La Commission approuve le plan de relance polonais, ouvrant la voie au déblocage des fonds

 

Pologne – Avec un an de retard, la Commission européenne a approuvé le 1er juin le plan de relance soumis par la Pologne dans le cadre des fonds Next Generation EU qui étaient censés relancer l’économie européenne après les récessions provoquées par les restrictions sanitaires des années 2020-21. On laissera de côté les considérations sur l’opportunité de relancer une économie souffrant d’un manque chronique de main d’œuvre – les réfugiées ukrainiennes et leurs enfants n’ont pas occupé les places laissées vacantes dans l’industrie et le BTP par les hommes rentrés au pays pour se battre contre l’envahisseur russe – et d’une inflation galopante (estimée à 13,9 % sur un an en mai par le GUS, l’office polonais de la statistique). Espérons seulement que la perspective du déblocage, à partir de l’automne, des 35,4 milliards d’euros destinés à la Pologne, dont 23,9 milliards de subventions et 11,5 milliards sous la forme prêts, et ensuite la conversion de ces sommes en zlotys renforceront la monnaie polonaise et auront de ce fait un effet modérateur sur l’inflation tout en permettant à la banque centrale, la banque nationale de Pologne (NBP) de cesser d’augmenter ses taux directeurs (le taux de référence est aujourd’hui à 5,25 %, contre 0,10 % l’année dernière), voire de les baisser pour soulager les nombreux détenteurs de crédits hypothécaires à taux variable, très majoritaires en Pologne.

Cinq commissaires ont voté contre le déblocage des fonds pour la Pologne

Le vote du 1er juin en Commission a donc permis l’approbation du plan polonais malgré l’opposition de cinq commissaires, et pas des moindres : Didier Reynders, libéral belge en charge de la justice, Věra Jourová, progressiste tchèque en charge des « valeurs » et de la « transparence » qui est aussi vice-présidente de la Commission, Margrethe Vestager, libérale danoise en charge de la concurrence, Ylva Johansson, sociale-démocrate suédoise en charge des affaires intérieures, et donc des « migrants », troisième vice-présidente exécutive de la Commission, ainsi que Frans Timmermans, travailliste néerlandais et premier vice-président de la Commission en charge de l’action pour le climat. C’est lui qui menait la croisade contre la Pologne et la Hongrie dans la précédente Commission Juncker, en tant que premier vice-président en charge des questions d’État de droit.

Malgré ces voix divergentes, la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen était à Varsovie jeudi dernier pour venir annoncer le feu vert de la Commission qui permet un vote au Conseil en vue de débloquer les fonds. Reçue en grande pompe par les dirigeants polonais, y compris le premier ministre Mateusz Morawiecki et le président Andrzej Duda en personne, l’Allemande a cependant prévenu que les fonds ne seraient effectivement versés que si les jalons inscrits dans le plan convenu entre Varsovie et Bruxelles sont effectivement respectés. Il y en a exactement 116, dont certains ont déjà été atteints, certains doivent l’être avant la fin du mois de juin, et d’autres doivent l’être ultérieurement.

Les ingérences des institutions européennes dans l’organisation du système judiciaire national finalement validées par la Pologne

Un des principaux jalons prévus pour la fin juin, c’est la liquidation de la Chambre disciplinaire de la Cour suprême avec une loi en cours d’approbation au parlement polonais. Elle a été approuvée par le Sénat la semaine dernière, avec des amendements clairement inconstitutionnels imposés par l’opposition majoritaire à la chambre haute (cette même opposition qui se plaint constamment à Bruxelles que le PiS ne respecte pas l’État de droit), et doit revenir rapidement en dernière lecture à la Diète qui ne manquera pas de supprimer ces amendements. La Chambre disciplinaire va donc être remplacée par une « Chambre de responsabilité professionnelle » peuplée de manière rotationnelle par des juges de la Cour suprême tirés au sort, tandis que tous les juges qui ont été sanctionnés par la Chambre disciplinaire actuelle pourront demander à voir leur cas réexaminé par cette nouvelle Chambre de responsabilité professionnelle. Les ingérences des institutions européennes dans le système judiciaire polonais, qui n’étaient pas prévues dans les traités, et  les actes de soumission de la Pologne à ces ingérences n’iront-ils pas plus loin ? Nul ne saurait le dire à ce stade, mais on note que la manière dont le conseil national de la magistrature (KRS) est nommé majoritairement par la Diète depuis les réformes du PiS n’est pas couverte par les jalons du plan de relance approuvé par la Commission. En revanche, en ce qui concerne les questions liées à l’État de droit, les autorités polonaises se sont engagées à modifier le règlement du parlement de manière à fortement limiter les possibilités pour une majorité parlementaire d’adopter des lois selon une procédure accélérée, sans consultations préalables.

Sur ces questions d’État de droit, la Pologne a donc fini par reconnaître aux institutions européennes des compétences qu’elles n’ont pas. En difficulté à cause des problèmes économiques et des coûts d’accueil des réfugiés consécutifs à la guerre en Ukraine, et alors que la Commission refusait de céder et poursuivait son chantage aux fonds européens, sans doute qu’elle n’avait pas trop le choix.

L’affectation des fonds du plan Next Generation EU gérée depuis Bruxelles pour les 27

Reste à savoir si les fonds européens permettront de soulager le pays face aux difficultés actuelles, car la manière dont ces fonds sont dépensés est réglementée depuis Bruxelles, et la part belle doit être faite à la lutte contre le changement climatique et à la numérisation de l’économie. Pas sûr qu’une supervision centralisée du type de dépenses autorisées soit la manière la plus efficace de gérer l’économie. Dans cette partie de l’Europe, la gestion centralisée de l’économie sur la base de plans pluriannuels tenant compte des directives d’une capitale située ailleurs a d’ailleurs plutôt mal fonctionné dans le passé et les régimes qui s’y adonnaient se sont écroulés à la fin des années 1980.

Dans les grandes lignes, près de la moitié des dépenses prévues par le plan de relance polonais concernera la lutte contre le réchauffement climatique et un cinquième sera consacré à la numérisation. Exemples de postes de dépenses en zlotys (1 euro = environ 4,6 zlotys) tels qu’indiqués par le ministère polonais des Fonds et de la Politique régionale : 17,3 milliards pour lutter contre la pollution de l’air, 15,8 milliards pour développer le transport ferroviaire, 14,6 milliards pour l’énergie éolienne, 14 milliards pour l’accès aux soins de santé, 12,5 milliards pour la « transformation verte » des villes, 10,1 milliards pour des transports urbains écologiques, 3,7 milliards pour le développement d’autres énergies renouvelables…

Finalement, mis à part l’accès aux soins de santé, quel rapport avec la relance d’une économie (qui est en fait déjà « relancée » depuis longtemps) qui a souffert d’une récession causée par les restrictions sanitaires ? Et en quoi cela va-t-il permettre de faire face aux dépenses d’accueil des réfugiés ukrainiens, par exemple ? Mais attention, ces questions ne concernent pas que le plan de relance polonais, car les exigences de répartition des dépenses entre action pour le climat, numérisation, santé, etc., sont les mêmes pour tous les États membres. Et  la Commission a obtenu de nouveaux pouvoirs avec ce plan Next Generation EU, comme celui d’imposer, pour débloquer des fonds, des taxes supplémentaires sur les véhicules roulant à l’essence ou au gazole, que la Pologne va donc bientôt devoir mettre en œuvre. Et que dire du jalon n° 68 du plan approuvé pour la Pologne, qui impose de remettre à la Commission européenne, au premier trimestre 2024, un rapport sur les mesures prises pour relever l’âge de la retraite ? Ce n’est donc plus aux électeurs polonais d’en décider ? La plupart n’ont même pas conscience qu’ils ne sont plus souverains sur la question de l’âge de la retraite comme sur bien d’autres questions, mais après tout, c’est pareil pour les 27 peuples constitutifs de l’Union européenne, et les Polonais n’ont donc pas plus que les autres de raisons de s’en plaindre…

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