États-Unis : raids policiers contre le travail illégal

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Correspondant permanent aux Etats-Unis. – Après avoir riposté à la menace d’invasion par le tiers-monde en surveillant des frontières poreuses, en proposant d’interdire le regroupement familial, de supprimer les visas fantaisistes et de réduire le nombre de réfugiés, le gouvernement américain s’attaque maintenant à un autre aspect du fléau : le travail clandestin.

L’autre semaine – et pour la première fois – les agents de l’Immigration and Customs Enforcement (ICE), chargés de faire appliquer les lois et décrets contre les sans-papiers, ont organisé, en Californie et en Caroline du Nord, deux raids simultanés visant une dizaine d’épiceries de quartier populaires aux Etats-Unis, les 7-Eleven. Des petites boutiques bien implantées, ouvertes comme leur nom l’indique de 7 heures du matin à 11 heures du soir (eleven signifie onze) et où l’on trouve de tout, des brosses à dents aux gallons de lait en passant par du bois de chauffage et des saucisses-frites. C’est cher mais pratique. Du dépannage au double sens du terme : pour le client étourdi et pour l’illégal sans le sou.

Car ces 7-Eleven sont des nids de clandestinité. Inutile de savoir l’anglais, de posséder un domicile fixe ou même d’avoir une carte d’identité de son pays d’origine, pour transporter des bouteilles de gaz ou des bonbonnes d’eau. Il suffit d’avoir faim, d’être robuste et d’accepter une petite poignée de dollars pour chaque heure de travail. Personne ne pose de questions indiscrètes – surtout pas le patron – car tout le monde sait que 80 % des employés de la boutique devraient être soit en prison, soit dans un charter pour déportés.

C’est ainsi que les 7- Eleven sont devenus, au fil des décennies, une véritable fable dans ce pays – une sorte de kaléidoscope mondial de l’immigration illégale. On y rencontre toutes les races, toutes les langues, tous les âges. Les taxis de New York sont pilotés par une soixantaine de nationalités différentes. Les 7-Eleven doivent atteindre cette sorte de record. Les plus malins parmi les intrus, ceux qui savent compter et quatre mots d’anglais, abordent le client et tiennent la caisse. C’est une espèce de consécration, en attendant d’obtenir la fameuse carte verte – droit de résider et permis de travail.

Des patrons complices

En Californie et en Caroline du Nord, les agents de l’ICE n’ont pas fait de détail. Au petit matin, ils ont jeté leurs filets. Bilan : une centaine de Latinos et une dizaine de petits patrons. Tous complices, bien sûr. Coup double : on coffre ceux qui constituent une menace permanente pour les emplois que recherchent justement les couches les plus défavorisées des minorités, ayant elles la nationalité américaine. Et l’on pousse vers les tribunaux, pour des milliers de dollars d’amendes, ceux qui ont cru habile d’embaucher pour un jour, un mois ou un an, à bas prix, les soutiers de la besogne ingrate.

Mais pourquoi en Californie et en Caroline du Nord ? Ce sont deux Etats emblématiques de ce genre de problème. Et pourquoi maintenant ? Il fallait créer un choc psychologique, une sorte de panique tout le long de la chaîne des illégaux, bien faire comprendre à ceux qui sont passés sous des barbelés que d’autres épreuves les attendent, que la fin du voyage peut se situer dans une arrière-boutique ou en cueillant des fraises.

La loi… du marché

Car on atteint les véritables dimensions du travail clandestin non pas en restant dans le commerce de détail mais en faisant irruption dans les grands espaces, les immenses domaines où l’observateur oublie trop souvent que les machines s’avèrent incapables d’assumer tout le travail. Il y faut les mains de l’homme. Et il en faut des milliers, parfois des dizaines de milliers. Des mains d’illégaux. Ils sont là, par wagons. Il suffit d’ouvrir les portes de vignobles, d’orangeraies, de champs de cerises ou de myrtilles. Paradoxe : la cueillette est sans doute la plus spectaculaire des activités agricoles lorsque l’on voit ces bataillons de dos courbés, mais, en même temps, elle recèle dans ses faits et gestes 90 % de clandestinité, d’injures faites à la loi, d’insultes proférées à la barbe de tous les donneurs de leçons. Ces cueilleurs génèrent des milliards de dollars. Et pourtant, ils n’existent pas.

Plus précisément : ils ne doivent pas exister. C’est l’impasse dans laquelle bute Trump depuis qu’il est entré à la Maison-Blanche, depuis qu’il s’est attelé au dossier de l’immigration. Pourtant, le défi qu’il doit relever paraît simple : comment étendre à tous les recoins de l’illégalité les foudres de la loi tout en maintenant celle du marché, qui exige des mécanismes parfaitement cohérents afin que des services puissent être échangés contre de l’argent ? En d’autres termes, comment combattre l’illégalité tout en fermant les yeux sur l’embauche d’illégaux ? Aucune réponse sérieuse n’a été fournie jusqu’ici : ni par le Congrès, ni par les administrations de Bill Clinton, George Bush ou Barack Obama. « Il faudrait un arsenal législatif très adapté aux circonstances », explique Doris Meissner, ancienne de l’ICE. « Une sorte de visa temporaire qui durerait pour les récoltes seulement. Sinon, la situation actuelle risque de s’éterniser. Lorsque les principes de la légalité et les lois du marché entrent en concurrence, c’est toujours le marché qui gagne. »

Photo : L’heure du jugement a sonné pour les boutiques 7-Eleven.

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