Gilets jaunes : la faillite de l’État-providence

Par Olivier Maurice.

Quand cessera-t-on de prendre les Français pour des idiots ?

Je me pose avec insistance cette question depuis que j’écoute les commentateurs politiques, les gouvernants, les leaders politiques et autres intervenants s’étendre en théories pour saisir le sens du mouvement des Gilets jaunes et tenter en vain d’y répondre ou de le récupérer.

Ras le bol fiscal, France périphérique en colère, perte de crédit du monde politique, pouvoir d’achat, mondialisation… derrière ces interprétations se cache avant tout la faillite d’un monde imaginaire qui maintient les Français dans un rêve éveillé depuis la fin de la guerre, voire même depuis la Révolution.

Le monde imaginaire de la démocratie providence.

Une illusion n’existe que si on y croit. C’est ce qui différencie la réalité de la fiction, cette dernière cesse d’exister lorsque l’on cesse d’y croire. Et cette fiction est entretenue depuis très longtemps suivant un seul principe : celui de prendre les Français pour des benêts qui croient tout ce qu’on leur raconte.

C’est cette fiction qui est en train de s’effondrer.

[...]

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«Gilets jaunes : c'est l'État-providence, non le libéralisme, qui est en cause»

Par Erwan Le Noan
Le Figaro,  30/12/2018

TRIBUNE - L'État, en devenant une nouvelle Providence, a tout étouffé autour de lui et s'est chargé d'un fardeau qu'il ne peut assumer. Paradoxalement, la fronde des «gilets jaunes» le vérifie, argumente l'essayiste libéral Erwan Le Noan.

Pour répondre à la crise sociale que nous vivons depuis plus de cinq semaines, encore faut-il poser le bon diagnostic et saisir l'ampleur de la faillite. Celle-ci est le résultat de la déliquescence de l'État-providence, qui avait émergé dès la fin du XIXe siècle. C'est lui qu'il faut réinventer. L'économiste Karl Polanyi (1886-1964) considérait que l'histoire moderne était marquée par la distinction progressive de la sphère économique. Cette «grande transformation» a émergé dès le Moyen Âge, en lien consubstantiel avec l'affirmation progressive de l'État de droit et de la démocratie.

L'émancipation des marchands a fait émerger les institutions qui, favorisant la confiance entre inconnus, ont permis la pleine expansion du commerce. Le développement des contrats a fait croître le besoin de droit et de juges, les échanges lointains le besoin d'information et de presse, les nécessités financières les exigences comptables et les organisations bancaires. Progressivement, la «dynamique du capitalisme» que décrivait Braudel s'est étendue. Nous avons pu nous enrichir, nous instruire, nous soigner.

Cette dynamique s'est déployée sous trois aspects: économique, social et politique. La Révolution industrielle a accéléré le mouvement économique, dans une croissance schumpétérienne où l'innovation chasse ce qui l'a précédée. Chaque surgissement technologique est venu bouleverser les modes de production. La nouveauté a déstabilisé les relations de travail. Le chemin de fer a favorisé la structure pyramidale et décentralisée des entreprises, tout en créant le prolétariat. L'électricité a permis l'autonomisation de chaque machine, tout en générant le travail à la chaîne. [...]

La puissance publique a tué le sens des responsabilités : quand tout est organisé pour son bien, le citoyen se retrouve dans une attente passive

La puissance déstabilisante de ces transformations a alimenté une demande du peuple souverain: réaffirmer qu'en démocratie son pouvoir est décisif et ultime. La constitution des géants industriels du XIXe siècle aux États-Unis, dans le rail ou le pétrole par exemple, a inquiété et produit le droit de la concurrence dans ce pays puis dans tout le monde occidental. Ce mouvement n'est pas sans faire écho aux craintes contemporaines relatives au succès des «géants» du numérique et les projets de réglementations qu'elles suscitent. Chacune de ces révolutions a fait naître des revendications politiques. À la fin du XIXe siècle, le socialisme a ainsi traduit l'aspiration des classes laborieuses à une protection face à la déstabilisation permanente.

Ainsi est né l'État-providence. Face aux risques d'un nouveau monde en changement, il a développé un système de régulation capable de garantir la confiance des citoyens et un régime d'assurances qui s'est affirmé avec force après la Seconde Guerre mondiale. Il s'est substitué aux institutions de solidarités traditionnelles et aux corps intermédiaires: l'État est un Salut monopolistique, qui évince les organisations concurrentes. Ne cessant de se déployer, porté par une élite technocratique qu'il a captée pour dérouler des plans savants prétendant maîtriser les aléas de l'existence, il a institué une relation verticale entre les citoyens et lui-même.

[...]

L'enjeu est immense: accompagner et gérer le changement, ou le laisser se réaliser dans le chaos. Partout dans le monde occidental, les populistes proposent une voie défensive, plus ou moins ordonnée ; mais c'est une impasse. Si le président Macron est sincère dans sa volonté de «bâtir le socle de notre nouveau contrat pour la nation», la France a peut-être l'opportunité d'en proposer une version alternative. L'enjeu de la mutation en cours est d'organiser le retrait progressif mais franc de la puissance publique, afin que la société puisse s'exprimer, se déployer et redonner des perspectives positives aux citoyens.

* Consultant en stratégie. Membre du conseil scientifique de la Fondation pour l'innovation politique (think-tank libéral). Maître de conférences à Sciences Po et auteur de «La France des opportunités» (Les Belles Lettres, 2017).

Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 31/12/2018

 

Un commentaire

  1. Posté par miranda le

    Où veut en venir ce Monsieur? Promotion du libéralisme?
    On peut certes critiquer le système actuel , mais où sont les propositions?

    Mr Giscard d’Estaing, parlait en son temps, de libéralisme à conscience sociale. Ca laissait supposer qu’une justice sociale pourrait perdurer. Sans être excessive comme aujourd’hui, bien sûr.

    Nous sommes de toute façon, dans quelque chose d’effrayant en ce sens que des systèmes très différents COMMUNIQUENT COMMERCIALEMENT et ne respectent pas les mêmes règles en plusieurs domaines (y compris le social qui existe chez certains et qui n’existe pas chez d’autres).
    Qui en fait les frais?
    La classe laborieuse européenne autant que la classe laborieuse chinoise ou indienne que ….etc…
    Le libéralisme ou le capitalisme ne plaçant en première place, QUE LE PROFIT parfois GIGANTESQUE , alors rien d’équilibré ne pourra surgir.

    Ce qui mettra en tension perpétuelle, l’humanité.

    Ou alors l’humanité laborieuse sera chargée de s’occuper de la production du bien majeur qui la tient en vie : la propre culture de sa nourriture. Il semble que ce sera possible. Les potagers sur les toits des immeubles commencent à exister et à produire. Sinon, les nouveaux immeubles sont entourés de beaucoup plus d’espaces verts qu’avant. Alors, en confisquer quelques-uns pour l’auto-production de nourriture sera nécessaire. Au moins pour les classes sociales qui seront les moins avantagées.

    Viendra aussi, l’innovation dans la production d’énergie pour que les classes laborieuses soient à l’abri du froid (car l’énergie pour se chauffer est TROP CHER). IL suffit d’aller sur les sites écologiques pour s’apercevoir que l’ESPOIR est là aussi.

    LE LIBERALISME, sans conscience sociale nous engage à ‘EVOLUER SUR UN POINT, celui de nous avoir permis de saisir qu’il mettait en danger nos nations et nos cultures. Car c’est d’abord pour son ESSOR FINANCIER, qu’il produit à notre époque autant de déséquilibres.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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