Mieux comprendre Orban (Entretien avec Olivier Bault)

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Neuf auteurs, dont le collaborateur du quotidien Présent Olivier Bault, ont écrit un petit livre qui explique et situe l’action politique du Premier ministre hongrois dans un environnement européen tantôt amical, tantôt hostile (Viktor Orbán – Douze ans au pouvoir, 96 pages, 10 euros).

— Pourquoi avoir préparé un tel ouvrage juste avant les élections hongroises de cette année ?

— D’abord parce que c’est assez exceptionnel d’être réélu tant de fois de suite et, au Visegrád Post, nous étions convaincus qu’il allait à nouveau remporter ces élections. Nous avons donc voulu apporter des clarifications sur le phénomène Orbán sous la forme d’un petit livre de poche, ce qui permet d’aller un peu plus loin qu’avec de simples articles de presse. Ferenc Almássy, le rédacteur en chef franco-hongrois du Visegrád Post, a donc fait appel aux journalistes du site, dont moi-même, et aussi à des auteurs extérieurs, dont deux journalistes hongrois de renom, et l’historien belge David Engels qui vit en Pologne et s’intéresse beaucoup au conservatisme européen. Nous avons aussi fait appel à Thibaud Gibelin, chercheur invité du Mathias Corvinus Collegium de Budapest et auteur du livre Pourquoi Orbán joue et gagne, ainsi qu’à Max-Erwann Gastineau, auteur du Nouveau procès de l’Est.

Nous estimions cet ouvrage d’autant plus nécessaire que le point de vue conservateur n’est pas ou peu représenté en France, ce qui ne facilite pas une bonne compréhension de la situation hongroise actuelle. Notre mission est donc de combler cette lacune en nous appuyant sur des gens qui connaissent bien ce pays. Notre objectif était de faire quelque chose de court et facile à lire, en abordant dans chaque chapitre, rédigé par un auteur différent, un thème important pour comprendre le succès de Viktor Orbán. Si critique il y a, elle est faite d’un point de vue conservateur, de droite, et, nous l’espérons, toujours de manière lucide et honnête. Je peux évoquer ici à titre d’exemple le chapitre rédigé par le journaliste hongrois Arpad Szakács sous le titre « Comment un pouvoir de droite a préservé en Hongrie la position hégémonique de la gauche libérale dans le domaine de la culture ».

— On ignore bien souvent, en France, qu’Orbán avait été une première fois au pouvoir de 1998 à 2002. Comment est-il revenu plus fort en 2010 ?

— C’est ce qu’explique notre ami Nicolas de Lamberterie, le correspondant en Hongrie de plusieurs médias, dont TV Libertés. Il y expose les difficultés rencontrées par ce premier gouvernement du Fidesz dans un pays où le vrai pouvoir était encore entre les mains des postcommunistes, et comment Viktor Orbán et son parti ont su tirer les leçons de leur défaite de 2002. Je dirais que les deux principaux axes de la reconquête du pouvoir, qui prendra quand même huit ans, ont été le développement d’un très fort ancrage territorial du Fidesz mais aussi de médias de droite, conservateurs, pour contrebalancer un peu la domination absolue, à l’époque, des médias gaucho-libéraux aux mains des postcommunistes et de leurs amis occidentaux.

— Quelles sont les idées politiques d’Orbán, telles qu’il les professe ou selon ce qu’on peut déduire de son action gouvernementale ?

— Vaste question ! Pour résumer les idées politiques du Premier ministre hongrois, j’ai moi-même cité dans le chapitre consacré aux alliés du Fidesz au Parlement européen un discours qu’il a prononcé devant les eurodéputés, en 2012, alors qu’il répondait aux attaques de la gauche européenne déjà soutenue par une partie du centre droit à Strasbourg : « Nos idéaux sont chrétiens, ils s’appuient sur la responsabilité de l’individu, les sentiments nationaux positifs sont pour nous importants et nous considérons la famille comme le fondement de l’avenir. » Cette profession de foi se reflète dans l’action des gouvernements successifs d’Orbán en faveur de la famille et de la natalité, contre l’immigration illégale massive soutenue par Bruxelles et la nébuleuse Soros, contre l’idéologie perverse que le lobby LGBT voudrait insuffler à nos enfants, et contre l’extension hors traités des compétences de l’UE aux dépens des Etats-nations, sous couvert de défense d’un Etat de droit qui n’est en réalité rien d’autre qu’un gouvernement des juges chapeauté depuis Bruxelles, ou plus précisément Luxembourg, le siège de la CJUE. Ce sont autant de questions que nous abordons dans notre ouvrage.

— La politique de Viktor Orbán a-t-elle des faiblesses ? Des défauts ?

— Oui, bien sûr, comme mentionné plus haut justement dans le domaine de la culture, mais aussi comme on a pu le voir quand le gouvernement hongrois s’est soumis au « covidisme » ambiant, ce que nous évoquons également en fin d’ouvrage, dans le chapitre « Le covidisme du goulache » rédigé par Yann Caspar, un juriste franco-hongrois résidant à Budapest, qui écrit aussi régulièrement des articles pour le Visegrád Post.

— Orbán est-il un modèle de gouvernant transposable dans d’autres pays européens ou bien est-il spécifiquement hongrois ?

— Il y a des spécificités hongroises et aussi centre-européennes. L’attachement à la souveraineté et à l’identité nationale dont la religion chrétienne est un élément constitutif est le fruit de siècles de lutte pour exister face aux empires germanique, russe et ottoman. Et n’oublions pas que la Hongrie a été, à côté de la Pologne, un des deux pays qui ont opposé la plus forte résistance à la présence soviétique et au communisme imposé depuis Moscou. Tout n’est donc peut-être pas transposable, mais les politiques démographiques le sont certainement, de même que les politiques économiques le sont sans doute au moins pour une part : réindustrialisation, mise à contribution plus poussée de certains secteurs comme la banque et la grande distribution, mais peut-être pas la politique de l’énergie à bon marché, ou en tout cas pas en ce moment…

— Orbán a des ennemis, en Europe (à commencer par un Français : Clément Beaune, actuel secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes). Mais il a aussi des amis. Qui sont les alliés du Fidesz au Parlement européen ?

— Ce sont notamment les représentants des quatorze autres partis qui ont signé une déclaration sur l’avenir de l’Europe l’été dernier, membres des groupes Identité et Démocratie ainsi que Conservateurs et réformistes européens. L’allié le plus proche, malgré des divergences de vues sur l’attitude à avoir vis-à-vis de la Russie, c’est bien sûr le PiS polonais. Mais Orbán n’a pas hésité à soutenir ouvertement Marine Le Pen lors de nos élections présidentielles, et il aurait eu tort de se gêner puisque nos dirigeants soutenaient ouvertement l’opposition hongroise pour les élections d’avril dans ce pays. Parmi les alliés les plus importants au Parlement européen, citons encore la Ligue et Fratelli d’Italia, qui pourraient bien gouverner un jour ensemble en Italie, ainsi que Vox qui se voit déjà membre d’une coalition gouvernementale avec le PP en Espagne. Le fait que le Fidesz ait fini par quitter le Parti populaire européen a plutôt clarifié la situation, ce dernier groupe étant clairement allié au reste de la gauche, même s’il se dit de droite, comme Les Républicains en France qui en sont membres, du reste. Par ailleurs, en tant que pays, la Hongrie entretient des relations toujours étroites avec ses alliés du Groupe de Visegrád et ses voisins d’Europe centrale, et elle n’est pas aussi isolée que voudrait le croire M. Beaune.

Propos recueillis par Guy Denaere, paru dans les colonnes du quotidien Présent.

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