essai: Le Nouveau procès de l'Est (Cerf, 2019)

Thèmes abordés

PopulismeSouverainismeIllibéralismeEuropeUnion européenneEurope de l'EstRussieEurope centralePologneHongrieSlovaquieRépublique tchèqueGroupe de Visegrád
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