Par Ayaan Hirsi Ali

Les auteurs de l'attaque de Charlie Hebdo ne sont pas des fous criminels, ils sont porteur d'une idéologie politique. Plus l'Occident s'autocensurera, plus ils deviendront audacieux.

Après le carnage de mercredi, peut-être que l'Occident mettra enfin de côté toutes les excuses  utilisées jusqu'à aujourd'hui pour nier tout lien entre violence et islam radical.

Ce qui s'est passé n'est pas une attaque déclenchée par un déséquilibré, un loup solitaire. Ce n'est pas non plus une agression due à de quelconques délinquants. Cela a été programmé pour faire le plus de morts possibles, pendant une réunion de la rédaction avec des armes automatiques et un plan de fuite. Les assassins voulaient semer la terreur et ils ont réussi.

Mais de quoi sommes-nous étonnés ? Si il y a une leçon que nous devons tirer de ces évènements, c'est que toutes nos croyances sur l'islam n'ont aucun poids. Ce type de violence, le jihad, représente toutes les croyances des islamistes. Les appels au jihad violent sont disséminés dans le coran, mais pas seulement. Une idéologie moderne du djihad a évolué dans  l'islam. La "bible" du jihadiste du 21ème siècle est "Le concept coranique de la guerre"(1), écrit par le général pakistanais S.K. Malik.

Dans son analyse, l'âme humaine - et non pas le champ de bataille physique - représente le lieu central où nourrir le conflit. Et le meilleur moyen pour toucher l'âme, c'est à travers la terreur, "c'est le point où la fin rejoint et se confond avec les moyens". Chaque fois que nous justifions leur violence au nom de la religion, nous nous plions à leurs exigences. Dans l'islam, représenter ou dénigrer le prophète Mahomet est un grave péché.

Les musulmans sont libres d'y croire, mais pourquoi doivent-ils l'imposer aux autres ? L'islam, avec ses 1'400 ans d'histoire et son milliard et demi de fidèles devrait réussir à tolérer quelques caricatures. L'Occident doit obliger les musulmans, et spécialement ceux de la diaspora, à répondre à cette question : qu'est-ce qui est le plus offensant pour un croyant, le meurtre, la torture, l'esclavage, la lutte armée, les attaques terroristes au non de Mahomet ou la production de dessins, de films et de livres qui se moquent des extrémistes et de leur vision de ce que représente Mahomet ?

La réponse à Malik, c'est que notre âme occidentale croit à la liberté de conscience et de parole.  Ce sont les libertés qui forment l'âme de notre société. Et c'est justement ça que les islamistes ont attaqué. Tout dépendra de la façon dont nous réagirons. Si nous sommes convaincus qu'il faut combattre une poignée de fous criminels, nous n'apporterons pas de réponse. Nous devons prendre conscience que les islamistes d'aujourd'hui sont guidés par une idéologie politique, qui prend ses racines de base dans l'islam. Ce serait un changement notable de cap de l'Occident, qui a trop souvent réagi à la violence jihadiste par des tentatives de conciliation. Nous cherchons à flatter les chefs des gouvernements islamiques qui font pression pour nous contraindre à censurer la presse, les universités, les livres d'histoire et les programmes scolaires. Ils haussent la voix et nous leur obéissons. En échange qu'obtenons-nous ? Des kalashnikovs au coeur de Paris.

Plus nous tentons l'apaisement, plus nous tentons d'atténuer [ces massacres], plus nous sommes conciliants, plus nous nous auto-censurons, plus l'ennemi se fera audacieux et exigeant.

Il n'existe qu'une seule réponse à cet honteuse attaque jihadiste contre Charlie Hebdo : que les médias et les leaders occidentaux, les religieux et les laïques fassent tout pour protéger les droits élémentaires de la liberté d'expression, qu'elle soit satirique ou non.

L'Occident ne doit plus s'incliner, il ne doit plus se taire.

Nous devons envoyer aux terroristes un message sans équivoque : votre violence ne réussira pas à détruire notre âme.

Ayaan Hirsi Ali

(1) « Frapper de terreur le coeœur de l'ennemi n'est pas seulement un moyen, c'est aussi une fin en soi. Réussir à semer la terreur dans le cœoeur de l'adversaire, c'est déjà presque atteindre son but. C'est le point où la fin rejoint et se confond avec les moyens. La terreur n'est pas le moyen utilisé pour imposer notre décision à l'ennemi, c'est la décision que nous voulons imposer à l'ennemi » (Brigadier-Général SK Malik, Le concept coranique de guerre (1), p.59, 1979).

Source en italien (trad. D. Borer)