Edwy Plenel, l’âge d’or de la pensée unique

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Par Frédéric Mas.

Cet article a été publié une première fois en décembre 2017

La gauche en France n’en finit pas de se déchirer. Récemment, sur fond de commémoration des attentats de Charlie Hebdo, Edwy Plenel a concentré sur lui les critiques pour son attitude jugée trop complaisante à l’endroit de l’islamologue préféré des Frères musulmans, Tariq Ramadan.

La réaction du directeur de Mediapart, plutôt que de répondre à cette attaque précise, fut d’accuser à demi-mot Charlie de participer à une campagne plus large de « diabolisation » des musulmans, avant de faire en partie machine arrière face au tollé provoqué par cette extrapolation surréaliste (Le Monde, Polémique entre « Mediapart » et « Charlie Hebdo » : Edwy Plenel reconnaît avoir « surréagi » ; 1/12/2017).

La stratégie argumentative utilisée par Edwy Plenel n’est pourtant pas neuve, et signe une carrière éditoriale qui ne peut être totalement distinguée de la période faste de la pensée unique dans le paysage médiatique français, période qui a sans doute culminé au milieu des années 1990 avec le journal Le Monde en majesté.

Avant Mediapart

Avant Internet et avant Mediapart, Edwy Plenel a sans doute été l’un des éditorialistes les plus influents de la presse française. Sa carrière commence à l’extrême gauche, avant d’atterrir à l’extrême centre, du moins en théorie.

Très influencé par un père anticolonialiste, il s’engage en 1976 au sein de la Ligue communiste révolutionnaire. Il écrira dans Rouge avant de rejoindre Le Matin de Paris, puis Le Monde en 1980, qu’il ne quittera qu’en 2005.

Il ne reniera rien de cette expérience politique. Au contraire, il revendiquera son trotskisme culturel des années après avoir quitté la secte extrémiste. C’est en 1996 qu’il prend son envol, en devenant, après l’élection de Jean-Marie Colombani à la tête du journal Le Monde, directeur de publication.

Le Monde au centre du cercle de la raison

Avec Jean-Marie Colombani et Alain Minc, Edwy Plenel dynamise les ventes du journal parisien, dont les tirages en viennent à dépasser ceux du Figaro. Le Monde durant cette période donne le ton à toute la presse française.

C’est le « journal de référence » qui donne la seule sélection « objective » des informations, que ses concurrents tendront à reproduire plus ou moins servilement pour rester crédibles. Cette transformation du champ médiatique en chambre d’écho portera un nom donné par ses détracteurs : la pensée unique.

La prétention du Monde à être la seule parole acceptable au sein du débat public français trouvait principalement son origine dans la coterie de journalistes et de décideurs qui entourait l’équipe dirigeante, marquée par le rocardisme et le social-libéralisme de la fondation Saint Simon.

Le gauchisme culturel de Plenel marchait donc main dans la main avec le keynésianisme le plus mollasson, tout en refusant à ses adversaires toute légitimité, de peur de rompre cet équilibre qu’un jour Alain Minc a désigné sous le terme ronflant de « cercle de la raison ».

La contestation de la pensée unique

Dans cet écosystème journalistique particulier, Plenel se fit remarquer pour les mêmes raisons qu’à l’occasion de sa polémique avec Charlie Hebdo. Son biais partisan gauchiste, sa vision complotiste du monde et les campagnes contre ses adversaires ont alimenté les pages très critiques du livre de Pierre Péan et Philippe Cohen, La face cachée du Monde, sorti en 2003.

Pour les deux auteurs, Le Monde période Minc-Colombani-Plenel aurait été transformé en véritable pouvoir de lobbying et d’intimidation, jouant de son influence pour pousser ou discréditer intellectuels, politiques et entrepreneurs qui ne pensaient pas dans la ligne du parti.

La sortie du livre de Péan et Cohen affaiblit la position de Plenel au sein de la rédaction, qui accusait déjà le coup de la chute des ventes du journal à partir de 2003. Il finit par quitter le navire en 2005.

Aujourd’hui, l’âge d’or de l’information

Ce rappel de la vie médiatique d’Edwy Plenel avant Mediapart est donc aussi celui de l’influence démesurée d’un journal, devenu par le talent certain de ses rédacteurs et de ses financeurs, mais aussi par l’intrigue, le média français dominant des années 1990. Une fois arrivé au sommet, le contre-pouvoir médiatique s’est transformé en un pouvoir dominant à la fois partisan et cherchant à régenter la vie publique du pays.

Et c’est l’arrivée d’internet qui a changé la donne, en réinjectant de la concurrence dans un paysage médiatique français en voie de fossilisation. De nouveaux médias sont arrivés sur le marché, le coût de l’information a chuté.

La fin d’un cycle

La multiplication de l’offre permet aujourd’hui de confronter et de croiser les sources beaucoup plus facilement qu’il y a 15 ans, et le phénomène de concentration de pouvoir médiatique est devenu beaucoup plus difficile à soutenir.

Plus encore, Internet a clos un cycle, celui qui faisait des éditocrates comme Edwy Plenel des médiateurs indispensables du débat public français.

 

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Un commentaire

  1. Posté par conrad.hausmann le

    Mais c’est ce Totor qu’à choisit Mr le Président Macaron pour se « mesurer » à lui !Ainsi les 2 peuvent jouer aux idiots utiles et béneficier d’une com-pub. maximale!

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