Il est parfois plus simple d’être un homme qu’une féministe : Roger Köppel dans la Weltwoche

Claude Haenggli
rédacteur/traducteur, Berne, Suisse
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Roger Köppel dans la Weltwoche : il est parfois plus simple d’être un homme qu’une féministe

 

https://www.weltwoche.ch/ausgaben/2019-5/artikel/fredito-ratajkowski-die-weltwoche-ausgabe-5-2019.html

Ratajkowski

Éditorial

 Le féminisme et le sexe vont-ils parfois de pair  ? Bien sûr. C’est ce que démontre l’exemple d’une aguichante anglo-polonaise. 

 

Cela n’a, stricto sensu, plus rien à voir avec des vêtements. Ce sont plutôt des bouts de fil derrière lesquels il y a encore un corps. Ce corps appartient à Emily Ratajkowski, actrice, mannequin, superstar d’Instagram, probablement influenceuse, féministe à ses dires, un féminisme qu’elle extériorise notamment par la diffusion de photos qui si un homme publiait de telles photos de sa femme seraient immédiatement considérées comme un motif de divorce, comme du pur sexisme, comme un comportement abusif, voire une porte ouverte à la pornographie, condamnable, parce qu’elles réduisent la femme à un objet destiné à satisfaire la lubricité masculine.

On sent chez cette anglo-polonaise de 27 ans, vraiment ravissante et extrêmement sexy, qu’elle rend chaque photo d’elle encore plus excitante en adoptant des poses particulièrement aguichantes dont elle pourrait parfaitement se passer. On rapporte qu’elle a près de 20 millions de fans sur Instagram, dont beaucoup d’hommes, ce qui n’est guère surprenant. Or notons qu’elle se présente aussi, cohérente avec elle-même, en top-modèle érotique lorsqu’elle participe à des rassemblements féministes contre la concupiscence masculine et le sexisme.

Il y a, par exemple, une photo d’elle dans la manifestation contre le juge fédéral américain Brett Kavanaugh, finalement élu, soupçonné alors sans même la moindre preuve d’avoir eu, plus de trente ans plus tôt, au cours de ses études, un comportement inconvenant avec l’une de ses condisciples. Emily Ratajkowski, ou Em Rata comme on l’appelle dans les magazines lifestyle, participait au défilé devant le Capitole à Washington contre Kavanaugh, nombril à l’air, vêtue d’un jean moulant, et d’un minuscule t-shirt, soulignant sous un coton d’un blanc immaculé des seins parfaits qu’on aurait, pardon!, presque eu envie de toucher.

Dans le même ordre d’idée, ce petit film sur les pâtes montré avec une grande virtuosité linguistique même dans le sérieux Guardian britannique. Emily, vêtue de dessous affriolants rouges, prend des poses lascives, simulant l’orgasme avec un plat de spaghettis. Dans le générique de fin du clip intitulé «Avent de l’amour», cette beauté ondoyante proclame: «J’aime les pâtes et être enduite d’huile d’olive plus que la vie elle-même».

Cela lui a valu par la suite des critiques d’autres féministes, probablement moins jolies, qui estimaient leur féminisme mal compris par Rata. L’attaquée a, quant à elle, rétorqué avec volupté que sex-appeal et droits des femmes n’étaient pas antagoniques. Au contraire, tant que chaque femme décide d’elle-même à quel point elle s’affiche dévêtue en public serait, selon elle, l’expression de sa libération. Sur une photo d’Instagram scabreuse de Kim Kardashian, également à moitié nue dans sa salle de bain, Ratajkowski a posté: «Nous sommes plus que notre corps, cela ne signifie pas pour autant que nous devrions avoir honte de notre sexualité».

Le débat autour de Ratajkowski – peut-on lier sexe et féminisme? – est bien sûr fascinant, car il illustre à quel point il est désormais devenu compliqué pour une ravissante jeune femme d’exploiter son capital érotique dans le showbiz.

Le mouvement #MeToo qui assassine les hommes a, certes, détrôné toute une série de satyres patentés, mais a aussi favorisé une certaine humeur chagrine puritaine qui se répercute aussi indirectement sur les femmes. À quoi sert encore tout ce jeu de charme et de séduction quand chaque homme qui s’y engage, sans garantie de réussite, doit s’attendre à la stigmatisation ou à l’emprisonnement?

La méthode de Ratajkowski consistant à envoyer des signaux sexuels politiquement corrects et donc inattaquables, à vendre le sexe comme libération de la femme, n’est pas nouvelle, mais elle continue de fonctionner à merveille. La chanteuse pop Madonna a mené sa carrière de main de maître en associant sexe, musique et battage politique. Pour vendre du sexe sans se faire accuser de sexisme, il faut le vendre comme de l’art. Ou comme du féminisme. Le féminisme est connu pour être une sorte de socialisme des envieux chez les femmes. L’objectif est au final de niveler les différences, de gommer les inégalités. Les belles femmes ne devraient pas en tirer des avantages au travail sur des femmes moins belles, ni auprès des hommes. L’exigence est évidemment irréaliste, mais tout comme le socialisme, le féminisme est une rébellion contre la réalité, une révolte contre la nature humaine.

Le féminisme est la vengeance des femmes moins belles sur les hommes qui ont de plus belles femmes, comme nous l’avions déjà souligné en une autre occasion. L’exemple de Ratajkowski montre toutefois que même les belles femmes peuvent être dans le collimateur des femmes. Il n’y a rien de plus impitoyable que la concurrence entre femmes. Et les femmes vivent leurs rivalités plus méchamment, plus mortellement que les hommes. Ceux qui en doutent devraient étudier la lutte pour le pouvoir entre Mary Stuart et la reine Elizabeth.

Les super-riches achètent les faveurs et la clémence des moins fortunés en faisant des dons ou en tenant des discours bien-pensants. Les très belles femmes achètent la paix des moins belles en se déclarant féministes. Ratajkowski pratique en quelque sorte un commerce des indulgences, mais en moins cher. Elle joue les féministes pour pouvoir exploiter ses atouts érotiques sans se mettre à dos les autres femmes. Le féminisme comme processus d’apaisement social. Il est parfois vraiment plus simple d’être un homme.

 

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