Affaire des remontées mécaniques de Crans-Montana. Suspicions de fraudes. Les révélations se succèdent. Procédure judiciaire à New York…

Les révélations se succèdent ces dernières semaines en lien avec transactions douteuses au sein des remontées mécaniques de Crans-Montana. De lourdes suspicions de fraudes financières planent sur le dossier. L’affaire est même mentionnée dans une procédure judiciaire à New York.

 

Révélations, mensonges et petits arrangements entre amis, tels sont les ingrédients de la saga des remontées mécaniques de Crans-Montana. Avec un nom qui revient systématiquement sur le devant de la scène au point qu’il devient indissociable de l’affaire, celui du Conseiller d’Etat PDC Christophe Darbellay, « médiateur » auto-proclamé d’une crise qui ne devait être que passagère, mais dont on ne voit plus la fin.

L’affaire Vitek illustre de manière éclatante la méthode du copinage mise en place depuis des années par Christophe Darbellay. Une méthode qui consiste à flirter avec les frontières de la légalité en comptant sur le silence complice de ceux qui désapprouvent mais ne veulent pas s’attirer d’ennuis.

Une méthode qui fonctionne lorsque toutes les personnes impliquées possèdent la carte du même parti, le PDC. Petit problème, à Crans-Montana, le Président Nicolas Féraud n’appartient pas à la famille. Il a donc été purement et simplement exclu des discussions ayant conduit à un accord très contestable, dont la légalité fait l’objet d’une enquête du Ministère public. Dans les colonnes du Nouvelliste (19 novembre 2018), Nicolas Féraud dénonce le complot PDC en ne mâchant pas ses mots. Il évoque « une gifle monumentale lancée à la figure de la démocratie » et accuse Christophe Darbellay« d’ingérence institutionnelle » : « On évince simplement tous ceux qui auraient un avis différent de celui avec qui on est pressé de conclure. C'est inacceptable et inimaginable. »

La « médiation » de Christophe Darbellay a doublement échoué. D’un côté, il s’agissait d’écarter le risque de procédures pénales. C’est raté puisqu’une enquête du Ministère est en cours. De l’autre, il s’agissait de tourner la page. C’est encore raté. En effet, le cas de Crans-Montana est cité en exemple des fraudes systématiques de Radovan Vitek devant un tribunal new-yorkais. De quoi assurer une publicité mondiale à l’affaire, avec des conséquences catastrophiques pour la réputation de Crans-Montana en particulier et du Valais en général. La lecture de la plainte new-yorkaise lève le voile sur les pratiques au parfum de fraudes financières mises en place par Radovan Vitek pour acquérir des entreprises suisses.

CMA citée en exemple devant un tribunal américain

D’anciens partenaires de Radovan Vitek ont déposé une plainte contre lui à New York. Ils affirment avoir été lésés par les pratiques du Tchèque consistant à dissimuler des rachats via des sociétés écrans grâce à la collaboration de complices probablement grassement rémunérés. Et ils prennent le cas de Crans-Montana pour illustrer de quelle manière des partenaires se font évincer à travers une dilution de leur participation dans des actifs communs.

Concrètement, à Crans-Montana, l’opération s’est déroulée de la manière suivante : pour commencer, en octobre 2015, Radovan Vitek s’est porté acquéreur (à travers la société CPI PG) de 65,83% des Remontées mécaniques de Crans-Montana/Aminona (CMA SA) et de 88,49% de CMA Immobilier SA. Comme la plupart des actions restantes étaient entre les mains de CMA SA, CPI PG s’est retrouvé de facto propriétaire à 99,7% de CMA Immobilier SA. A ce moment-là (octobre 2015), environ 29% du capital de CMA SA était encore entre les mains des communes locales.

Un peu plus d’un an plus tard, Radovan Vitek a utilisé sa majorité dans CMA SA pour ordonner une augmentation de capital et il s’est porté acquéreur de la majorité des nouvelles actions émises. Il a ainsi fait passer sa participation dans CMA SA de 65,83% à environ 85%. Le même jour, CMA SA a utilisé le produit de l’augmentation de capital (50 millions de francs) pour augmenter sa participation dans CMA Immobilier SA. Comme le propriétaire à 99,7% de CMA Immobilier SA n’est autre que Radovan Vitek, 35 millions sont ainsi retournés dans sa poche. Mais au passage, la part des communes a été réduite d’environ 29% à environ 10% seulement, ce qui leur a fait perdre environ 2,6 millions de leur valeur. Pour que l’opération puisse se faire, il a également fallu estimer CMA Immobilier SA à une valeur sept fois supérieure à sa valeur réelle…

  1. For example, in or about October 2015, Vitek caused CPI PG to acquire two entities with interests in the Crans- Montana ski resort, located in the Crans-Montana region of Switzerland: Remontees Mecaniques Crans-Montana- Aminona SA (“CMA SA”) and CMA Immobilier SA (“Immobilier”). CPI PG initially acquired 65.83% of CMA SA and 88.49% of Immobilier; most of the remaining shares of Immobilier were owned by CMA SA, giving CPI PG a combined stake of 99.7% in Immobilier.
  2. At the time of this acquisition, approximately 29% of CMA SA was owned by local municipalities and communes in Switzerland.

Case 1:19-cv-03170-DLC Document 5 Filed 04/11/19 Page 85 àf 112

Une manœuvre pénalement punissable

Une telle manœuvre soulève de nombreuses questions juridiques, comme cela ressort de plusieurs rapports d’experts mandatés pour faire toute la lumière sur ce dossier.

Le rapport produit par l’étude d’avocats Altenburger, spécialisée dans le droit des affaires, évoque une potentielle violation de l’art. 680 al 2 du Code des obligations (CO), lequel stipule que «  les actionnaires n’ont pas le droit de réclamer la restitution de leur versement », en précisant que « les prêts octroyés à l’actionnaire et/ou à une société soeur voire mère ne sauraient éluder cette disposition ». Ce même rapport évoque également l’art. 706 al 2 du CO qui garantit à chaque organe d’une société la capacité d’agir dans sa fonction. Or, l’augmentation de capital imposée unilatéralement a privé les communes concernées de ce droit suite à la dilution de leurs actions initiales.

Le rapport Gard, produit par une fiduciaire, évoque une potentielle fraude fiscale. En 2016, CMA Immobilière SA était estimée à environ 35,5 millions de francs. En décembre 2017, la valeur déclarée par la société était d’environ 20 millions seulement. Selon le rapport Gard,la surévaluation des actions à engendré, au final, une perte de plus de 2,6 millions au détriment des communes.

Le « médiateur » Darbellay menacé de 3 ans de prison

Pour les communes concernées, il s’agit d’un préjudice moral, financier et identitaire sans précédent. Sans l’intervention du « médiateur » Darbellay, Radovan Vitek aurait dû assumer ses responsabilités. L’intervention du Conseiller d’Etat lui a permis d’éviter le pire – pour l’instant en tout cas – en réinjectant les 35 millions dans le circuit.

Dès lors, la question se pose de savoir si l’action de Christophe Darbellay n’est pas, elle aussi, susceptible de faire l’objet d’une plainte pénale. En effet, l’art 305 du Code pénal stipule que « celui qui aura soustrait une personne à une poursuite pénale ou à l'exécution d’une peine ou d’une des mesures prévues aux art. 59 à 61, 63 et 641 sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire ». Lorsqu’il s’est invité dans le conflit en tant que « médiateur », le conseiller d’Etat pouvait-il ignorer la gravité de la situation ?

Autant de dossiers noirs et douteux qui gravitent autour de la personnalité du Conseiller d’Etat Christophe Darbellay. Certes, la gestion de ses affaires familiales, même entachées d’un parjure devant un tribunal américain, ne concernent que lui. Mais on ne peut pas en dire autant de la manipulation des médias, ni de sa connivence dans les affaires financières de Radovan Vitek.

Dans ce contexte, ses déclarations dans Le Matin Dimanche d’hier laissent songeurs. Il y affirme en effet, pour tenter de légitimer son action, « n’avoir été l’avocat de personne ». On peut en douter. Monsieur Vitek a lui-même a expliqué au journal Le Temps, dans l’édition du 18 novembre 2018 que : « Pour permettre un retour à la sérénité, j’ai proposé de racheter CMA Immobilier au prix auquel je l’ai vendue en décembre 2016. Bien que je sois actionnaire majoritaire de CMA, j’ai souhaité obtenir la bénédiction des personnes avec qui je négociais, à savoir le conseiller d’Etat Christophe Darbellay, le président de Lens, David Bagnoud, et le représentant des communes au sein du conseil d’administration, Laurent Bagnoud. »

L’enquête du Ministère public devrait permettre de faire toute la lumière et de savoir s’il a commis une faute pénale en ne dénonçant pas les manoeuvres financières de Radovan Vitek.

Il devient urgent que le parlement cantonal diligente des enquêtes pour établir la responsabilité des différents protagonistes. Maître Sébastien Fanti est d’ailleurs intervenu officiellement et à juste titre, en sa qualité de garant de la transparence dans les affaires publiques, afin d’obtenir la publication des rapports évoqués plus haut.

Trouver un milliard de dollars pour éteindre l’incendie

For over a decade, Czech oligarch Radovan Vitek perpetrated a massive scheme to defraud his business partners, making him one of the wealthiest people in the world. Vitek, who oversaw a growing conglomerate of commercial and residential real estate portfolios throughout Europe, repeatedly and through a pattern of racketeering activity – including wire fraud, mail fraud, money laundering, and other crimes – made himself into a multi-billionaire at the direct expense of his business partners.

Case 1:19-cv-03170-DLC Document 5 Filed 04/11/19 Page 5 of 112

Malgré les vives protestations de Monsieur Vitek et de son collaborateur Philippe Magistretti, il semblerait que l’action intentée à New York ne les laisse pas si indifférents. Soucieux de couper court à cette menace et préférant peut-être payer un milliard de dollars aux plaignants, Radovan Vitek aurait subtilement trouvé l’argent nécessaire. Des techniques permettent de récolter des fonds chez des investisseurs, qui se garantissent sur les promesses de résultats de la société bénéficiaire. Il faut savoir que CPI PG, société luxembourgeoise, est cotée à la Bourse de Francfort. Sa capitalisation boursière est estimée à 6,3 milliards d’euros.

Profitant d’une conjoncture favorable, renforcée par la publication de résultats annuels séduisants, CPI PG a cherché à lever pour 550 millions d’euros d’obligations perpétuelles subordonnées.

L’obligation perpétuelle n’est assujettie à aucune durée. Le remboursement n’intervient qu’à la liquidation de la société, mais il est possible de prévoir des possibilités de remboursement anticipé. Les intérêts sont fixés soit pour l’ensemble de la durée, soit pour une première période seulement.

Il s’agit d’une obligation sans date d’échéance pour le remboursement du capital prêté. L'émetteur est tenu de payer annuellement le coupon obligataire. Dans ce cas, l’émission obligataire de CPI PG a retenu l’intérêt des investisseurs, puisque le carnet d’ordres a été bouclé sur une demande de 800 millions d’euros, soit 1,5 fois supérieure à l’offre, ce qui correspond en dollars, comme par hasard, à la somme nécessaire pour se libérer de la plainte à New York...

 

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