Le Pays des Droits de l’Homme est l’une des rengaines du politiquement correct national. On se dit que çà doit être vrai puisque tout le monde le répète. Bien sûr les Anglo-saxons les ont énoncés avant la France, mais seul le génie qui nous habite pouvait leur donner cette dimension historique et universelle de la Déclaration.
Parfois, cependant, un doute nous saisit. Prenez, par exemple, cette histoire du « mur des cons ». Une simple plaisanterie de potaches chez des magistrats parfaitement républicains, puisqu’inscrits au Syndicat de le Magistrature ? Peut-être. Mais, « nul ne doit être inquiété pour ses opinions » dit notre Déclaration. Or, ceux-là mêmes qui s’étranglent de colère lorsqu’ils soupçonnent chez un policier l’usage du « délit de faciès » ont leurs « sales gueules » punaisées dans une salle de leur siège syndical. De là à penser que si l’un des « cons » venait à être justiciable, il ne bénéficierait pas d’un préjugé favorable et aurait, de prime abord, une bonne tête de coupable, il n’y a qu’un tout petit pas à franchir. Je me souviens d’avoir entendu une éminente représentante du Parquet me dire à l’audience, qu’en tant que député, je devais donner l’exemple de la soumission à la Loi. Cette brillante juriste avait omis un détail secondaire : un député peut être opposé à un texte et a parfaitement le droit de le dire. Dans son élan justicier, la brave dame avait oublié qu’en général, dans une démocratie, il y a une opposition. Elle avait également considéré qu’on peut punir la pensée, l’opinion. Autrement dit, elle avait sans hésitation proclamé : » les Droits de l’Homme, connais pas ! »
Le droit d’expression est malheureusement limité dans notre pays. Les lois mémorielles ou communautaristes sont allées plus loin que la simple protection des personnes et de leur honneur. Or, dans le domaine des idées, l’orientation personnelle du magistrat peut intervenir dans son jugement. Lorsque ses préférences s’affichent sur le mur de son syndicat, le soupçon de partialité s’accroît. Mon expérience personnelle confirme amplement cette inquiétude. En 2008, Delanoë me traite publiquement de délinquant pour avoir fait une déclaration condamnée par la Cour d’Appel de Douai, là même où l’on avait contesté le droit d’un parlementaire à l’opposition. Je m’étais pourvu en cassation et avant la décision de la Cour (qui annula la condamnation), je n’étais pas condamné. Il s’agissait donc bien d’une diffamation. Tel n’a pas été l’avis des juges qui ont relaxé le Maire de Paris… Je n’insiste pas sur la perte du dossier de la plainte que j’ai déposée contre l’Express, égaré au TGI de Nanterre, le temps de la prescription…. Non seulement, la France ne possède pas l’admirable Premier Amendement de la Constitution des Etats-Unis qui interdit à la Loi de s’opposer à la Liberté d’Expression et à la Liberté de la Presse, mais elle a depuis la Loi de 1881 multiplié les restrictions, qui sont autant d’armes entre les mains de magistrats engagés.
Dans notre pays, la pensée n’est pas libre, et si des juges politisés appliquent nos lois liberticides avec des a priori idéologiques, alors le village Potemkine du Pays des Droits de l’Homme laisse place à une réalité moins avenante. Nos institutions et nos pratiques gardent la trace de nos écarts, et du premier d’entre-eux, la dérive totalitaire de 1792-94. Fouquier-Tinville inspire encore certains de nos magistrats, ceux qui trahissent de manière sélective le secret de l’instruction, par exemple. A la suite de la révélation par le site Atlantico des plaintes vont être déposées. Bizarrement, la pièce à conviction, le « mur » aurait disparu. Il serait cocasse que des magistrats aient pu, sans doute par distraction, entraver une action judiciaire…
Mais, le doute a maintenant quitté le seul domaine de la justice. C’est un reporter qui avait découvert le « pot-aux-roses », Clément Weill-Raynal. On pouvait penser que la profession toute entière aurait applaudi à deux mains sa découverte. Un journaliste de talent, au cours d’un reportage sent qu’on ne souhaite pas qu’il aille dans une pièce. Son flair le pousse à y aller et il saisit immédiatement l’intérêt de ce qu’il voit, tout simplement une ombre sur nos institutions : la partialité de certains juges ! Que fait le syndicat des journalistes ? La CGT de France 3 demande des sanctions contre celui qui a trahi l’Ethique de la profession. Où irait-on si l’on filmait les gens à leur insu ? interroge fielleusement le « Nouvel Obs ». Ainsi, la principale intéressée par le sort de la Liberté de la Presse n’hésite pas à se retourner contre un journaliste, lorsque celui-ci commet le crime d’être à droite, et de l’aggraver en révélant le côté obscur de la gauche. Je me rappelle avoir défendu la protection des sources qui garantit l’indépendance du journaliste et sécurise son devoir d’informer le public. Voilà que je vois des membres de la profession dénoncer leur confrère et l’obliger à se soumettre à un employeur, en vue de limiter sa liberté d’informer. Bizarre, mais quand Hortefeux a été enregistré à son insu, ce sont les mêmes qui se sont réjouis et qui ont applaudi aux suites. En 2005, une séquence tronquée d’un échange que j’avais eu avec des « Flamands roses » s’est retrouvée au 20 Heures de France 2. Il y avait une équipe (?) de France 3 qui m’avait filmé, sans que j’en sois averti, sans même se présenter à moi. Le montage était d’une totale malhonnêteté. Il s’agit pourtant bien du « Service Public » envers lequel Clément Weill-Raynal aurait manqué à la déontologie…
La réalité est plus crue : deux des professions sur lesquelles repose la Liberté d’Expression, c’est-à-dire le cœur de la Démocratie sont en partie pénétrées par une idéologie liberticide. Le Pays des Droits de l’Homme ? Mais vous voulez rire !
Christian Vanneste
Il est malheureux que la France connaisse une telle restriction des libertés fondamentales, dont la liberté d’expression. Il est malheureux de penser que notre justice est gangrénée par un syndicat qui ne représente que 30 pour cent des magistrats. Il est malheureux qu’un de nos députés ait à apporter la preuve, s’il en fallait encore, des dérives de notre justice en mettant en avant ses déboires personnels avec cette institution dépravée. Il est malheureux d’être française en 2013.
A ce point de pourriture de nos institutions, on pourrait espérer qu’une allumette vienne allumer la mèche d’une révolte massive des Français contre les fossoyeurs de notre beau pays. C’est, hélas, peu probable : les Français sont trop préoccupés par leurs vacances. Ils ne parlent que de cela. N’oublions pas comment le Général De Gaulle est venu à bout de mai 68 : il a rouvert les pompes à essence après des semaines de pénurie. Il faisait un temps splendide : tout le monde est parti se mettre au vert et tout s’est arrêté ! Du pain, des jeux et des vacances, voilà le tiercé du peuple de France. Les enjeux sociétaux majeurs telle que le régime amaigrissant que subissent leurs libertés, ils sont des dizaines de millions à s’en fiche. Je suis née en France en 1946. Je mourrai dans ce même pays, devenu la République bananière de France.