La Turquie en Syrie – Mensonges  & Vérités

Michel Garroté
Politologue, blogueur

La Turquie en Syrie - Mensonges  & Vérités

Michel Garroté  --  Or donc, le fait est qu'Erdogan pense avoir les mains libres et de ce fait passe bel et bien à l’action contre les  Kurdes dans le nord de la Syrie. Concrètement, cela entraîne un changement des rapports de forces dans ce pays. Cinq jours après le lancement de l’offensive turque dans le nord de la Syrie contre les Kurdes de l’YPG, l’armée syrienne a décidé d’envoyer des troupes afin "d’affronter l’agression" de la Turquie.

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A ce propos, les forces kurdes ont annoncé, le 13 octobre, avoir conclu un accord avec Damas pour le déploiement de l’armée syrienne (oui, les Kurdes de Syrie retournent finalement du côté de Damas). Et La ville syrienne de Manbij, contrôlée par les Kurdes, a accueilli, le 14 octobre, les premières unités de l’armée gouvernementale syrienne. Le gouvernement syrien et la Russie reprennent donc la main, notamment dans ce secteur. Qui en parle ? Presque personne.

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Concrètement, s'il est exact que le régime syrien a condamné, dans son langage habituel, l’offensive turque dans le Nord syrien, il n'en demeure pas moins que ce même régime syrien ne voit pas d’un mauvais œil l’offensive turque. Et, donc, oui, les Kurdes de Syrie retournent finalement du côté de Damas.

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Et pour cause : Moscou est à la manœuvre. L'offensive turque s’inscrit dans un deal complet entre Moscou et Ankara : les Turcs donneront Idleb à Bachar comme ils lui ont donné auparavant Alep, et, en échange, Moscou laisse agir les Turcs contre les Kurdes, comme le démontre le veto de Moscou au Conseil de sécurité. Car, oui, la Russie a bloqué une résolution appelant la Turquie à cesser son offensive. Qui en parle ? Presque personne.

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Le "retrait" américain est partiel et progressif :

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Tout en annonçant un "retrait" de troupes américaines du nord de la Syrie  --  alors que la Turquie se préparait depuis des mois, à intervenir dans le nord-est de ce pays (elle est bel et bien passée à l'acte depuis cinq jours)  --  Donald Trump réaffirme le soutien de Washington aux Kurdes Syrien. Concrètement, il assure qu'il n'abandonne pas les Kurdes : "Nous sommes en train de quitter le nord de la Syrie, mais nous n'abandonons absolument pas les Kurdes. Nous aidons les Kurdes financièrement et en leur fournissant des armes", précise-t-il (le "retrait" américain est donc bien partiel et progressif).

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En Syrie, les milices kurdes s’attaquent aux chrétiens :

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J'aimerais tout de même rappeler qu'en Syrie, les milices kurdes s’attaquent régulièrement aux chrétiens (assyriens, syriaques et chaldéens), à leurs églises et à leurs écoles, entre autre dans les villages de la vallée de Khabour, dans les villages de Tel Jazira, Tel Baz, Tel Nasri, ainsi qu'à Malikiyah, à Derbasiya et à Hassakah, la capitale d’un gouvernorat (province) dans le nord-est de la Syrie (tenu par les Kurdes). J'ajoute que l'Occident peut, certes, considérer les Kurdes comme des alliés tactiques et locaux à court terme, mais en aucun cas comme des alliés stratégiques et globaux à long terme.

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Pas de retrait américain, simplement un redéployement :

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Il est un point - évoqué ci-dessus - que nos politiciens et nos médias ont soigneusement tenté de censurer et/ou cacher. Premièrement, la décision de Donald Trump de "retirer" les soldats américains stationnés en Syrie près de la frontière turque ne concerne que 1000 soldats US dont 100 membres des forces spéciales qui seront redéployés vers d’autres bases à l’intérieur du pays, notamment la base de al-Tanf, dans le sud du pays.

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Deuxièmement, des troupes américaines - les forces spéciales susmentionnées -, demeurent également stationnées à la frontière de la Syrie avec l'Irak et la Jordanie. Condamner le "retrait" américain est donc ridicule, hypocrite et cette condamnation ne vise en réalité qu'un seul objectif : diaboliser Donald Trump quoi qu'il fasse ou ne fasse pas. Notons également qu'il y a des forces spéciales françaises dans le nord de la Syrie. Qui en parle ? Presque personne.

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Pendant la campagne présidentielle américaine Trump avait déjà annoncé la fin des aventures extérieures coûteuses :

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Rappelons que le 6 octobre, la Maison Blanche avait annoncé que la Turquie s'apprêtait à mettre en œuvre son opération militaire prévue de longue date dans le nord de la Syrie. Washington affirmait également que les forces militaires américaines ne seraient pas dans la zone d'opération de l'armée turque. Et le 7 octobre, Donald Trump avait fait part de son souhait de retirer une partie des troupes américaines stationnées en Syrie, notamment à cause du coût que cela faisait peser sur l'économie américaine. Voilà qui méritait d'être signalé une fois encore.

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Trump avait ainsi affirmé : "Les Kurdes se sont battus avec nous, mais ont reçu une somme énorme d'argent et d'équipement pour le faire. Ils combattent la Turquie depuis des décennies. Il est temps pour nous de sortir de ces guerres ridicules et sans fin, dont beaucoup sont tribales". On appréciera, une fois encore, l'humour, franc et direct, du président américain, qui nous change de l'inbuvable jargon politiquement correct de ses innombrables et minables adversaires.

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A noter, mais oui, que pendant la campagne des élections présidentielles américaines, Trump avait affirmé que s’il était élu, il adopterait une position tournée vers la négociation. En clair, la fin des aventures extérieures coûteuses, inutiles, nocives.

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Trump n'est pas néo-conservateur :

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La vision géopolitique de Trump est conservatrice et non-interventionniste, à l'inverse de celle de John Bolton, son ex-conseiller en sécurité dont il vient de se séparer, ex-conseiller, qui lui, a une vision géopolitique résolument néo-conservatrice et surtout très interventionniste (avec son désir de voir des opérations militaires américaines contre la Corée du Nord, l'Iran, l'Afghanistan, l'Irak, la Syrie, le Liban, la Lune, la Planète Mars, etc.).

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Michel Garroté pour LesObservateurs.ch, 14.10.2019

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Un commentaire

  1. Posté par John doe le

    Merci pour ces infos!

Et vous, qu'en pensez vous ?

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