Juges étrangers: comprendre les enjeux, deuxième partie

Stéphane Montabert
Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens
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Les élites politico-médiatiques du pays sont contre l'initiative "Le droit suisse au lieu des juges étrangers (initiative d'autodétermination)" mise en votation le 25 novembre, c'est un fait.

Pourquoi?

Comme expliqué dans la première partie, les arguments-peurs "d'isolement de la Suisse" ou de "renégociation de centaines de traités internationaux" ne tiennent pas la route. Ils font même hausser le sourcil par leur invraisemblance. N'était-il vraiment pas possible de trouver de meilleures raisons que celles-ci?

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À supposer que les adversaires de l'initiative soient rationnels, cela pose un défi d'analyse. De deux choses l'une:

  • soit les adversaires de l'initiative la combattent pour des motifs inavouables au grand public, et sont donc finalement contraints de se reposer sur des arguments qu'ils savent erronés, mais dont ils espèrent qu'ils réussiront quand même, avec une campagne médiatique suffisamment lourde, à emporter l'opinion publique ;
  • soit les adversaires de l'initiative ne sont pas rationnels.

Aucune de ces possibilités n'est plaisante mais la première est évidemment la seule réaliste. Reste donc à comprendre quels sont les arguments secrets, et bien réels, qui sont à la fois inavouables pour le grand public, et qui motivent malgré tout les élites politico-médiatiques arc-boutées contre l'initiative.

Malheureusement, il n'y a pas besoin de creuser beaucoup pour découvrir le pot-aux-roses. Pour qui suit vaguement l'actualité politique de ces dernières années, on le voit bien, tous les chemins convergent vers les Accords Bilatéraux signés avec l'Union Européenne.

Cet ensemble de traités, initialement présenté comme une alternative à l'adhésion, est en réalité une "adhésion light" - et elle l'est de moins en moins. Pas une semaine ne passe sans que ne s'empilent les nouvelles exigences de Bruxelles. Droit au chômage, aide sociale, interdiction de la préférence nationale, droit des armes, l'Union Européenne ne cesse de réclamer de nouveaux tributs ou d'imposer de nouvelles restrictions à la Suisse, toujours au nom des Accords Bilatéraux. Le peuple n'a pas le droit et ne doit pas avoir le droit de donner son avis sur ces exigences - imaginez qu'il refuse!

Les Accords Bilatéraux sont l'alpha et l'oméga de la classe politique suisse. Pour elle, ils sont plus importants que tout. Ils lui sacrifieraient la Démocratie directe sans hésiter, et en pratique, ils l'ont déjà fait. Ce ne sont pas des paroles en l'air. Avez-vous déjà oublié la pétaudière de l'accord-cadre défendu par M. Didier Burkhalter? Sa tentative de reprise par son successeur Ignazio Cassis?

Quelle que soit la façon dont on le tourne, quelle que soit la façon dont on le nomme, le projet "d'accord-cadre" et ses incarnations successives n'ont jamais eu d'autre finalité que de faire en sorte de contourner l'obstacle de la Démocratie directe. Il s'agissait de la canaliser, de la limiter et finalement de l'asservir au travers d'un mécanisme - pardon, d'une "procédure de résolution" - qui aurait fait en sorte que la Suisse absorbe au final tout ce qui vienne de Bruxelles.

Le cadre n'était là que pour donner les formes et des arguments contre ceux qui, en Suisse, auraient protesté.

Malheureusement pour eux, l'UDC réussit à tirer assez tôt et assez fort sur le projet pour faire capoter les négociations (le Brexit donnant à l'UE d'autres chats à fouetter). Même les plus fervents défenseurs de l'accord-cadre finirent par admettre que "l'obstacle démocratique" (la novlangue pour "une votation") aurait été trop difficile à franchir. Notez bien comme personne, parmi les élites régulièrement invitées sur les plateaux de télévision, ne dit jamais que ce cadre aurait été une violation des droits des citoyens, n'avait pas de légitimité constitutionnelle, ou constituait une soumission inacceptable à un régime étranger! Non, le seul, l'unique problème du plan est qu'il aurait fallu passer par une votation formelle et qu'elle avait toutes les chances d'échouer.

Mais, finalement, pourquoi s'embêter avec un accord-cadre quand il n'y en a pas besoin?

Tout le monde l'admet, un accord-cadre aurait été plus suisse, plus formel, plus propre en ordre. Mais nullement nécessaire. En 2012, l'arrêté du Tribunal Fédéral imposant la supériorité d'une institution étrangère sur la Constitution helvétique parvint exactement au même résultat. Désormais et pour toujours, le Droit international l'emporterait sur la Démocratie directe.

Le Droit international est indéfini, évolutif et non démocratique ; et ce sont là ses principales qualités.

Selon une maxime bien connue, quand votre seul outil est un marteau, tous les problèmes ont une fâcheuse tendance à ressembler à des clous. En Suisse, les Accords Bilatéraux sont ce marteau. Il martèle. Les Accords Bilatéraux sont adorés de part et d'autre de l'échiquier politique conventionnel et employés quasiment quotidiennement.

La gauche officielle les aime parce qu'ils permettent la transformation démographique rapide du pays à travers la libre-circulation et l'immigration illégale. Ils permettent une croissance sans limite de l'État pour dorloter les nouveaux venus, d'autant plus gourmands en aides sociales et autres assistances qu'ils viennent de loin.

La droite affairiste les aime parce qu'ils garantissent l'accès au marché européen et permettent la sous-enchère salariale par le recrutement dans un bassin de 500 millions d'individus. Ils renforcent la construction en Suisse alors qu'il faut loger, nourrir, éduquer et transporter ces centaines de milliers de nouveaux habitants.

La gauche officielle et la droite affairiste les aiment parce qu'ils permettent de mettre en échec la Démocratie directe, soit à titre préventif, comme épouvantail avant une votation ("Attention, voter pour cette initiative / pour ce référendum met en danger les Accords Bilatéraux! Danger!") ou à titre curatif après celle-ci pour en vider la substance (rappelons-nous de l'Initiative contre l'Immigration de Masse comme exemple le plus récent, mais il y en a une demi-douzaine).

Tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il ne reste que ce petit obstacle du 25 novembre, qui est trop clairement posé pour permettre des tergiversations. Il faut donc que l'obstacle soit franchi, et au vu des sondages, il le sera sans doute. La Suisse entrera-t-elle alors dans une ère de félicité féconde? Je me permets d'en douter, et ce sera l'objet du troisième volet de la couverture de cette initiative.

Stéphane Montabert - Sur le Web et sur LesObservateurs.ch, le 27 octobre 2018

12 commentaires

  1. Posté par Stephane Montabert le

    @Olivier Monney: depuis 2004 la CEDH condamne la Suisse cinq fois par an en moyenne. Ces condamnations ne font pas les gros titres pour d’évidentes raisons politiques, puisqu’il ne faudrait pas exciter la vindicte populaire contre les juges de Bruxelles. En revanche, les effets sont conséquents puisqu’ils amènent la Suisse à devoir changer ses lois, ou la pratique juridique de leur application.

    Quand on voit l’effet d’une seule de ces condamnations, par exemple sur le renvoi des Criminels étrangers, on comprend l’influence de la CEDH sur la législation helvétique avec « seulement » 5 condamnations annuelles…

  2. Posté par Olivier Monney le

    Sans me prononcer sur le vote lui-même, je vois le système suisse se déliter par une polarisation de la politique de notre pays. Le consensus a vécu, aujourd’hui on se doit de choisir son camp et c’est en cela que j’y vois une dégénérescence de notre « ADN » politique. Les décisions qui se gagnent au bras de fer ne font que des déçus et ne correspondent pas au système politique suisse tel que je le comprends.
    L’UE est un catalyseur dans cette division « très gauche – très droite » de notre pays, mais elle n’en est pas la seule source. La Suisse reste un îlot de bon sens dans un monde en panique (je rêve peut-être, ou alors je me rassure comme je peux, mais c’est mon sentiment). Qu’on mette les choses à plat, qu’on ait des chiffres: Combien de décisions de juges fédéraux invalidées par la CEDH (puisque c’est bien de celà qu’il s’agit)? Y a-t-il vraiment une intrusion qui altère nos principes fondamentaux? Je ne lis que des « de plus en plus » et autres « moins en moins ». J’aimerais que la raison prenne le pas sur l’émotion et qu’on puisse trancher en toute connaissance de cause.
    Olivier Monney

  3. Posté par Karl Hoff le

    Hé oui M. Deslarzes, vous avez 100,00% raison ! Mais c’est trop tard. La Suisse – en tant qu’Etat indépendant (comme indiqué dans la constitution), avec démocratie directe – va signer son arrêt de mort le 25 novembre. Dans la foulée, le CF va signer le cauchemardesque et suicidaire pacte sur les migrations. L’immigration folle de ces 60 dernières années, aura eu raison du pays le plus envié sur terre. Deux sondages nous confirment coup sur coup ce que nous savons dès le départ :
    1. L’initiative de l’UDC va prendre une branlée.
    2. Les gens se forgent une opinion principalement à partir de la RTS et des merdias-journaux.
    Le premier point étant une conséquence du second, à savoir du matraquage anti-UDC et de la désinformation massive à la RTS et dans les journaux-menteurs. Les 3/4 des votants ne peuvent pas blairer l’UDC et votent a priori contre ce parti. Bye bye la Suisse, c’était très pénible de te voir crever à petit feu. Une torture morale pour un vrai Suisse. D’autant plus que la plus gigantesque dictature de tous les temps, de type communiste, est en train de se mettre en place.

  4. Posté par R.L. Deslarzes le

    La Suisse n’est pas non plus une agence internationale de travail temporaire pour pays en faillites. Force est de constater que, sous son couvert humanitaire, l’immigration est à 99% économique. Cette immigration, en voie de déstabiliser notre pays et de dégrader la paix civile, doit impérativement être bloquée. En raison de cet afflux extraordinaire, les naturalisations doivent être stoppées et, tout comme pour l’immigration et l’asile, un moratoire d’au moins dix ans doit être imposé. Dans le cas contraire, on verra une majorité d’étrangers d’origine prendre les commandes politiques de notre pays au risque de détruire notre patrimoine culturel, social et chrétien, et empêcher ainsi notre développement naturel. Le Suisse, le vrai ne sera pas un étranger chez lui et ne sera pas remplacé par des simili-suisses. Le Parti National Suisse est le seul à défendre les vrais suisses.

  5. Posté par Combattant le

    En tant que suisse, je reste très attaché à la démocratie directe, à l’initiative populaire. Je crains un recul de notre démocratie. L’argument de la Genève « internationale » mis en avant par les opposants au référendum du 25 novembre est une farce. Genève est avant tout colonisé par les français de toutes sortes qui sont attirés par nos salaires et notre niveau de vie mais certainement pas par notre culture ni notre histoire. Ce que j’aime moins en revanche c’est qu’un auteur français (même naturalisé) vienne nous critiquer dans notre pays.

  6. Posté par toyet le

    Non mais allô si l’initiative ne passe pas il n’y aura plus besoin de vote pour les accords cadres, ils passeront automatiquement comme les directives européennes.

  7. Posté par Jandur le

    Quels efforts des contre dont à Berne, pour cacher leur but ultime: gommer une fois pour toutes le système de démocratie semi-directe Suisse, qui unique en Europe, laisse sa population mettre des bâtons dans les rouages des grands faucons.
    Et ainsi permettre à Berne d’entériner son dernier faux-pas à l’encontre de notre Constitution fédérale: leur contrat-cadre signé en toute inconstitutionnalité avec l’ONU.
    Et dans la foulée, continuer à signer des engagements bilatéraux CH-UE allant à l’encontre de notre votation de février 2014, aux résultats qu’à ce jour Berne n’a ni respectés encore moins appliqués.
    Pourtant, nos conseillés élus ont tous juré respect et fidélité à notre Constitution fédérale.
    Pensez au nombre de bi ou tri-nationaux nouveaux naturalisés, qui se fichent du futur!
    Imaginez ce qu’ils feront de nos votes du 25 novembre!:
    Alors VOTONS OUI, EN MASSE, pour l’auto-détermination.

  8. Posté par Nicolas le

    La propagande bat son plein sur « le Temps », journal de déférence:
    L’initiative de l’UDC met en péril la position de Genève
    OPINION. Souhaitons-nous risquer demain le départ des 37 organisations internationales, des centaines d’ONG et des délégués internationaux en tournant le dos aux valeurs mêmes que nous défendions ensemble hier? interroge le conseiller d’Etat Pierre Maudet, à l’unisson du gouvernement genevois, et qui appelle à dire non à l’initiative «Le droit suisse au lieu de juges étrangers»

  9. Posté par Julie Rochat le

    Idem pour moi, c’est un grand OUI que je mettrai sur mon bulletin. Ras-le-bol de de cet aplaventrisme devant l’UE et son poivrot ! La Suisse a assez d’arguments pour faire le poids mais cette bande de niolus de Berne crève de trouille devant ! Quant à M. Lüscher lors du dernier Infrarouge, il s’est montré détestable, suffisant. Bref, insupportable !!

  10. Posté par Antoine le

    Je voterai OUI le 25 novembre pour l’autodétermination.
    Les arguments émis lors de l’émission Infrarouge 24 octobre dernier par Mme Sommaruga et M. Lüscher sont fallacieux !
    D’où provient cette peur irraisonnée de la gôche de devoir renégocier des accords ?
    Le fait de renégocier des accords bilatéraux leur poserait-il un problème ?
    Face à l’UE, la Suisse a la trouille ….

  11. Posté par S. Dumont le

    Malheureusement, ils sont très nombreux ceux qui n’aiment pas la démocratie directe…
    En ce qui concerne l’accord cadre et contrairement à ce que nous avait dit le CF, il ne s’agit pas de 5 accords, mais 5 accords ET TOUS LES SUIVANTS.
    Une fois l’accord cadre approuvé par le CF, nous n’aurons plus notre mot à dire et nous serons soumis entièrement à l’UE…

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