L’école est morte. Enfin !

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Depuis quelques semaines fleurissent les articles et tribunes d’auteurs qui se lamentent sur la situation de l’éducation nationale. L’institution n’arrive plus à recruter, certaines académies, comme celle de Versailles sont contraintes d’organiser des « job dating » afin de trouver du personnel pour assurer les cours. L’école d’État est en décrépitude et à côté des pénuries de moutarde, d’huile de tournesol et d’essence nous devrions donc avoir des pénuries de professeurs à la rentrée 2022. Le coupable est tout entier désigné : la rémunération. Les professeurs ne seraient pas assez payés, ce qui explique les démissions et le manque de candidat aux concours. Il suffirait donc d’augmenter les salaires pour régler le problème. Ce qu’un État surendetté, mais malgré tout adepte du « quoi qu’il en coûte » ne manquera pas de faire.

 

Rebâtir l’école

 

La situation actuelle n’a rien de surprenant pour qui connait un tant soit peu l’éducation nationale. En 2017, je publiais Rebâtir l’école. Plaidoyer pour la liberté scolaire qui disait en substance deux choses : l’école publique sera morte dans 5 ans (soit 2022) et aura disparu dans 10 ans (soit 2027). La situation actuelle confirme cette analyse. À partir du moment où les parents ne veulent plus inscrire leurs enfants dans l’école d’État et où plus personne ne veut y travailler, cette école est morte. Encore 5 ans et elle aura disparu. Pour étayer ma thèse, je me fondais alors sur les rapports officiels de l’Éducation nationale, qui sont en accès libres. Ceux-ci fournissent beaucoup d’informations très utiles et passionnantes et notamment la démographie des professeurs.

 

Démographie. Cette vieille science très pénible, car elle a toujours raison. Une science développée par Alfred Sauvy, un grand scientifique malheureusement pas assez cité. Que disaient les rapports des années 2010-2017 ? Il y avait d’un côté la pyramide des âges des professeurs actuels et de l’autre le nombre de professeurs recrutés chaque année. On constatait ainsi que, compte tenu de la pyramide des âges, une grande partie des professeurs allaient partir à la retraite entre 2017 et 2027 (tous ceux qui avaient au moins 55 ans en 2017) et que cette population ne serait pas remplacée puisque chaque année il y avait moins de candidats que de postes à pourvoir. Pour faire simple : les professeurs existants partaient à la retraite et l’institution n’arrivait pas à en recruter de nouveau pour les remplacer. Ce phénomène existe depuis le début des années 2010, il n’a donc rien de nouveau aujourd’hui.

 

L’école est morte

 

5 ans plus tard, les problèmes évoqués en 2017 se sont donc révélés justes. À cela s’ajoute un troisième phénomène : l’accroissement des démissions. Quand j’ai démissionné de l’EN en 2007, j’étais un des très rares cas. En 2017, le phénomène de démission était en pleine expansion, aujourd’hui il s’est largement accru. L’institution a toujours caché les chiffres, mais par recoupement on peut estimer qu’il était de l’ordre de 3% à 5% en 2017. 5 ans plus tard, ce chiffre a encore augmenté. Donc non seulement on a des professeurs qui partent à la retraite, qui ne peuvent pas être remplacés puisque personne ne veut travailler dans cette administration, mais en plus ceux qui sont dans le circuit claquent la porte. Donc il n’y a plus assez de professeurs, ce qui pose de gros problèmes d’organisation. Un phénomène qui ne concerne pas que les établissements de « banlieue », mais qui touche toutes les zones géographiques. Dans les 5 ans qui viennent, l’école d’État, déjà en surchauffe, verra s’accroître les problèmes, ce qui aboutira à son élimination. Tout cela est une excellente nouvelle. La mort de l’éducation nationale est une grande chance pour la France.

 

Un peu d’argent et tout ira mieux

 

Face aux difficultés de recrutement, une seule solution est présentée : augmenter les salaires. Vieille solution keynésienne qui ne sert qu’à masquer le véritable mal de l’école d’État. Bien évidemment, personne n’est contre une augmentation salariale, les professeurs comme les autres. On voit fleurir sur Twitter des messages qui montrent l’évolution du rapport entre le salaire d’un professeur et celui d’un SMIC, celui-ci se réduisant au cours du temps. Cela n’est nullement dû à la décroissance du salaire des professeurs, mais à la hausse continue du SMIC. L’école n’est pas gratuite, les dépenses éducatives représentent le premier poste de dépense de l’État. Elles s’élevaient à 95 Mds€ en 2020 pour des dépenses intérieures d’éducation qui se montaient à près de 161 Mds€. L’école publique, en primaire, secondaire ou supérieure, coûte deux fois plus cher que l’école privée.

 

Tous les détails financiers sont à retrouver via ce lien :

https://www.vie-publique.fr/en-bref/282646-les-depenses-deducation-en-baisse-en-2020#:~:text=Une%20note%20de%20la%20Direction,plus%20haut%20niveau%20depuis%202010).

 

De nombreux sondages internes ont montré que la question salariale n’est pas le premier souci des professeurs. Ce qui pose réellement un problème c’est le fait de ne pas pouvoir choisir son lieu de travail, du fait des affectations aléatoires, de ne pas choisir son établissement, de ne pas avoir de liberté en matière pédagogique et de se retrouver sous la coupe d’inspecteurs bornés et de fonctionnaires administratifs tyranniques. Reviennent également la dégradation du climat humain, la violence des élèves, l’abrutissement causé par une administration qui n’a aucun souci pour ceux qui travaillent en son sein. En clair, le problème réside dans la nature même de l’éducation nationale. L’augmentation des salaires ne résoudra pas le problème, même si elle fera plaisir aux professeurs en poste. Tous mes amis qui ont démissionné depuis 2017 (ils sont nombreux) sont d’abord partis pour des questions d’organisation interne, la question salariale est une cause seconde. Pour résoudre le problème de l’école, c’est la structure de l’éducation nationale qu’il faut supprimer afin de permettre une véritable école libre, avec des professeurs qui peuvent choisir leur établissement et leur pédagogie et des établissements qui sont indépendants d’une structure centrale pour s’adapter véritablement aux élèves qui leur sont confiés. Mais mettre en place cela, c’est aller contre l’éducation nationale.

 

Le mythe de l’école d’avant

 

Face à l’échec manifeste de l’école, on voit surgir le mythe de l’école d’avant, celle de Jules Ferry, qui fonctionnait bien. Rien n’est plus faux. Jules Ferry n’a pas inventé l’école. Celle-ci était déjà très implantée au XVIIe siècle, avec saint Jean-Baptiste de la Salle qui crée de nombreuses écoles pour les plus pauvres. La loi Guizot de 1833 oblige les communes à ouvrir une école pour accueillir les enfants et à offrir la scolarisation pour les parents qui n’ont pas les moyens de la payer. Lorsque Jules Ferry devient ministre, la France est couverte d’écoles et la plupart des Français y vont. L’école de Jules Ferry n’est pas une école, c’est-à-dire une institution dédiée au savoir et à l’instruction, mais un séminaire politique dont la finalité est d’ancrer l’idéologie républicaine dans le cœur des petits Français à un moment où la République est encore très loin d’être majoritaire. Comme le disait Ferry à la Chambre : « Je vous ai promis la neutralité religieuse, je ne vous ai pas promis la neutralité politique et philosophique ».

 

L’école de Ferry est un échec dix ans à peine après sa mise en place. Le rapport présenté par Alexandre Ribot, membre de l’Académie française et ministre des Affaires étrangères, pointe les problèmes d’une école qui sont les mêmes que ceux d’aujourd’hui : centralisation, suradministration, réduction des espaces de libertés, idéologie politique néfaste. Les manuels d’histoire de la IIIe République n’ont rien à envier à ceux d’aujourd’hui en matière de falsification historique et de mensonges. Cette école arrivait certes à former 5% d’élite, mais elle était très en retard pour former les enfants de la paysannerie et de l’industrie, qui se trouvaient dans un grand retard intellectuel et technique dans les années 1950 par rapport à leurs voisins européens. Une partie des problèmes de la France des années 1970-1980 vient du retard dans la formation des enfants modestes dans les années 1950-1960. À cet égard, la mise en place du collège unique a été une mauvaise réponse à un vrai problème.

 

L’école d’État n’a donc pas échoué, car sa finalité n’a jamais été l’instruction et la formation. Sa finalité était de transmettre une idéologie politique qui est aussi une religion politique. En cela, elle a parfaitement réussi, si ce n’est que la manifestation de cette religion politique a évolué au cours du temps. C’est face à elle que beaucoup ne veulent plus travailler parce qu’arrivant à sa perte elle se radicalise et devient de plus en plus sectaire. C’est le propre d’une idéologie : elle ne reconnait pas ses erreurs et se radicalise au moment où son échec devient patent. L’EN n’arrive plus à recruter ? Cela ne l’empêche pas de lessiver les jeunes qui ont réussi les concours et qui sont en stage de titularisation. Plusieurs témoignages m’ont été rapportés de stagiaires qui n’ont pas été titularisés parce qu’ils ne diffusaient pas la pédagogie imposée par l’EN. Donc non seulement l’école d’État est en manque de professeur, mais elle continue d’éliminer ceux qui vont à l’encontre de son idéologie. De même, les ministres Belkacem et Blanquer ont-ils tout fait pour empêcher la création d’écoles libres et pour restreindre l’existence de l’école à la maison. Il s’agit ici d’éviter que certains enfants ne sortent du cadre scolaire imposé par l’EN : tout le monde doit passer par chez elle, même s’il n’y a plus de professeur. Il n’y a donc rien à attendre de cette institution qui détruit les professeurs qui y travaillent tout autant que les enfants qui y passent.

 

Le plus surprenant n’est pas la difficulté de recrutement mais que certains continuent d’y travailler, par routine, par idéologie ou par conformisme. Encore 5 ans et nous pourrons passer à autre chose, c’est-à-dire à une école libre, où les professeurs sont libres de leurs cours et de leur pédagogie, les parents libres de choisir la meilleure école pour leurs enfants, comme cela existait avant la mise en place du monopole par Jules Ferry.

On pourra d’ici là se souvenir des mots de Frédéric Bastiat : « Le plus pressé, ce n’est pas que l’État enseigne, mais qu’il laisse enseigner. Tous les monopoles sont détestables, mais le pire de tous, c’est le monopole de l’enseignement. »

 

source: https://institutdeslibertes.org/lecole-est-morte-enfin/

3 commentaires

  1. Posté par Sergio le

    @Jean-Baptiste Noé. Je ne suis pas d’accord avec vous, le constat de mort de l’école n’est pas une bonne nouvelle, c’est une catastrophe. Annoncé ou pas c’est un véritable drame et les français seront des millions à le payer. Lorsqu’il faut recourir à des pictogrammes pour se faire comprendre, lorsque depuis des années un des meilleurs enseignements au monde est déclassé au fur et à mesure des enquêtes internationales, c’est de la faillite d’un système dont il est question. On ne peut que déplorer que toute cette intelligence dont est capable un état ne soit pas mise au service de l’avenir de la nation.

  2. Posté par Vautrin le

    Bien vu !
    J’invite à lire sur le site dont je suis l’un des éditorialistes, l’article d’Ange Gabriel : « Arracher l’École des griffes de l’État »
    http://www.subito-invenio.org/wordpress/?p=5870

  3. Posté par antoine le

    A force de cacher les problèmes et les ministres successifs qui politisent l’enseignement (wokisme, égalité donc nivellement par le bas, etc …) le résultant est une dégringolade du niveau général (voir les tests PISA)
    https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/education-science/enquetes/pisa.html
    https://www.vie-publique.fr/eclairage/19539-resultats-des-eleves-la-france-et-le-classement-pisa
    Lorsque l’enseignement (transmission du savoir) est remplacé par l’éducation normalement transmise par les parents, le système s’effondre et la société en récolte les fruits pourris !

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