Twitter et l’odieuse liberté d’expression

Stéphane Montabert
Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens

La meilleure nouvelle de la semaine nous vient des États-Unis, où Elon Musk semble réussir son pari de racheter Twitter.

Le combat épique du célèbre serial-entrepreneur contre un conseil d'administration de Twitter menaçant de saborder l'entreprise plutôt que d'en céder les clés mériterait qu'on s'y attarde, mais les médias ont réagi - ou plutôt surréagi - sur le thème de la liberté d'expression, dont Elon Musk est un ardent défenseur.

Quel est le problème, exactement? Eh bien, la liberté d'expression, c'est mal, voyez-vous. En Suisse, on peut naturellement compter sur Le Matin, toujours au garde-à-vous dans ce genre d'affaire, pour tenter de nous en convaincre. Les gauchistes américains, car il faut bien les appeler par leur nom, pourraient se rassurer en se disant qu'il leur reste encore CNN, MSNBC, le New York Times, ABC, NBC, CBS, le Huffington Post, Buzzfeed, YouTube, Facebook, le FBI, la CIA, la NSA, le Département de la Défense des États-Unis, Bloomberg, le Times Magazine, Hollywood et les milieux académiques... Mais ce n'est pas assez. "Qu'un seul être vous manque et tout est dépeuplé", écrivait Lamartine.

Ici, Twitter manque à l'appel.

Il y avait quelque chose de savoureux à contempler le Washington Post, propriété de Jeff Bezos, le richissime patron d'Amazon, s'indigner du danger de l'acquisition d'un média par un milliardaire.

La prise de contrôle n'est pas encore effective, mais les réactions qu'elle suscite sont instructives.

Chez Twitter, c'est évidemment la Bérézina. Elon Musk a promis de rendre public les algorithmes de classification des messages, ce qui dévoilera au grand jour toute tentative future de pondération politique des contenus. Musk a aussi prévu de mettre un terme aux innombrables faux comptes qui pullulent sur la plateforme et donnent une fausse popularité à des contributeurs qui ne la méritent pas.

- Hey Elon, puisque vous creusez, jetez un œil sur la façon dont certains médias (New York Times, Forbes etc.) ont acheté des abonnés sur Twitter pour simuler leur influence. Le New York Times a 50 millions "d'abonnés" et récolte rarement 50 retweets. Moi je poste un émoji banane et une photo d'une star de sitcom des années 80 et j'en ai plus.
- Oui, j'ai noté ça aussi. Plutôt bizarre.

En fait, en quelques jours, des comptes de gauche se sont plaints d'une soudaine érosion de leur audience, alors que des comptes conservateurs ont assisté à un accroissement extraordinaire de leur popularité. Certains ont tenté de justifier le changement par l'arrivée d'Elon Musk: une masse d'utilisateurs de gauche quittant la plateforme en signe de protestation, conjointe à un afflux de nouveaux issus de la droite attirés par la perspective d'une liberté d'expression retrouvée... Mais les variations sont beaucoup trop importantes sur un court intervalle pour que l'explication tienne la route. En plus, le transfert de propriété n'a pas encore eu lieu. Une autre hypothèse, plus crédible, suggère que nous assistons tout simplement à une remise à plat de l'algorithme de "renforcement sélectif de contenu" avant la prise de contrôle officielle du nouveau patron.

Twitter met aussi un terme à la pratique répugnante du shadowban. Le shadowban consiste à laisser l'utilisateur employer Twitter comme à l'accoutumée, mais son compte est en fait coupé du reste du monde. Il est le seul à pouvoir contempler ses contributions, les autres ne peuvent ni y accéder ni les commenter. Conçu comme une façon de punir les opinions jugées "intolérables" par Twitter et pratiqué sans avertissement ni notification, le shadowban laisse croire à l'utilisateur que ses propos n'intéressent personne.

Bien que Twitter ait longtemps prétendu que le shadowban n'était qu'une théorie du complot d'extrême-droite (tant qu'à faire), les manipulations devinrent de plus en plus visibles alors que le shadowban était progressivement infligé à des comptes plus populaires. Leurs responsables comprirent bien vite que si le nombre d'abonnés passait du jour au lendemain à zéro et que le service technique de Twitter prétendait que tout était normal, quelqu'un était pris pour un imbécile.

Mais tout ceci semble avoir cessé. Comme une soudaine accalmie dans la tempête de la censure, les comptes bloqués sont débloqués et le shadowban semble avoir disparu, pour l'instant. Une utilisatrice de Twitter a donc fait l'essai, en résumant dans une belle série de tweets tous les sujets recensés par la communauté des utilisateurs comme déclenchant une interdiction par Twitter.

Eh oui. Dire sur Twitter des choses comme...

  • "George Floyd était un criminel"
  • "Le COVID a été créé dans un labo en Chine"
  • "L'Ivermectine fonctionne"
  • "Joe Biden n'a pas obtenu 81 millions de suffrages"
  • "Seules les femmes peuvent tomber enceintes"

...étaient suffisantes, jusqu'à il y a peu, pour vous faire perdre votre compte. Notez, à toutes fins utiles, que jamais Twitter n'a coupé le sifflet aux mollahs iraniens appelant au meurtre de masse des juifs et à la destruction d'Israël, pas plus qu'il n'a fermé les comptes de l'État Islamique diffusant des vidéos de décapitations d'otages occidentaux.

Certains pourraient y voir un deux-poids-deux-mesures. Mais les modérateurs de Twitter, tout comme bien des utilisateurs politiquement engagés de la plateforme, ont peut-être juste un peu de mal à comprendre ce que signifie la liberté d'expression. Par exemple, voici quelques-unes des réactions répertoriées à l'occasion du rachat de l'entreprise par Elon Musk:


(Cliquez pour agrandir)

Oui, ce sont des pages et des pages d'appels au meurtre d'Elon Musk. La veille, il était à la mode parce qu'il envoyait des fusées dans l'espace et fabriquait les automobiles Tesla que possèdent les bobos fortunés et dont rêvent les autres. Le lendemain, il est l'homme à abattre. Tout cela parce qu'il affirme vouloir rendre un peu d'air au débat public.

Accessoirement, les appels au meurtre ne relèvent pas de la liberté d'expression. Ils constituent des actes criminels, et à ce titre ils ne sont pas protégés par le Premier Amendement de la Constitution américaine. Comme d'habitude, la plupart des gens qui pérorent sur la liberté d'expression n'ont pas la moindre idée de ce qu'elle recouvre, y compris aux États-Unis.

L'Union Européenne a rappelé à Elon Musk que Twitter devrait se plier aux règles de l'UE concernant la liberté d'expression, ou ce qu'il en reste en Europe. Celui-ci a répondu qu'il se plierait aux lois, soit l'évidence même. Il serait bon qu'il agisse de la sorte aux États-Unis aussi. En plus de fermer les comptes des utilisateurs cités plus haut, puisque ceux-ci violent les lois américaines, il devrait porter plainte contre eux. Face à des gens appelant à le tuer, la réaction resterait bien raisonnable.

Depuis l'offensive boursière d'Elon Musk, le détecteur de stupidité s'affole dangereusement. Les médias rivalisent d'inventivité pour nous expliquer à quel point cette prise de contrôle est odieuse et même dangereuse pour la démocratie. Mais toutes ces critiques "bien intentionnées" viennent des groupes et des gens qui ont le plus à perdre. Ils ne se lamentent pas de l'érosion de la liberté d'expression, mais de leur perte de contrôle sur la liberté d'expression.

Lorsque Twitter se permit de bannir le Président Donald Trump de la plateforme, beaucoup justifièrent le coup de force. Ils affirmèrent que Twitter est une compagnie privée et qu'à ce titre elle fait donc "ce qu'elle veut". Maintenant que Elon Musk veut plus de liberté là-bas, les mêmes ont bien du mal à s'entendre rétorquer cet argument.

L'extrême violence de la liberté d'expression?

Il en est de Twitter comme du reste des médias: chacun est libre d'aller où il le souhaite. Les gens peuvent découvrir du contenu intéressant,  choisir de s'abonner à un fil, ou s'en désintéresser et l'oublier.

Pour la gauche, cette liberté est intolérable.

Depuis des années, le discours est contrôlé par tous les canaux d'information, d'une façon de plus en plus étroite. Des "commentaires" sur les articles de presse - lorsqu'ils sont ouverts aux commentaires - aux discussions dans les groupes Facebook prétendument privés, tout est surveillé, contrôlé, et censuré. À l'opposé, les médias et les pouvoirs publics ne se gênent pas pour décréter des anathèmes en les imposant sous leur écrasante puissance de feu et leurs fact-checkers (ceux qui ne veulent pas du vaccin obligatoire, ceux qui ne votent pas comme il faut, ceux qui estiment que la vague LGBT va trop loin...)

Si vous n'êtes pas d'accord et que vous avez l'audace de le dire tout haut, vos comptes sont fermés, vos messages supprimés et votre voix réduite au silence.

Le retour de la liberté d'expression sur Twitter permet de restaurer un semblant de débat public. Il est possible pour ceux qui le souhaitent d'exprimer une opinion ou un témoignage allant à l'encontre du récit mainstream contrôlé par les puissances dominantes. Et surtout, il est possible pour d'autres de découvrir tout cela et de réaliser qu'ils ne sont pas seuls à penser ainsi. Cette perte toute relative du contrôle hégémonique exercé par les acteurs dominants leur est intolérable.

Les individus les plus puissants de notre société ont le droit de parler ; les plus faibles ont le privilège de les écouter en silence. Voilà leur mode de pensée.

Leur colère est telle qu'aux États-Unis (et bientôt ailleurs, une si bonne idée ne saurait rester là-bas) l'administration démocrate est en train de mettre en place un Ministère de la Vérité. Exactement comme dans 1984. Un organisme qui décrètera ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas - sur l'efficacité des masques et des vaccins, les bons et les méchants dans la guerre en Ukraine, l'authenticité du laptop de Hunter Biden, ce qu'il en est de l'inflation, du sentiment d'insécurité et tout ce genre de chose...

On se réjouit d'en parler sur Twitter.

Stéphane Montabert - Sur le Web et sur LesObservateurs.ch, le premier mai 2022

4 commentaires

  1. Posté par aldo le

    Bon, Elon Musk finira comme tous les escrocs: plein de dettes payées par les bénéfices tirés par les banques sur le dos des petits épargnants, des gogos de la finance « populiste » liée à la liberté du trading et les fonds de placement régulièrement tous les 20 ou 30 ans en liquidation. On peut rappeler IOS en batailles avec le Crédit Suisse pour son fond de placement. Le problème c’est que la liberté des banques fait baver les gauches, pas pour protéger les gens mais pour se servir comme la Salerno maintenant planquée au conseil d’administration de la BCGe, la banque commune des partis politiques élus à Genève, celle-là même qui a bénéficié des largesse de la socialiste Calmy-Rey et qui n’a pas remboursé les prêts offerts sur le dos de contribuables, qui a donc bien mérité son appartement à 3 ou 4 millions. Et comme par hasard, cette banque a sa façade qui joue le jeu de l’étendard de l’OTS, une secte internationaliste Suisse-France-Canada dont le silence a été imposé par des exécutions massives, des incendies puis la liquidation de toutes les preuves par le feu imposé par nos politicards toujours aussi véreux et craignant la présence divulguée de leur ADN. L’OTS a l’évidence devait être sous la tutelle de mormons et donc des conspirationnistes de Soros & Cie.

    Derrière toutes ses saloperies il y a le fait que les banques ressemblent à un casino géant aussi tenu indirectement par les terroristes des gauches SELISBOLFA (Socialo-écolo+lgbtx-islamo-bolchévo-fascistes) ceux qui ont imposé leur société privée, la Finma sous l’impulsion du couple d’avocats Lachat . Donc il y avait un jour un conseiller PD et vraisemblablement aussi pédophile, issu initialement de ces gauches, puis transfusé chez les Vigilant. Un parti subitement abandonné par ses avocats, en lien avec le procureur actuel… qui aimait fréquenter La Garçonnière avec sa poulette et un représentant de la police qui gambadaient dans leurs locaux de la rue Plantamour… lorsque leur Président avait dénoncé au Matin des poubelles pleine de préservatifs usagés. Et une partie de cet équipage a fini soit à l’UDC, soit au PLR, dont le PD susmentionné qui a hérité d’un job « politique » de gestionnaire de fortunes à la BCGe. Rien que là on voit toutes les potentialités de chantages qui ont présidé au bâillonnage politique de Genève et aux échecs de l’UDC. Il y avait trop de merdes dans le tuyau politique de l’UDC pour que cette force puisse émerger un jour à Genève, en partie à cause de la naïveté de Blocher. Sans compter l’accointance de Nidegger avec la secte moon = mormoon dénoncée dans la Tribune de Genève, qui a été enseignant, journaliste, puis avocat et qui doit maintenant comprendre beaucoup de choses sur les handicaps ayant entaché sa carrière politique.

  2. Posté par Beuchat Didier le

    Du coup, Elon Musk me paraît plus sympathique 🙂. Merci Monsieur Montabert pour vos analyses que j’ai toujours beaucoup de plaisir à lire.

  3. Posté par pierre frankenhauser le

    Quel est le point commun entre par exemple Erdogan, Hugo Chávez, Tarik et Hani Ramadan, l’Arabie saoudite (l’un des principaux actionnaires de Twitter jusqu’à récemment), le Qatar (principal sponsor des Frères musulmans et du terrorisme islamiste) ou encore un ex-Premier ministre malaisien antisémite et négationniste qui a justifié la décapitation de Samuel Paty en déclarant que « les musulmans avaient le droit d’être en colère et de tuer des millions de Français » ? Aucun d’entre eux n’a jamais été censuré ni sanctionné par Twitter. En revanche, Trump s’est carrément fait éjecter de la plateforme pour avoir osé faire preuve de patriotisme envers ses concitoyens. Merci à Elon Musk.

  4. Posté par antoine le

    ‘Ils ne se lamentent pas de l’érosion de la liberté d’expression, mais de leur perte de contrôle sur la liberté d’expression »
    Cela démontre que lorsque l’hégémonie de la bienpensance est  »menacée » par la libre expression la réaction est violente et immédiate ! On ne peut pas laisser un milliardaire faire n’importe quoi avec la Liberté !!
     »Maintenant que Elon Musk veut plus de liberté là-bas, les mêmes ont bien du mal à s’entendre rétorquer cet argument. »
    He oui, l’utilisation de l’information ne doit surtout PAS être mise entre touts les mains, c’est une chasse gardée du parti du  »bien » !!
    La presse, la radio, TV subventionnées et les médias électroniques ne sont plus un contre-pouvoir aux gouvernements en place, ce sont des canaux de diffusion de la propagande !

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