Pourquoi je suis moyennement démocrate, de Vladimir Volkoff

Francis Richard
Resp. Ressources humaines

Paru en mai 2002, cet essai de Vladimir Volkoff (1932-2005) n'a pas vieilli. L'écrivain français y montre sa liberté d'esprit et son insoumission aux modes, aux conformismes, de tout poil.

 

Par esprit de contradiction, il n'admettait pas que la démocratie lui soit imposée comme une panacée évidente et obligatoire. Il reprochait surtout aux représentants d'être irresponsables et précisait:

Le type d'homme à souhaiter être élu n'est pas nécessairement celui qui mérite le plus la confiance de ses électeurs1.

 

Le vocabulaire est important: une majorité, quelle que soit sa proportion, n'est pas un consensus, la démocratie n'a plus comme antonyme l'aristocratie2, mais le fascisme ou les totalitarismes3.

 

De même qu'entend-on par le peuple? C'est, tour à tour, la nation et la plèbe, et on ne sait jamais de laquelle on parle. Son indéfinition lui ôte l'envie d'asseoir dessus un système de gouvernement.

 

Comme il est logique, il récuse la pétition de principe selon laquelle la démocratie est bonne parce que le bien est la démocratie. De même récuse-t-il qu'il en soit fait une religion4:

À la démocratie, il manque un élément essentiel à toute religion, vraie ou fausse, la transcendance.

 

Oui mais, les droits de l'homme (abstraction toujours faite de ses devoirs)?

Les droits de l'homme, quoi qu'on en pense par ailleurs, ne peuvent pas dépasser l'homme. Ils sont anthropocentriques par définition...5

 

Il avait beau jeu de dire que la démocratie repose sur l'un ou l'autre de [ces] deux postulats, contradictoires, le premier naïf, le second odieux:

le peuple veut spontanément le Bien, et, accessoirement, son propre bien;

- ce que le peuple veut devient aussitôt le Bien.

 

Il reprochait à la démocratie de reposer sur les vertiges du nombre, c'est-à-dire de l'incompétence, et de l'égalité, incompatible avec la liberté et conduisant au nivellement par le bas:

[Aujourd'hui], dans la plupart des cas, les démocraties semblent favoriser systématiquement l'égalité, avec toutes les limitations que cela suppose pour la liberté individuelle.

 

Après un rappel historique sur les grandes démocraties, qui montre qu'elles ne marchent jamais vraiment, il nuançait son propos:

Je le dis ouvertement: je suis "moyennement" démocrate et je veux bien effeuiller la marguerite démocratique. En Suisse, j'aurais pu l'être passionnément; aux États-Unis, un peu; en France, pas du tout.

 

Déjà il incriminait le rôle des médias où le débat a disparu et où la pensée unique est serinée par les divers organes d'information et de désinformation:

Dans un régime de démocratie absolue, on ne peut plus penser que ce que pense l'autorité et, par conséquent, la notion d'obéissance et de désobéissance est dépassée.

 

Enfin il reprochait aux démocraties de ne pas être démocratiques: tricheries électorales, intolérance de penser autrement, atteintes à la liberté de circulation6 ou décisions majeures prises sans consultations...

 

Il n'était pas du tout convaincu que, contrairement aux affaires, où le mérite est mesuré par le bénéfice, il y ait un moyen de le mesurer dans le monde de la politique:

Franchement, je suis de plus en plus sûr que ce n'est pas l'urne.

 

À méditer. A fortiori, en ayant présent à l'esprit la dissolution de l'Assemblée nationale française le 9 juin 2024...

 

Francis Richard

 

1 - Toute ressemblance avec un homme politique français actuel serait fortuite...

2 - Le gouvernement des meilleurs.

3 - Les totalitarismes du XXe siècle se réclamaient de la démocratie... dont ils étaient issus.

4 - Toute religion prétend détenir la vérité.

5 - La religion des droits de l'homme brille de plus en plus par un culte de la tolérance qui va jusqu'à une pratique généralisée de l'intolérance. 

6 - Et il n'avait pas connu la Covid...

 

Pourquoi je suis moyennement démocrate, Vladimir Volkoff, 112 pages, Éditions du Rocher

 

Sur l'auteur:

 

Vladimir Volkoff priait Jeanne pour les libertés de boire et de fumer le 8 mai 2005.

 

Publication commune LesObservateurs.ch et Le blog de Francis Richard

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