Élections législatives dimanche en Pologne : Bruxelles vole à nouveau au secours de l’opposition !

 

Par Olivier Bault.

Pologne – Les manœuvres sont assez grossières, mais l’on s’y habitue. De la même manière que la Cour de Justice de l’UE avait délivré une ordonnance provisoire défavorable à la Pologne à deux jours des élections régionales et municipales de l’automne 2018, les institutions européennes sont à nouveau à la manœuvre pour soutenir une opposition de gauche libérale qui en a bien besoin.

Au 10 octobre, la moyenne des sondages d’octobre donne en effet le parti conservateur Droit et Justice (PiS) de Jarosław Kaczyński à 46% des intentions de vote, contre 27% seulement pour la Coalition civique (KO) formée par les libéraux de la Plateforme civique (PO, le parti dont est issu Donald Tusk), le parti libéral-libertaire Nowoczesna et les Verts. La coalition de gauche formée par les sociaux-démocrates héritiers de l’ancien parti communiste (SLD), l’extrême gauche sociétale (Wiosna) et l’extrême gauche sociale (Razem) est créditée en moyenne de 13% des intentions de vote. Le PiS a donc de fortes chances de reconduire la majorité absolue obtenue en 2015.

Ce n’est donc sans doute pas un hasard si l’on apprenait mercredi, à 4 jours des élections législatives polonaises, que la Commission Juncker attaquait la Pologne devant la CJUE au sujet des réformes de son système judiciaire. L’année dernière, il s’agissait de l’âge de la retraite des juges de la Cour suprême (la cour de cassation en Pologne) ramené de 70 à 65 ans. Cette fois il s’agit de la Chambre disciplinaire créée au sein de la Cour suprême, pour sanctionner les juges corrompus, peu scrupuleux ou incompétents en mettant fin aux réflexes corporatistes qui gangrènent la magistrature polonaise depuis la chute du communisme. Cette saisine de la CJUE par la Commission était devenue prévisible depuis juillet, mais pourquoi avoir attendu la dernière semaine avant les élections ? À ce compte-là, la commission Juncker pouvait aussi bien attendre jusqu’à lundi prochain.

Deuxième chose que l’on apprenait mercredi : le président de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen, le socialiste espagnol Juan Fernando López Aguilar, vient d’adresser des lettres au ministre de la Justice polonais, à la présidence finlandaise du Conseil et à la Commission européenne pour dire son inquiétude à propos des pressions qui seraient exercées sur les juges en Pologne et à propos de la situation des homosexuels dans ce pays. Mais il faut dire que l’Espagnol a hérité d’un rapport à charge contre la Pologne rédigé par le travailliste britannique Claude Moraes après la visite en Pologne d’une délégation de la Commission LIBE en septembre 2018. Une visite qui avait largement privilégié les rencontres avec les représentants de l’opposition la plus radicale au gouvernement polonais en place et au cours de laquelle il avait été plus question de droit à l’avortement et droits LGBT que d’État de droit, ainsi qu’avait pu en témoigner le député Nicolas Bay (RN), membre de la délégation varsovienne de la Commission LIBE.

Bruxelles met donc le paquet cette semaine pour soutenir une opposition polonaise en difficulté. Dans la dernière ligne droite avant les élections, la télévision publique vient de publier des enregistrements très compromettants pour Sławomir Neumann, président aujourd’hui démissionnaire du groupe de la Plateforme civique à la Diète. On y entend Neumann expliquer en des termes vulgaires combien la Plateforme civique se moque des associations locales et des militants locaux ainsi que des compétences de chacun, et combien ce qui compte chez les libéraux c’est la loyauté au parti. Pour couronner le tout, Neumann garantit à ses interlocuteurs de la ville de Tczew, où il a été enregistré par un militant outré, que le maire PO de la ville n’avait pas à se soucier des accusations de corruption à son encontre, même si ces accusations sont très sérieuses, car aucun tribunal ne prononcera de jugement qui pourrait renforcer le PiS avant les élections. « Le juge peut envoyer chier l’affaire dans l’espace, il peut l’examiner pendant trois ans, cela n’a aucune importance. Il y aura des actes d’accusation contre 60-70% des maires, mais cela n’impressionnera personne », assure ce dirigeant de la PO, «les tribunaux aujourd’hui, je te le garantis, ils ne vont clore aucune affaire avant les élections. Aucune. Pendant un an, putain, ils ne vont rien faire. Ils vont examiner les affaires et envoyer le procureur se faire foutre ».

Comme quoi, n’en déplaise à l’Union européenne dont ce ne sont pas les affaires (à la lumière des traités européens qui ne lui attribuent pas de compétence en matière d’organisation de la justice dans les États membres), une chambre disciplinaire pour sanctionner les juges violant l’État de droit est bien nécessaire en Pologne. Car si des juges non élus peuvent faire tout ce qu’ils veulent en fonction de leurs préférences politiques (voir à ce sujet les sentences extrêmement sévères contre les identitaires a contrario de la relaxe répétée du passeur de migrants récidiviste Cédric Herrou en France), la démocratie est une fiction.

 

 

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