Le directeur des arènes de Madrid, mais aussi de Nîmes, de Valence et de Béziers, est un Français qui n’a pas la langue dans sa poche. Anarchiste proclamé, Simon Casas renvoie dos à dos « la mode, les normes, la gauche et la droite » et voit dans la corrida une quête identitaire, un rituel qui nous lie au passé et qu’il faut défendre à tout prix.
Simon Casas, né Bernard Domb Cazes en 1947, est l’une des figures les plus centrales de la tauromachie. Ce flamboyant Nîmois, fils d’un juif polonais et d’une séfarade venue de Turquie, fut l’un des premiers toreros français professionnels. Pensant rapidement qu’il ne deviendrait jamais le grand torero de ses rêves, le jeune Casas trouve le courage d’abandonner le costume brodé d’or pour endosser celui d’organisateur de corrida et d’apoderado (impresario du torero). Le succès fut au rendez-vous. Simon Casas dirige aujourd’hui les arènes les plus prestigieuses du monde, celles de Las Ventas, à Madrid, mais également celles de Nîmes, de Valence, d’Alicante et de Béziers dont il vient de reprendre la direction aux côtés du torero vedette Sébastien Castella et de l’éleveur de taureaux Olivier Margé. L’homme aux airs de beau et ténébreux mafieux italien, à la voix qui porte et au verbe qui s’emporte, à la faconde méridionale qui vous engueule tout en vous charmant, m’a reçu à l’hôtel Imperator de Nîmes, le 20 septembre 2020, en plein Covid, mais surtout en pleine feria.
Causeur. Qu’est-ce qui fait qu’un jeune garçon dans les années 1950 se prend de passion pour la corrida ?
Simon Casas. Pour moi, tout a commencé avec un ascenseur, celui de l’hôtel Imperator de Nîmes, où nous sommes. Lorsque j’avais 10 ans, je me faufilais dans cet hôtel de riches, moi qui étais pauvre, et c’était magique, grâce aux occupants de cet hôtel durant la feria. De cet ascenseur descendaient des messieurs qui s’appelaient Picasso, Hemingway, Cocteau, Leiris. Je ne savais pas vraiment qui étaient ces gens, mais je voyais qu’ils fascinaient tout le monde. Et pourquoi étaient-ils là ? Parce qu’eux-mêmes étaient fascinés par les toreros ! Ils étaient là pour les héros de la tauromachie qui étaient alors Ordoñez ou encore Luis Miguel Dominguin. Donc Picasso, qui fascinait le monde, était lui-même fasciné par un mec qui portait des bas roses et un costume de lumière. J’étais incapable de lire cette situation, mais avec mon intuition enfantine j’ai senti qu’il y avait là une magie qui dépassait et transcendait toutes les normes quotidiennes de la vie et de l’école. Et puis il y avait mon petit problème personnel : j’étais né à Nîmes, d’une mère turque et d’un père polonais. Mes parents ne parlaient pas le français, ma grand-mère maternelle et ses deux filles échangeaient en espagnol, un espagnol un peu spécifique qui s’appelle le ladino, la langue des séfarades, l’espagnol du XVe siècle. Je ne savais pas où était l’Espagne et quand je demandais à ma grand-mère « D’où on est ? », elle me disait : « On est de Tolède. » Je me rendais compte qu’elle ne savait pas où était Tolède, qu’elle ne savait pas où était l’Espagne. J’avais besoin d’un repère et ce repère c’était la langue maternelle. Lorsque j’ai vu les toreros qui fascinaient des gens si fabuleux, je me suis dit : « Je suis espagnol, je veux m’habiller d’or et de lumière et porter des bas roses, je veux être torero. » Dans toutes les aventures créatives, il y a une quête identitaire. Dans cette quête, je me suis retrouvé dans une impasse sombre, face à un mur car j’étais ce qui n’existait pas encore : un torero français. À l’époque, on disait : « Pour être torero, il faut avoir du sang espagnol dans les veines. » C’est toujours une question de sang. Le sang du toro, le sang du torero quand il se fait blesser, ou le sang qui coule dans nos veines qui est celui de l’identité.
Au moment où le rock’n’roll arrive, ou la culture américaine fascine la jeunesse, l’adolescent que vous êtes se sépare de sa génération pour « entrer en tauromachie » ?
Évidemment ! Je n’allais pas dans les surprises-parties, je ne savais pas danser les slows. La tauromachie a signé mon divorce avec l’époque. La tauromachie est une liturgie, un rituel hors du temps. Et en étant hors du temps, elle est hors des modes. En me séparant de tout, je me suis trouvé. La mode, je l’emmerde. Les petites normes, je les emmerde. La gauche et la droite, je les emmerde aussi. Je suis un anarchiste !
Les anti-corridas n’y connaissent rien ! Je suis la seule personne ayant de vrais arguments anti-corrida et je ne vous les donnerai jamais !
La corrida prône aussi des valeurs devenues suspectes : le courage, la beauté, la grandeur et même le héros.
Je voudrais aborder avec vous, qui êtes un personnage central de la tauromachie actuelle, les problèmes que rencontre cet art. Comment le faire perdurer alors qu’un des actes essentiels de son accomplissement, la mise à mort d’un animal, est aujourd’hui jugé immoral ?
Ça, c’est la part maudite, inhérente à tous les arts. Dans la tauromachie, la part maudite est la mort. Mais la vérité équilibrée et juste ne peut surgir qu’après maints désordres, après avoir traversé des zones troubles, sombres. La tauromachie est une chose transgressive dans son essence, oui. « Tu ne tueras pas »… et la mort est là, elle est annoncée encore au XXIe siècle sur des affiches : « 6 toros mis à mort ». Dans notre monde de la tauromachie, chacun vit avec la mort, nous l’avons dans la tête, dans la bouche. Un torero dit 25 fois par jour : « Je me joue la vie. » Nous ne pouvons pas faire autrement. C’est essentiel à notre art. Affronter la mort pour affirmer la vie.
Dans un texte consacré à Sarah Bernhardt, Cocteau écrit : « Voilà un spectacle comme n’en saurait plus imaginer notre époque, dont le ridicule est de croire qu’elle a le sens du ridicule, et qui prend tout signe insolite de la grandeur pour une insulte à son adresse. » La corrida prône aussi des valeurs devenues suspectes : le courage, la beauté, la grandeur et même le héros. Les seuls héros tolérés sont ceux que l’on appelle les « héros du quotidien » comme les « soignants ».
Oui, les héros sont suspects. C’est en partie pour cela que les toreros sont suspects. Un héros n’est héros que parce qu’il a peur. Et la peur fait partie de la vie du torero, elle le hante. Le courage du héros, c’est d’affronter ses angoisses et ses peurs. Le torero se surpasse et devient héros. Il devient exception. Et l’homme d’exception est suspecté dans le monde de l’abrutissement généralisé.
La détestation de la corrida par une certaine bien-pensance ne tient-elle pas à l’identité et à la tradition, bref à l’enracinement dans le temps et dans le territoire ?
La corrida est évidemment une culture enracinée. On ne va pas faire des corridas à Tourcoing ou en Belgique ! On les fait chez nous ! Là où la terre qui nous a vus naître et qui nous porte a irrigué notre esprit, ce qu’on a à se dire, ce qu’on peut entendre et ce qu’on ne peut pas entendre, ce que nous sommes. Je suis de Nîmes, terre taurine, et je ne veux pas être formaté par des concepts schématiques dictés de je ne sais où.
Pensez-vous pouvoir tenir encore longtemps ? Combien de temps donnez-vous à la tauromachie ?
Je n’ai pas de réponse certaine. La tauromachie disparaîtra peut-être un jour, je ne sais pas quand, mais je sais pourquoi : ce sera parce qu’elle ne trouve plus sa place dans la société. Cependant, aujourd’hui encore, quoi qu’on dise, la tauromachie a une place en tant que rituel transgressif, mais rituel quand même. Elle a un sens culturel énorme pour tout un peuple. La tauromachie nous parle de la violence qu’on fait, de la violence que l’on se fait, de la mort, de l’amour, de la vie. La tauromachie nous parle de nous-mêmes à travers ce rituel magique traversé par la grâce. Si un jour la tauromachie n’a plus sa place dans la société, cela voudra dire que la société n’a plus besoin de cette magie et ce sera inquiétant. Pour le moment, l’être humain a encore besoin de cela. Cette feria des vendanges que j’ai organisée en plein Covid, fin septembre 2020, c’est la feria la plus importante de ma vie ! Depuis des mois, il n’y a pas un journal télévisé où l’on ne décompte pas les morts. Chaque jour on n’y parle que de malades et de morts, et en chiffres ! On nous a plongés dans la peur. Eh bien moi, grâce à la mise à mort du taureau, j’ai fait le choix du rassemblement autour de la joie. Cette équation est étrange, mais elle est réelle, et c’est magnifique. Je préférerais être mille autres choses que ce que je suis, entre autres écrivain si j’en étais capable. Mais en tant que producteur numéro un de la tauromachie, j’organise la théâtralité de la mort, et qu’on le veuille ou non, la théâtralité de la mort crée de la joie. Le pape et moi savons cela. Artaud disait : « On cache les cimetières derrière des cyprès. » Nous, nous avons coupé les cyprès, et mis la mort dans un amphithéâtre romain. Je ne fais que perpétuer ce rituel qui fascine depuis tant de temps et qui procure de nobles émotions.
Ne pensez-vous pas d’ailleurs qu’une des grandes émotions que nous procure la corrida est la participation en tant qu’acteur ou spectateur à un rituel qui nous relie au passé, à la mythologie même ?
Mais c’est une des fonctions de l’art ! À 17 h, quand vous viendrez avec moi dans les arènes pour la corrida, vous serez dans la Crète antique, vous penserez au Minotaure.
Question moins poétique, mais tout de même importante, comment le monde politique se comporte-t-il avec celui de la tauromachie ?
Pour parler de la France, quand Mme Bachelot, ministre de la Culture dit : « Je vais prendre des mesures pour le spectacle vivant », je réponds que moi, j’ai une licence d’entrepreneur de spectacle vivant depuis des années ! Or, le spectacle vivant est taxé à 2,2 ou à 5,5 % de TVA, et nous, en tauromachie, on a une taxe spéciale à 20 % ! Alors qu’ils interdisent la corrida ! Mais s’ils ne l’interdisent pas, qu’ils ne nous imposent pas une taxe spéciale ! Je peux vous dire que si je suis écarté des mesures prises par le ministère de la Culture pour la protection du spectacle vivant, moi qui ai enrichi des villes, moi qui ai payé tant d’impôts, moi qui ai apporté des richesses financières et culturelles, eh bien je m’exilerai de France ! Et puis, pour finir, car il faut finir, j’ai tout de même une corrida qui m’attend, je vais vous dire une chose. Il y a une personne qui a des arguments anti-corrida, de vrais arguments, pas ceux des anti-corridas qui n’y connaissent rien ! Cette personne c’est moi, et ces arguments, je ne vous les donnerai jamais !
42 millions d’avortements dans le monde par année, esclavage, famine et autre joyeusetés crée par les gens de sources culturelles plus signifiantes.et ils parlent de dignité humaine de partage et de culture ah ah ah
Je me suis fait piégé à une corrida où on m’a emmené par ruse.
J’y ai vu le sang d’une bête noble et superbe de 500kgs qu’on martyrise pour l’épuiser couler du haut de son encolure jusqu’aux sabots antérieurs, jusqu’au sable de l’arène. J’ai entendu ses râles et sa souffrance, et les réflexions des passionnés de ce spectacle me disant que je n’y connaissais rien. L’être humain est mauvais. Aucune bête ne ferait subir ça à un humain.
Si ce monsieur, bientôt octogénaire, proclame avoir signé son divorce avec la civilisation qui a suivi celle de 1914-1918 et 1939-1945 – au centre de l’Europe ; je regrette pour ma part qu’il n’ait pas signé un divorce avec sa schizophrénie. Mais il est vrai qu’il aurait été infiniment plus difficile pour lui, d’amasser des millions de Francs puis d’Euros tout au long de sa vie, s’il s’était engagé dans une activité professionnelle dans les indispensables secteurs de l’agriculture ou des artisans constructeurs. Heureusement qu’il existe d’innombrables êtres humains de bonne volonté qui vivent dans la simplicité matérielle tout en servant la société sur une autre base éthique. Toutefois, cette interview s’avère précieuse pour la mise en lumière des arguments hypocrites, de ceux qui se trouvent dans l’impossibilité de concevoir et d’assimiler la signification du sens de la dignité de la vie – et qui proclament leur volonté sans limites d’organiser la théâtralité de la mort avec des animaux sans armes – pour “créer et partager de la joie” ! Ceci, avec des spectateurs qui manquent peut-être passagèrement de sources culturelles plus signifiantes ; d’où l’importance, pour le secteur public de veiller à maintenir vivants les efforts dans les dimensions de l’éducation, de la culture, et de la régulation des flux migratoires d’habitants abandonnés par des pays qui ne leurs laissent aucun autre horizon que celui d’indigence matérielle, culturelle, morale, et par là intellectuelle – très difficile à surmonter en d’autres contextes socialisateurs complexes.
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42 millions d’avortements dans le monde par année, esclavage, famine et autre joyeusetés crée par les gens de sources culturelles plus signifiantes.et ils parlent de dignité humaine de partage et de culture ah ah ah
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