« Des entrepreneurs responsables plutôt que des contraintes légales », Communiqué CPV, 15.11.2017

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Service d’information du Centre Patronal
Publication hebdomadaire – Rédacteur responsable: P.-G. Bieri, Centre Patronal
15 novembre 2017 (N° 3164)

Des entrepreneurs responsables plutôt que des contraintes légales

L’initiative populaire «Entreprises responsables – pour protéger l’être humain et l’environnement» exige que les entreprises suisses vérifient le respect des droits de l’homme et des standards environnementaux auprès de leurs fournisseurs. Cette contrainte pénaliserait les entreprises suisses en leur imposant des devoirs de diligence et des règles de responsabilité particulières. Les entreprises doivent certes adopter des comportements responsables, mais il n’appartient pas à l’Etat de les imposer.

Devoirs de diligence et responsabilité quasiment illimitée
Selon les termes de l’initiative, toutes les entreprises ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur établissement principal en Suisse seraient tenues à un devoir de diligence envers tous leurs fournisseurs. Cette obligation ne concernerait pas que les sociétés internationales, mais s’appliquerait à toutes les entreprises suisses, y compris les PME, qui devraient ainsi examiner les conséquences de leurs activités sur les droits de l’homme et sur la protection de l’environnement, puis établir des rapports pour rendre compte des mesures prises. Un commerce suisse de vêtements, par exemple, devrait vérifier que ses fournisseurs étrangers et leurs sous-traitants n’enfreignent en aucune manière les droits de l’homme ou les standards environnementaux.
En outre, les entreprises suisses seraient responsables des éventuels dommages causés par les entreprises étrangères qu’elles contrôlent économiquement, même en l’absence de lien opérationnel. Cette responsabilité pour des actes commis par d’autres ne pourrait être levée que si l’entreprise suisse prouve qu’elle a fait preuve de toute la diligence nécessaire ou que cette diligence n’aurait de toute manière pas pu empêcher le dommage.
Ces exigences vont bien au-delà du but déclaré de l’initiative. Le Conseil fédéral en est conscient et, dans le Message qu’il a récemment transmis au Parlement, il recommande le rejet de cette initiative.
Des conséquences graves pour les entreprises et pour l’ordre juridique
L’initiative pénaliserait considérablement les entreprises suisses par rapport à leurs concurrentes étrangères. Le contrôle des relations commerciales au niveau mondial et les devoirs de diligence y relatifs représenteraient une charge administrative énorme même pour des grandes entreprises. Les PME pourraient rapidement être débordées.
La responsabilité pour des actes commis par des tiers va indubitablement trop loin. Les règles proposées par l’initiative apparaissent excessivement sévères en comparaison internationale; aucune législation étrangère ni aucun standard international ne prévoit un principe de responsabilité aussi rigoureux. De plus, les tribunaux suisses seraient appelés à se prononcer sur des faits survenus à l’étranger, sans disposer des compétences nécessaires pour pouvoir réunir des moyens de preuve à l’étranger.
D’un point de vue économique, les charges administratives supplémentaires qui découleraient de l’initiative impliqueraient une perte de compétitivité pour les entreprises suisses, dans un contexte croissant d’incertitudes politiques et juridiques. Déjà aujourd’hui, on constate une diminution du nombre d’entreprises qui viennent s’établir en Suisse. Les entraves supplémentaires qui résulteraient de l’initiative rendraient la place économique helvétique encore moins attractive. Quant aux entreprises suisses, elles pourraient être tentées de déplacer leur siège à l’étranger – avec les emplois correspondants – afin de contourner les responsabilités qui leur seraient imposées.
Les entreprises assument leurs responsabilités
Sur le fond, l’initiative poursuit un but louable. Personne ne s’oppose au respect des droits de l’homme ni à la protection de l’environnement. Mais les contraintes légales constituent un moyen inapproprié pour motiver les entreprises à un engagement social. Les entreprises suisses sont aujourd’hui réputées pour leur responsabilité sociale et environnementale. Les détaillants helvétiques Coop et Migros, par exemple, apparaissent régulièrement au palmarès mondial des commerces les plus respectueux du développement durable.
Le Conseil fédéral, dans son Message, recommande de renforcer l’engagement volontaire de l’économie suisse. Il renvoie, dans ce contexte, aux principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits humains, à la version actualisée des principes directeurs de l’OCDE pour les entreprises multinationales, ainsi qu’aux stratégies qui en ont résulté sur le plan suisse. Parmi ces dernières figurent en particulier le «Plan d’action national pour les entreprises et les droits de l’homme» et le document «Responsabilité sociétale des entreprises: position et plan d’action du Conseil fédéral».
Telle qu’elle est rédigée, l’initiative «Entreprises responsables» est impraticable; elle ne constitue pas un moyen adéquat pour promouvoir les droits de l’homme et la protection de l’environnement. On espère que les Chambres fédérales, qui vont maintenant se pencher sur ce texte, aboutiront à la même conclusion et recommanderont son rejet.
Thomas Schaumberg
Traduction: Pierre-Gabriel Bieri

 

 

 

 

Un commentaire

  1. Posté par S. Dumont le

    Nous voilà dans le monde ultra-néo-libéral et il est bien là le problème!!
    En effet, il n’est tenu compte que les échanges commerciaux et peu importe les droits humains, l’écologie, la paix, la fraude fiscale et la corruption.
    Cette initiative ne vise ni Coop ni Migros, mais plutôt les multinationales du secteur des matières premières, bien implanté en Suisse et décrié depuis de très nombreuses années pour leurs dégâts sociaux et environnementaux qu’il génère.
    Ses scandales sont liés à l’extraction des matières premières comme l’or, le pétrole et concernent également des usines de textile, etc… Ces divers scandales éclaboussent régulièrement la Suisse comme par exemple l’inculpation de Gunvor, négociant genevois en pétrole, pour corruption au Congo-Brazzaville.
    En plus, ces firmes bénéficient de régimes fiscaux spéciaux, certaines sont même dans les Paradise Papers.
    Par la suite, pour atténuer la mauvaise conscience des politiques, nos impôts contribuent à l’aide au développement sur place.
    C’est vraiment le monde à l’envers!!!
    Cette initiative est portée par la gauche et a toutes les chances d’être acceptée!!

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