Nos lecteurs. Votation 25.11.2018 : « Très bon article sur le Figaro concernant les juges étrangers »

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"Très bon article sur le Figaro concernant les juges étrangers: "

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Initiative pour l'autodétermination : «Les Suisses refusent de laisser le dernier mot aux juges étrangers»

Initiative pour l'autodétermination : «Les Suisses refusent de laisser le dernier mot aux juges étrangers»

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Dimanche 25 novembre en Suisse, un référendum d'initiative populaire proposera de faire passer la Constitution du pays avant les traités internationaux. Christophe Foltzenlogel voit là l'expression d'une indignation contre le pouvoir des juges de la CEDH ou de l'ONU.


Christophe Foltzenlogel est juriste au Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ) et vient de réaliser un reportage vidéo sur l'initiative populaire suisse.


En Suisse, la démocratie directe permet aux citoyens de soumettre par référendum une «initiative populaire». Parmi celles qui seront votées ce dimanche 25 novembre, l'une d'elles propose de faire primer la Constitution sur les traités internationaux: soutenue par l'Union démocratique du centre, le parti conservateur suisse, cette initiative pour l'autodétermination a vu le jour car d'autres initiatives plus anciennes n'ont pas pu être appliquées à cause des engagements internationaux de la Suisse.

FIGAROVOX.- Ce dimanche, les Suisses vont devoir se prononcer pour ou contre «l'autodétermination». Qu'est-ce que cela signifie?

Christophe FOLTZENLOGEL.- Les Suisses sont très fiers de cette tradition démocratique qui leur permet de prendre l'initiative en recueillant des signatures pour organiser une votation populaire ou même de contester une loi adoptée par le Parlement en la soumettant à un référendum. Ce qui est en jeu ce dimanche, c'est la souveraineté nationale, la capacité du peuple suisse d'avoir le dernier mot sur des questions de droit et de société lorsqu'il s'exprime directement.

Selon l'Union Démocratique du Centre (UDC) qui soutient cette autodétermination, des traités que la Suisse a signés, surtout avec l'Union européenne (UE), ont empêché certaines votations populaires d'être correctement appliquées. Par exemple, le 28 octobre 2010, les Suisses ont approuvé une initiative «pour l'expulsion des criminels étrangers». Seulement le Parlement n'a pas respecté ce vote en invoquant notamment la libre circulation des personnes qui est un engagement international de la Suisse avec l'UE.

Le but de cette initiative est donc de dire: la Constitution est supérieure aux traités et aux «juges étrangers», et si le peuple vote un changement constitutionnel, cette nouvelle norme est supérieure aux traités internationaux déjà ratifiés.

Est-il possible de faire primer le droit national sur les traités internationaux? Le gouvernement a fait objecter que ce vote risque de «fragiliser la stabilité et la sécurité du droit»...

Par principe et même par définition, le droit constitutionnel prime sur le droit international car le droit international régit les relations entre les États. C'est parce que les États sont souverains qu'ils ont la capacité de signer des «contrats internationaux», sources de droits et d'obligations. Ce principe est même toujours revendiqué en France par le Conseil constitutionnel qui affirme que la Constitution est «au sommet de l'ordre juridique interne».

En droit international, on considère cependant que les traités et le droit international coutumier sont supérieurs aux Constitutions. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) se place au-dessus des Constitutions nationales ; elle ne fait pas de différence entre une loi et une disposition constitutionnelle d'un pays et elle a déjà condamné des dispositions adoptées par référendum ou initiative populaire.

L'Union européenne cherche à devenir pleinement un État fédéral.

Dans la pratique, les gouvernements européens tendent aussi à mettre le droit international au-dessus de la Constitution. Par exemple, la France a ratifié le traité de Lisbonne pour poursuivre l'intégration européenne malgré le non au référendum de 2005 sur une Constitution pour l'Europe. Or certaines dispositions de ce traité de Lisbonne étaient contraires à notre Constitution. Plutôt que d'amender le traité, le gouvernement a modifié la Constitution... C'était déjà le cas en 1992 pour le traité de Maastricht et en 1999 pour le traité d'Amsterdam. Par conséquent, dans les faits, le contrôle de constitutionnalité d'un traité consiste à vérifier ce qu'il faut changer dans notre Constitution pour la rendre compatible avec le traité en cause.

C'est principalement en raison du développement de l'Union européenne, qui cherche à devenir pleinement un État fédéral, que de plus en plus de juristes considèrent que le droit international est supérieur au droit constitutionnel. En réalité, l'Union européenne devient un État avec un exécutif, un Parlement, un budget, une monnaie unique et les États comme la France, l'Espagne et dans une certaine mesure la Suisse, s'adaptent aux exigences en devenant des «eurorégions». Donc une victoire du oui fragiliserait plus la stabilité de l'Union européenne que de la Suisse, pour laquelle l'initiative revendique un retour à une pratique juridique classique.

Mais la Suisse est tout de même déjà bien en retrait de nombreux traités: concrètement, qu'est-ce que ce vote peut changer?

La Suisse n'est effectivement pas dans l'Union européenne, mais elle n'en reste pas moins un partenaire privilégié. Ses importations et exportations sont importantes, beaucoup de frontaliers viennent y travailler et de nombreux touristes y passent leurs vacances. La Suisse a signé plusieurs milliers de traités avec ses partenaires économiques et les pays frontaliers pour gérer toutes ces relations.

Un traité international empêche les cantons de décider ou non d'autoriser la chasse au loup.

Il est très peu probable que l'UDC demande la dénonciation de ces traités. C'est surtout l'immigration qui est leur cheval de bataille, et non l'exportation suisse vers la Chine ou la réglementation pharmaceutique avec le Conseil de l'Europe. L'UDC souhaite aussi que certains traités puissent être renégociés parce que la situation change. Jean-Luc Addor, Conseiller national de ce parti, donne l'exemple de la chasse du loup. La Suisse a signé un traité international de protection de la vie sauvage qui classe le loup comme une espèce «strictement protégée» et qui empêche les cantons de décider ou non d'autoriser sa chasse. Or ce sont les cantons qui sont les plus aptes à déterminer si les dégâts causés par des loups nécessitent une intervention. On pourrait donner bien d'autres exemples en matière de retraites pour les travailleurs frontaliers, de droits de douane, etc.

Le changement que provoquerait une victoire du «oui» serait de donner le dernier mot au peuple. Si celui-ci vote un changement constitutionnel, alors le gouvernement doit renégocier ou dénoncer les traités qui s'y opposeraient.

Cette votation est aussi une attaque directe contre la CEDH et son interprétation évolutive des droits de l'homme. Dans plusieurs affaires, la Cour a condamné la Suisse pour des expulsions de criminels étrangers contraires au respect des droits garantis par la Convention européenne des droits de l'homme.

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Même si elle sera probablement rejetée, cette initiative révèle-t-elle une tendance souverainiste à l'œuvre en Europe?

Pour l'UDC, il y a une volonté de préserver le modèle démocratique fondé sur la souveraineté populaire. Il y a une certaine défiance envers la classe politique et les juges suisses qui signent et appliquent des accords européens ou des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme.

Je rapprocherais leur initiative de la contestation fréquente contre les «élites de Bruxelles» que l'on peut observer en France et ailleurs. Lorsqu'un gouvernement doit faire adopter une réforme impopulaire, l'explication est souvent la même: «nous n'avons pas le choix, il faut faire cette réforme car il s'agit d'appliquer une directive européenne». En entendant les conseillers nationaux, comme le socialiste Roger Nordmann, dire que cette initiative est dangereuse pour la Suisse et qu'elle deviendrait peu fiable au niveau international, ou Mme Fehlmann Rielle dire que ce serait un «grave dégât d'image pour la Suisse», cela me rappelle Jacques Chirac qui disait que la France deviendrait «le mouton noir» de l'Europe si elle disait non au référendum de 2005. Je pense qu'en Suisse comme en France, il y a une véritable lassitude de s'entendre dire qu'on ne peut pas faire ci et qu'on doit faire ça parce que l'Union européenne ou les juges de la Cour européenne l'ont dit.

Cette démarche souverainiste pourrait-elle selon vous inspirer d'autres pays?

Ce sont probablement les Suisses favorables au «oui» qui s'inspirent, surtout, d'autres démarches souverainistes. En ce qui concerne les décisions des juges européens, cette initiative est dans la droite ligne d'une loi adoptée en 2015 par la Douma portant l'autorité de la Cour constitutionnelle russe au-dessus de celle de la CEDH. La Russie ne s'oblige plus à appliquer les décisions des juges de Strasbourg si celles-ci sont jugées contraires à sa Constitution (ou à ses intérêts…).

Derrière cette initiative populaire se trouve aussi une volonté de garder le contrôle et de ne pas se soumettre totalement à des «juges étrangers» ou à des institutions qui sont regardés avec un certain mépris. Dans cette perspective, elle se rapproche des positions souverainistes que la Hongrie, la Pologne et l'Autriche prennent actuellement face à la mondialisation et l'immigration.

Il faut cependant rappeler que le système de démocratie directe suisse est le plus développé au monde et que peu de pays européens peuvent organiser si efficacement et facilement des référendums.

Ainsi la France, qui a interdit la burqa par une loi adoptée en 2010, vient d'être critiquée par le Comité des droits de l'homme en ce qu'elle porterait atteinte à la liberté de religion.C'est une illustration supplémentaire de ce que demande Oskar Freysinger, de l'UDC: «Peuple suisse, est-ce que tu veux continuer à être souverain et déterminer ton destin toi-même, ou est-ce que tu veux mettre ça dans la main d'un petit groupe de juges, qui [d'en] haut vont te dicter ce que tu dois faire?».

3 commentaires

  1. Posté par Olivier Monney le

    Lorsque la France applaudit, mieux vaut se méfier…

  2. Posté par Jean-Francois Morf le

    Les juges des droits de l’homme veulent nous imposer la sharia, il faut ne plus leur obéir.

  3. Posté par Sergio le

    Excellent article dont on n’ose même pas rêver qu’il soit publié en Suisse. Billag et la bien-pensance tout entière veillent au grain.

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