Au Québec, l’ogre antiraciste dévore ses propres enfants

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L’antiracisme pour tous, c’est fini. Au Québec, la nouvelle gauche se déchire autour du concept d’appropriation culturelle.


Malgré la chaleur anormale et le début des vacances estivales, que de nouveaux développements dans le monde des idéologies au Québec. Il faut croire que l’extrême gauche antiraciste ne se repose jamais, tellement elle semble motivée à rééduquer un peuple qui ne comprend plus rien à la situation. Et pour cause, les préoccupations de ce peuple sont à des années-lumière de celles de la nouvelle gauche.

Qu’on me permette de revenir sur la dernière controverse qui a secoué le Québec. Celle qui a débuté quand des « antiracistes » ont manifesté à Montréal contre la tenue d’un spectacle visant paradoxalement à promouvoir la culture noire. Depuis, le Festival international de Jazz, qui accueillait l’événement, a annulé toutes les représentations de SLAV, la nouvelle pièce de Robert Lepage, célèbre metteur en scène québécois. Pire encore : son prochain spectacle, qui se veut une relecture de l’histoire canadienne favorable aux peuples autochtones, est déjà dénoncé. Le concept utilisé pour censurer l’art en 2018 : l’appropriation culturelle.

Les « Euro-descendants » sont toxiques

Le précédent est loin d’être banal, et le concept mobilisé pour le créer l’est encore moins. Il y a quelques mois seulement, le multiculturalisme envoyait le message suivant : il n’est pas trop tard, l’Occident peut encore sauver son âme s’il fait son mea culpa et accepte les cultures étrangères. Même celles qui lui sont hostiles. L’apocalypse morale était proche, mais nous pouvions l’éviter. Aujourd’hui, la repentance n’est plus possible. L’Occident est passé du purgatoire à l’enfer. Ses méchants habitants n’ont plus un mot à dire, ils doivent complètement s’effacer devant l’Autre. Il leur est même interdit de mettre en scène leurs propres excuses.

Promouvoir ou défendre une autre culture serait devenu « raciste ». Ce serait la désacraliser, la contaminer, la salir avec les mains toxiques de l’Occident atomique. Pour les curés de la décolonisation symbolique, les personnes de couleur seraient les uniques propriétaires de leur sainte culture, les « Euro-descendants » n’auraient même plus le droit de s’en approcher. Inutile de mettre des gants en latex : la nocivité de l’Occident serait telle que son virus pourrait se répandre malgré toutes les précautions hygiéniques.

L’antiracisme pluriel

Le concept d’appropriation culturelle est si ridicule et mal pensé qu’il est inutile de s’étendre plus longuement à son sujet. Faut-il vraiment rappeler qu’il n’existe aujourd’hui plus aucun peuple dans le monde qui n’a pas emprunté quelque chose à un autre que lui ? Les Occidentaux doivent-ils revenir aux chiffres romains ? Ce concept mène à la ségrégation raciale. Mais ce qui est intéressant chez lui, c’est l’avenir qu’il dessine. Les antiracistes excluent des gens de leur propre cercle sur la base de leur race, une nouveauté dans l’histoire. En Amérique, la gauche inclusive est à un point tournant.

Les antiracistes racistes sont en train de produire un schisme historique. Les chiites se séparent des sunnites. L’antiracisme d’Orient se sépare de l’antiracisme d’Occident. D’un côté, il y a les antiracistes de « race » blanche qui pensaient bien faire en faisant la promotion du multiculturalisme partout où ils le pouvaient. Ce sont essentiellement les bien-pensants qui ont longtemps plaidé pour un vivre-ensemble à l’eau de rose, souvent pour se donner le beau rôle. Mais de l’autre, il y a maintenant les antiracistes de couleur, coalisés avec d’autres blancs, qui veulent faire taire leurs anciens alliés. Les seconds veulent museler les premiers au nom de la lutte contre l’appropriation culturelle.

Guerre civile à prévoir dans les universités

Il est fort à parier que les universités seront dans les premiers lieux affectés par cette guerre interne. Dans les prochaines années, des cas « d’appropriation académique » seront probablement dénoncés par le nouveau mouvement antiraciste. Du haut de leurs « privilèges blancs », les chercheurs ne pourront plus faire l’éloge des traditions ancestrales des peuples d’ailleurs. À ce moment, il sera impossible de ne pas trouver la situation cocasse, ou du moins très ironique… Comme on le sait, les chercheurs et professeurs en sciences sociales ont beaucoup contribué au triomphe du multiculturalisme. Leur responsabilité est entière dans l’imposition du nouvel ordre politico-moral. Mais il fallait y penser deux fois avant de nourrir la bête…

Réagissant à l’annonce du prochain spectacle de Lepage sur les rapports entre les blancs et les autochtones, le grand chef d’une tribu amérindienne du Canada a affirmé qu’il était temps que les « soi-disant spécialistes » et les anthropologues cessent de parler au nom de son peuple. Une manière de dire que les universitaires et les intellectuels de « race blanche » n’avaient plus de légitimité pour travailler sur des peuples autres que les leurs. Dans quelques années, certains en appelleront au boycott de Claude Lévi-Strauss…

 

Extrait de: Source et auteur

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2 commentaires

  1. Posté par meulien le

    la connerie n’a pas de fronteres!

  2. Posté par Alex le

    Il est toujours très intéressant Jérôme Blanchet-Gravel.

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