Loi anti-fake news : l’exécutif estime que «la capacité de discernement des citoyens ne suffit plus»

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Lentement mais sûrement, le dispositif législatif relatif à la lutte contre les fausses informations, ou fake news, poursuit son petit bonhomme de chemin dans le circuit de la création législative. Ce 22 mai 2018, la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, était auditionnée par la commission des Affaires culturelles de l'Assemblée nationale.

Alors que la loi devrait être examinée en séance le 30 mai prochain, plusieurs députés ont fait part de leurs réserves, à l'instar du Conseil d'Etat. Aussi, le talon d'Achille de cette loi de censure de l'information jugée fausse, avec pour cible internet et les réseaux sociaux, réside-t-il toujours dans l'établissement de la preuve de l'intentionnalité de nuire. Comment distinguer entre une information erronée, mais publiée de bonne foi, et une information «de faussaire», pour reprendre l'idée du «fake» qui signifie tout à la fois «faux» et «fabriqué».

L'intention de nuire devrait pourtant être l'élément caractéristique de l'infraction

Lors de la séance de question réponses, la députée Brigitte Kuster (Les Républicains - LR) a interpellé la ministre. «Le conseil d'Etat souligne qu'en elle-même, la notion de fausse information [telle que définie dans le projet de loi] ne révèle aucune intentionnalité», a-t-elle souligné. Et Brigitte Kuster de rappeler : «L'intention de nuire devrait pourtant être l'élément caractéristique de l'infraction, ce qui n'est pas le cas dans la proposition de loi.» Outre ce flou juridique laissant une large part à la subjectivité et à l'interprétation mais aussi à une instrumentalisation politique visant à disqualifier un discours importun, la députée a également souligné la faiblesse, à ses yeux, de la procédure de référé permettant à l'autorité judiciaire de statuer sur la nature même – vraie ou fausse – d'une information.

Ecueils techniques et juridiques, flou de la notion de «fake news»

«Good luck !», a pour sa part lancé ironiquement le député socialiste Hervé Salignac, pointant du doigt les écueils techniques de la future loi. «Je suis persuadé que si on devait confronter les bonnes intentions de ce texte à la réalité et aux compétences techniques des spécialistes de la fausse information, ils démonteraient ligne après ligne cette proposition de loi», a-t-il objecté.

Ex-ministre des Outre-mer et députée socialiste, George Pau-Langevin s'est quant à elle interrogée sur l'absence d'évaluation du dispositif législatif déjà existant. De fait, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse permet déjà de réprimer les propos diffamatoires ou erronés. Autre exemple, le code électoral propose un cadre censé garantir la bonne tenue d'une élection en luttant notamment contre la diffusion de fausses nouvelles.

«Les chaînes d’information pilotées par des Etats étrangers» dans le viseur

Dans sa présentation du projet de loi, Françoise Nyssen s'est contentée de dérouler les arguments de l'exécutif en matière de censure de l'information qu'il juge fausse. «La capacité de discernement des citoyens ne suffit plus», a-t-elle argumenté devant la commission. Et d'ajouter, rendant hommage aux initiatives de contrôle développés par des organes de presse tels que le Décodex du quotidien Le Monde ou le Check News de Libération : «Il faut former les citoyens.»

«Nous ne pouvons pas laisser des entreprises faire de l’argent sur le dos des démocraties», a-t-elle martelé, faisant apparemment référence aux réseaux sociaux. Mais les géants du net ne sont pas les seuls dans le collimateur.

Sans désigner (comme l'avait fait Emmanuel Macron en mai 2017) nommément les groupes médias publics russes RT et Sputnik, la ministre a ainsi également mentionné «les chaînes d’information pilotées par des Etats étrangers».

Loi anti-#FakeNews :
Françoise Nyssen dénonce «les chaînes d’information pilotées par des Etats étrangers» ... Et évoque le prochain voyage de #Macron en #Russiepic.twitter.com/lqfps3i1Td

— RT France (@RTenfrancais) 22 mai 2018

Se faisant plus claire, Françoise Nyssen a rappelé qu'Emmanuel Macron comptait évoquer le sujet lors de son prochain voyage à Moscou, à l'occasion du Forum économique international de Saint-Pétersbourg qui aura lieu du 24 au 26 mai 2018. Pour désigner la Russie sans la nommer, Françoise Nyssen a pu compter sur l'aide du député de La République en marche (LREM) Pieyre-Alexandre Anglade. «La dissémination de fausses informations ne se fait pas au hasard [...] Elle répond souvent à une véritable stratégie politique, financée parfois par des Etats tiers à la frontière orientale de l'Union européenne, visant à diviser nos sociétés [et] à affaiblir le projet européen», a-t-il fait valoir devant la commission parlementaire ce même jour.

En vue des élections européennes de 2019, sur fond de crise et de contestation contre les élites dans des pays comme l'Italie, l'exécutif voudrait-il contrôler l'offre d'information dont disposent les électeurs ? Reste à savoir comment le tri sera fait, et par qui.

Lire aussi : Mai 2017 - mai 2018 : les relations difficiles d'Emmanuel Macron avec la presse  

 

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4 commentaires

  1. Posté par aldo le

    Fakes news, c’est tout ce qui n’est pas dans le sens de la dictature médiatique bousculée par les près de 30% soutenant NO-BILLAG, par exemple. Mais dans les 70% restant il y avait au moins 30% qui pouvaient intellectuellement encore s’interroger pour enfin reconnaître que l’existence d’une dictature médiatique n’était pas une fake news. Les millions sortis de nos poches pour soutenir un pseudo péril démocratique étaient bien réels, mais le péril démocratique était déjà une très sérieuse fake news.

    Donc ils suffit de brasser du fric pour qu’une fake-news évidente avec le minimum d’interrogation passe au statut de vérité transcendantale. Quant aux 30% restants ils sont composés d’indécrotables fanatiques crypto-communistes et bonnes consciences d’idiots utiles qui forment un duo incompressible d’esclavagistes et de leurs esclaves qui ont peur de quitter leur condition pour des rivages inconnus qu’ils ne peuvent même pas imaginer.

  2. Posté par leu fro le

    Chaque jour on s’approche du comportement de la classe politique avant la 2ème guerre mondiale. Avec d’autres acteurs et victimes.

  3. Posté par Vautrin le

    Ah ben qu’il se rassure, « l’exécutif » des exécuteurs de la Liberté : nous avons assez de discernement pour savoir que ce gouvernement, issu d’un coup d’État judiciaro-médiatique, n’a aucune légitimité est n’est qu’un ramassis de truands à la solde des grands monopoles transnationaux.

  4. Posté par Léo C le

    La Stasi se met doucement en place.

    Vérité de gauche = information de terrain authentique
    Vérité de droite = fake news

Et vous, qu'en pensez vous ?

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