Guillaume Bernard : Les techniques de l’impérialisme islamiste

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Pourquoi la quasi-totalité de la classe politique française s’entête-t-elle, depuis des décennies, à proclamer évidente, d’un côté, l’hétérogénéité de l’islam et de l’islamisme et, de l’autre, la compatibilité du premier avec la République et non, d’ailleurs, avec la culture française ? Plusieurs raisons sont identifiables. Sans doute, certains politiques entendent-ils sincèrement éviter la stigmatisation des musulmans qui restent a priori pacifiques. D’autres, plus cyniques, cherchent certainement à protéger des intérêts électoraux et à conserver (mais pour combien de temps ?) la paix sociale en abdiquant la culture autochtone et la puissance publique en certains lieux abandonnés à des organisations soit criminelles soit d’embrigadement religieux.

Certains ont carrément franchi le Rubicon en faisant délibérément alliance avec des islamistes dans le but d’avoir leur soutien dans l’espoir d’un processus révolutionnaire visant à abattre la société occidentale tant honnie. C’est ce qu’il est convenu d’appeler l’islamo-gauchisme. À l’inverse, d’autres font peut-être preuve de plus de circonspection et de prudence : sachant qu’il existe des territoires en quasi-sécession, il faudrait éviter — avant que des mesures fermes ne puissent être prises — la conscientisation et la coagulation de la masse musulmane divisée, pour l’heure, tant pour des raisons de divergences doctrinales que de diversité ethnique.

L’incompréhension du phénomène islamiste

Il n’en demeure pas moins que c’est avant tout l’orgueil qui a conduit l’essentiel du marais politicien à une stupéfiante cécité mentale se manifestant par le refus obstiné de voir le caractère impérialiste de l’islam(isme). C’est le syndrome Roubachof, du nom du héros du Zéro et l’infini, d’Arthur Koestler : ils ne peuvent changer de politique d’immigration, reconnaître que les sociétés multiculturelles sont hyperconflictuelles et que l’assimilation des immigrés (leur conversion à la culture française) n’a pas été poursuivie, sans implicitement avouer qu’ils se sont trompés voire ont menti aux Français. Analysant l’islam à l’aune de leurs critères et non des siens, plaquant sur l’objet étudié des principes qui lui sont exogènes, les hommes politiques se condamnent à ne pas comprendre son ontologie. C’est ainsi qu’ils réduisent l’islam à une foi individuelle, évacuant sa nature politico-juridique ; ils en concluent que, circonscrit à la sphère privée, il est soluble dans n’importe quelle société (c’est la théorie du “creuset républicain”).

Ils considèrent, à tort, tous les phénomènes religieux comme identiques ; ils pensent, par conséquent, que le processus de dilution qu’a subi le catholicisme dans l’ordre laïc fonctionnera également avec l’islam. C’est méconnaître le fait que le christianisme a pu (pour son malheur) s’adapter à la laïcité parce qu’il distingue (sans séparer) le droit (politique) et la loi (morale), ceux-ci devant normalement converger. À cette méprise s’ajoute une convergence intellectuelle formelle. Islamistes et “républicains” ne s’accordent pas a priori sur les dispositions de la loi. Mais ils partagent la même conception quant à sa force déontique : il faut lui obéir non parce qu’elle permet de réaliser le bien, mais parce qu’elle est un commandement, l’expression de la volonté de la puissance supérieure. Dans ce schéma, fort éloigné de la tradition classique occidentale, la soumission à la loi est bonne par principe, le juste résultant du légal.

La conquête par étapes de l’espace public

S’il existe indubitablement une différence de conduite sociale entre le musulman modéré et l’extrémiste islamiste, l’exigence de ne pas les amalgamer élude la question centrale permettant la compréhension globale de l’enjeu (étant entendu que c’est le phénomène social de l’islam qui est, ici, visé et non la foi de la personne) : celle de l’objectif poursuivi et des moyens mis en œuvre à cette fin. Est-il possible d’induire d’une différence de degré dans la méthode entre l’autoproclamé bon et l’assumée brute, une distinction de nature politique de leurs religions ? Pour répondre par l’affirmative, encore faudrait-il que soit précisément établie la frontière entre le “gentil” musulman et le “méchant” islamiste, le ou les critères de discrimination. Or, la réponse se fait d’autant plus attendre que la cinquième colonne des “brutes” se recrute parmi les “bons”. En outre, la distinction entre un prétendu véritable islam (ouvert au progrès) et sa forme archaïque (présentée comme dévoyée) ne résout pas la question de l’imprécision voire de l’impossibilité d’établir une délimitation. De quel côté faut-il placer, par exemple, la pratique, a priori pacifique mais non moins provocatrice, des prières publiques ? Se pourrait-il, alors, que la distance dans les conduites ne s’explique nullement par des prescriptions et des croyances différentes mais en raison d’une adaptation des protagonistes aux circonstances (lieux et rapports de force) auxquelles ils sont confrontés ?

D’aucuns considèrent que les trois étapes de la stratégie de conquête politico-religieuse de l’islam (dont l’ambition est attestée par l’histoire) sont clairement identifiées. Premièrement, s’implanter dans une société en revendiquant un droit à l’indifférence, tout accroc à l’égalitarisme étant accusé d’être une illégitime discrimination, toute critique étant dénoncée comme une agression. Il s’agit d’instrumentaliser la victimisation et de culpabiliser la société d’accueil. Deuxièmement, subvertir l’ordre de celle-ci en obtenant des droits différents (communautarisme). Dans cette phase, l’islam(isme) est encore trop faible pour vaincre mais assez puissant pour prendre possession d’une partie de l’espace public (vêtements, menus, horaires). Il s’agit de gagner du terrain : c’est la tactique du grignotage visant à tester la force de résistance des institutions du lieu. Ne pas accéder à ces revendications de droits particuliers serait le signe d’une persécution ne serait-ce que larvée. Troisièmement, imposer sa domination politique et un droit différent quand le rapport de force (militaire, démographique, culturel, etc.) lui est devenu favorable. Alors, l’islam combat ouvertement tout ce qui ne lui fait pas allégeance, le “mécréant” étant, au mieux, soumis à un statut le mettant dans une situation d’infériorité juridique.

Une question de moyens et de non de fin

Islams “modéré” et “rigoriste” ne divergent peu dans leurs finalités mais se distinguent surtout en raison des situations socialement différentes dans lesquelles ils sont placés : le premier est minoritaire et donc conciliant, le second est dominant et donc dominateur. Dans ces conditions, il est naturel que le “mécréant” soit enclin à suspecter la dissimulation (taqiya) du loup islamiste sous les traits de la brebis musulmane. Comment pourrait-il croire que l’islam est une religion capable de tolérance quand celui-ci n’hésite pas à revendiquer pour lui, en Occident, les libertés collectives de prosélytisme et individuelle de conversion qu’il refuse aux autres religions dans les territoires qu’il contrôle ? Le non-respect de la plus élémentaire des réciprocités de traitement (par exemple pour la construction des lieux de culte) donne au “mécréant” le sentiment amer d’une déloyauté et d’un jeu de dupes.

S’auto-rassurant, la plupart des hommes politiques comptent sur l’islam modéré pour vaincre sa version radicale. Ils refusent d’envisager que cette distinction n’est recevable qu’en termes de moyens et non de fin.

Guillaume Bernard, docteur et habilité à diriger des recherches, est historien des institutions et des idées politiques ; il est notamment l’auteur de “La guerre à droite aura bien lieu, le mouvement dextrogyre” (Desclée de Brouwer).

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Un commentaire

  1. Posté par Mélanie Fichaud le

    “Par leur nombre croissant, les musulmans deviendront majoritaires d’abord en France (et en Belgique) puis en Europe avant la fin du XXIème siècle, par la suite dans presque tous les pays du monde….si l’humanité existe toujours d’ici là” d’après récit qui ne laisse vraiment pas indifférent “les corps indécents”.

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