Du désastre énergétique à venir

Stéphane Montabert
Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens
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L'hiver vient, et il sera rude.

L'Europe risque de faire face à une crise de l'énergie au plus fort de la saison froide. Et la Suisse aussi.

La faute à l'UDC!

Pour un aperçu assez convenu des mensonges qui nous seront servis alors, il suffit de se tourner vers Le Matin ou l'Agefi qui reprennent une dépêche de l'ATS. En ce mois d'octobre, on prépare déjà l'opinion publique à ce qui va arriver: "Seule, la Suisse risque une mégapanne d’électricité", nous dit-on. Puis vient pour Le Matin la désignation des coupables: "L’échec de l’accord avec l’UE force le pays à trouver de nouvelles solutions énergétiques. EconomieSuisse veut rouvrir le débat sur le nucléaire."

C'est la faute de l'UDC, vous dis-je! Les méchants! Les vilains!

À cause d'un parti politique refusant la supériorité des juges étrangers sur la démocratie directe helvétique, nous serons privés de courant cet hiver. Que ce soit dit.

Aucune démonstration n'est faite de la relation entre l'accord-cadre institutionnel avec l'UE - qui n'a jamais dépassé le stade des discussions - et l'impossibilité d'acheter de l'énergie en Europe, qui relève du simple commerce et se pratique quotidiennement. Et c'est heureux, car si telle démonstration existait, elle prouverait une relation dominant-dominé humiliante pour la Suisse (certains dans la classe politique helvétique se délecteraient d'une telle perspective).

Non, les difficultés qui nous attendent à la mauvaise saison n'ont rien à voir avec la diplomatie internationale. Elles sont juste les conséquences de choix politiques hasardeux propres à chaque pays.

Plein gaz

Mais ce n'est pas grave. Powerloop, un lobby énergétique avec ses entrées au Parlement, propose de "construire de façon échelonnée environ 2'000 petites centrales à gaz réparties sur une grande partie du territoire national."

2'000 centrales, une paille. Mais attention, de "petites" centrales. Des chose discrètes qu'on remarquera à peine. Surtout que l'acheminement en gaz vers ces 2'000 centrales réparties sur une grande partie du territoire national ne devrait pas requérir de gros travaux, ni pour les ériger, ni pour les alimenter en gaz.

Notre astucieux Roger Nordmann (PS) qualifie la proposition de "prometteuse", nous explique Le Matin. C'est dire si c'est génial. Si Roger Nordmann valide, il faudrait être complètement fou, ou UDC à la limite, pour avoir l'audace de s'y opposer. D'autant plus que la facture serait raisonnable: elles coûteraient au total 3,4 milliards de francs. Milliards de francs qu'on propose de collecter à travers une modeste "surtaxe" sur les factures d'électricité. Mais tout cela reste "peu en comparaison des coûts d’une panne de courant, estimée entre 3 et 4 milliards par jour, selon le Conseil fédéral".

Le Matin ne rappellera pas que le coût de gestion des déchets de toutes les centrales nucléaires de suisse revient à 1,6 milliards par an, soit moins de la moitié, et qu'avec le nucléaire, il n'y a pas de panne de courant du tout.

Mais pourquoi parler de pannes de courant, au fait?

Une crise artificielle

Car la panne est au centre des discussions. Berne panique tout d'un coup et prépare le terrain pour les pannes d'électricité à venir. Et elles viendront, probablement dès cet hiver. On a beau lorgner sur 2050 dans les discours, les yeux fixés sur l'horizon, l'hiver 2021-2022 sera déjà difficile. Les suivants n'arrangeront rien.

Ayant la chance d'avoir pu discuter avec un professionnel du marché de l'énergie, j'ai obtenu des informations de première main sur la situation énergétique en Europe, les défis qui nous attendent, et la crise énergétique qui nous frappera dès cet hiver. Et les responsabilités n'ont rien à voir avec l'échec de l'accord-cadre avec l'UE, comme on pouvait s'y attendre.

La cause fondamentale tient en deux mots: la transition énergétique.

Lorsque les pays d'Europe de l'Ouest, Allemagne en tête, ont joyeusement décidé que l'avenir devait être neutre en CO2 et non nucléaire, il a fallu se tourner vers les énergies renouvelables. Ces énergies ne sont pas fiables. L'ensoleillement et le souffle du vent dépendent de la météo. Dans les deux cas, la Suisse, avec peu de vent et un faible ensoleillement, ne tire pas son épingle du jeu.

La production énergétique exige une certaine régularité: vous n'aimeriez pas que votre train s'arrête d'un coup en rase campagne, faute de vent pour les éoliennes qui, ailleurs, génère le courant qui alimente en électricité sa locomotive. Toute installation d'éoliennes, toute ferme de panneaux solaires s'associe donc à une centrale à gaz qui supplée à l'énergie "renouvelable" lorsque les conditions météorologiques ne sont pas au rendez-vous. C'est le secret honteux de la transition énergétique. En Suisse, il y a déjà 950 installations de ce type.

Hormis l'hypocrisie de cette énergie "renouvelable" qui fonctionne peu ou prou au gaz en réalité, le gaz était une solution d'appoint flexible et bon marché il y a quelques années. Avec la multiplication des sources d'énergie "renouvelables" appuyées par des milliers de centrales à gaz ou au charbon à l'échelle de l'Europe, ce n'est plus le cas.

De plus, l'hiver 2020 a été particulièrement long et froid, vidant les réserves du continent européen (Russie incluse). La Russie, un pays du tiers-monde aux équipements dépassés, qui ne peut augmenter sa production d'un claquement de doigt même si elle le voulait - et qui donne de toute façon priorité au chauffage de sa propre population avant d'exporter.

Toutes les conditions sont donc réunies pour une explosion du prix du gaz, et elle a lieu. Depuis le début de l'année, son prix a été multiplié par six. (Il y a deux semaines, dans cet article, il n'était encore multiplié que par cinq). Et nous sommes encore en automne!


L'évolution du prix du gaz d'août à octobre 2020

Les 2'000 "petites centrales à gaz" proposées par Powerloop vont avoir du mal à tourner, et, si elles y parviennent, je n'ose penser à la facture de gaz. Envoyez-la à Roger Nordmann...

Berne se prépare à des pannes d’électricité dramatiques

La transition énergétique, malgré le marketing médiatique de l'énergie "renouvelable", fait lourdement reposer la production d'électricité sur le gaz. Le changement de paradigme, à marche forcée pour contenir les objectifs "climatiques", s'applique à l'échelle du continent européen. Or, les réserves de gaz sont au plus bas et la production ne suit pas.

La loi de l'offre et de la demande risque de rendre l'électricité hors de prix pour beaucoup de monde. Mais nous pourrions aller encore plus loin, une situation où quel que soit le prix il n'y a plus de gaz disponible - c'est-à-dire une pénurie.


Lors des coupures d'électricité au Texas l'hiver dernier, les habitants grelottaient pendant
que les parkings vides du centre-ville restaient éclairés... Tout est question de priorité!

Lorsque ce moment arrivera, les pays victimes subiront des coupures d'électricité. On dira alors que c'est la faute du méchant Poutine qui refuse son gaz russe aux Européens dans le besoin, ou en Suisse la faute de l'échec de l'accord-cadre avec l'Union Européenne (bien qu'à ce stade plus grand-monde n'aura de courant à revendre à qui que ce soit).

L'important, pour les médias et la classe politique aux commandes, sera de préserver dans le grand public l'illusion que les éoliennes, les panneaux solaires et les centrales nucléaires sont tous équivalents. La pénurie quant à elle en incombera au capitalisme, évidemment.

Les choix ont des conséquences, et cela vaut tant pour les délires à l'horizon 2050 que pour le reste. Si une vague de froid frappe l'Europe cet hiver, il y aura de graves problèmes d'électricité et de chauffage. Des gens mourront, sacrifiés sur l'autel de l'énergie renouvelable.

À l'aune des expériences vécues, entre la sécurité de l'approvisionnement, les objectifs climatiques, et la haine irrationnelle des écologistes à l'égard du nucléaire, les électeurs seront amenés à redéfinir leurs priorités. Malgré les coupures et les factures de chauffage et d'électricité hallucinantes, il est possible que la crise ne suffise pas à réveiller les consciences. Il est aussi possible que cela relance le débat de la production énergétique et de la place du nucléaire dans celle-ci.

Le pire n'est pas toujours certain, comme on dit.

Stéphane Montabert - Sur le Web et sur LesObservateurs.ch, le 21 octobre 2021

9 commentaires

  1. Posté par Anubis de la vallée le

    Et je rapporte un commentaire brillant prononcé par la non moins brillante ex présidente du Brésil à l’ONU, Dilma a burinha rien de moins. Je cite: avec l’évolution des technologies nous serons bientôt à même de stocker le vent pour faire tourner les moulins à vent….sacré Don Quichottes que ces socialauds….

  2. Posté par toyet le

    Mais quel désastre? un KW coût de production 4 cts , il pourra être revendu par les grossistes 4 ou 5 frs, il y a plein de pognon à se faire. Je vous rappelle que le peuple dans sa clairvoyance a voté contre!

  3. Posté par pierre frankenhauser le

    Comme si cela ne suffisait pas, le CERN ambitionne de construire un immense accélérateur en anneau de 100 km de circonférence, alors qu’un autre similaire est déjà en projet en Chine, en plus de l’accélérateur rectiligne de 31 km prévu au Japon. Celui du CERN devrait consommer quatre fois plus que tous les trains CFF. Rien que ça. Pouvons-nous vraiment nous le permettre ? Surtout qu’il ne s’agit d’une infrastructure vitale.

  4. Posté par Pierre-Alain Tissot le

    Ces 2000 petites centrales à gaz vont émettre beaucoup de CO2, donc c’est une « solution » allant à rebours du bon sens !

  5. Posté par Sergio le

    Excellente analyse de Monsieur Montabert. La rienpensence désigne les coupables habituels et pointe des causes les plus fantaisistes. Ce n’est certes pas une consolation, mais les réseaux des pays qui nous entourent risquent bien de tomber avant les nôtres. Nous commençons à devoir payer une politique suicidaire rouge et verte fanatisée par l’idée éclairée de la décroissance à tout prix.

  6. Posté par Marcassin le

    Bonne analyse, c’est toujours un plaisir de vous lire.
    N’y aurait-il pas une odeur de plan mondial ?
    La privation électricité a un impact sur l’industrie et les commerces mais aussi sur les citoyens.
    Les objectifs climatiques, visent à supprimer à l’horizon 2030 ? les chauffages gaz et mazout et remplacer les voitures actuelles par des voitures électriques.
    Or, Si tout le parc automobile suisse était composé exclusivement de voitures électriques leur besoin en énergie serait équivalente à 35% de la production d’électricité nucléaire suisse.
    Si les chauffages gaz et mazout devaient être remplacés par des pompes à chaleur et que l’on ne considérerait que 30% de l’énergie fournies par ces matières maudites, la quantité d’énergie électrique absorbées par les pompes à chaleur serait équivalente à 76% de la production d’électricité nucléaire suisse.
    35% + 76% = 111% Veulent-ils vraiment supprimer les centrales nucléaires et les remplacer par 7500 éoliennes pour couvrir de manière intermittente les besoins actuels et ceux proposés (imposés) ?

  7. Posté par SD-Vintage le

    Très bon papier de Stéphane Montabert. Le problème avec le réchauffement climatique, c’est que les hivers sont apparemment de plus en plus froids…

  8. Posté par BullDetector le

    Excellent ​article comme toujour R Montabert, mais la Russie n’a RIEN d’un pays du tiers monde, contrairement à Frankistan…

  9. Posté par antoine le

    Merci M. Montabert pour cette analyse réelle de la situation énergétique.
    Vu les déclarations de M. G. Parmelin (Président de la Confédération Suisse), la situation économique risque de péricliter en cas de pénurie énergétique (gaz, mazout, électricité, etc …).
    Il avertit 30’000 sociétés que l’énergie nécessaire à notre Économie ne sera pas disponible à 100% !!
    Tout est à revoir dans la Stratégie Énergétique (SE2050) que Mme Leuthard a fait accepter par le peuple suisse ceci sans aucune étude de faisabilité !
    https://clubenergie2051.ch/2018/05/14/strategie-energetique-2050-une-etude-de-plus-le-confirme-elle-est-non-faisable/
    Aujourd’hui nous tous allons en payer les pots cassés !
    Avant d’arrêter et de démanteler définitivement la centrale nucléaire de Muhleberg (335MW) il aurait fallu mettre à l’épreuve ces très chères énergies renouvelables intermittentes !
    L’intermittence est le problème majeur ainsi que leur coût réelle.
    De plus il faut comparer ce qui est comparable ! Un kWh fourni par une centrale électrique commandée par l’homme n’est pas égal à un kWh fourni par un panneau solaire ou une éolienne. Il faut comparer le prix de l’énergie renouvelable STOCKÉE pour en faire de l’énergie disponible 24H/24 et 7J/7 !!
    Stockage de l’eau dans les barrages, production d’hydrogène par électrolyse de l’eau, volant d’inertie, compression d’air, etc …)
    A ce moment-là on pourra faire la comparaison de coût !
    En ce qui concerne la construction de 2’000  »petites » centrales à gaz, cela va à l’encontre des directives des partis de gauche (Verts, PS, etc …) qui imposes une diminution des émissions de CO2.
    Tous les distributeurs de voitures électriques devraient inscrire obligatoirement dans leurs contrats de vente que la recharge des batteries ne sera PAS garantie dans les prochaines années !
    Cela mettrait fin à l’hystérie collective !

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