«Un attentat est très probable, c’est une question de "quand" et non de "si".» Nous sommes en juillet 2016. Quelques jours après la terrible attaque de Nice, Bernard Hogan-Howe, chef de Scotland Yard, explique que le Royaume-Uni est plus que jamais sous la menace d’un attentat.
C’est toujours la même rengaine. Un même schéma morbide qui se répète. Malgré une volée de mesures et un renforcement des protocoles de sécurité, le 22 mars, une attaque qualifiée de terroriste par les autorités a fait plusieurs victimes devant le parlement de Westminster à Londres. Comme en France, en Belgique, en Allemagne, les niveaux d’alertes élevés, les militaires dans les rues, les outils supplémentaires du renseignement et autres moyens de défense n’ont pu empêcher l’attaque.
Recrutements d’espions et déploiement de policiers
En août 2014, le Royaume-Uni décidait de fixer le niveau d’alerte terroriste à «grave», le quatrième sur une échelle de 5. A la suite des attentats de novembre 2015 en France, la police avait annoncé le déploiement de 600 policiers armés supplémentaires à Londres, portant leur nombre à 2 800. Ce qui n’avait pas évité, le 6 décembre 2015, au métro de la capitale d’être le théâtre d’une attaque. Un homme avait tranché la gorge d’un passager en s’exclamant «C’est pour la Syrie !».
Environ un an plus tard, en septembre 2016, c’est au tour du MI6, les services secrets britanniques, d’augmenter sensiblement leurs effectifs. Le 22 septembre, le Times rapportait que l’agence de renseignement allait recruter 1 000 espions supplémentaires afin de combattre le terrorisme et investir davantage dans les outils numériques. Cet campagne de recrutement d’espions devrait porter le nombre total des employés du MI6 à 3 500 d’ici 2020.
La structure ultra organisée de planification d'attaques extérieures de Daech élabore des complots pour commettre des actes violents contre le Royaume-Uni
Deux mois plus tard, son chef, Alex Young, mettait en garde contre un «niveau de menace sans précédent» affirmant que le renseignement britannique et les services de sécurités avaient «déjoué 12 complots terroristes au Royaume-Uni depuis juin 2013». D’après lui, l’engagement de son pays en Syrie ferait du Royaume une cible privilégiée des terroristes : «Nous ne pourrons pas être à l'abri de la menace qui provient de ce territoire tant que la guerre civile perdurera.» «Au moment où je parle, a-t-il ajouté, la structure ultra organisée de planification d'attaques extérieures de Daech, alors même qu'ils font face à une menace militaire, élabore des complots pour commettre des actes violents contre le Royaume-Uni et nos alliés sans même avoir besoin de quitter la Syrie», avait-il expliqué.
Londres, tout comme Paris et Washington, a pris le parti des «rebelles» syriens peu après le début du conflit en 2011 et n’a plus changé de cap diplomatique. En plus de participer à la coalition internationale agissant en Irak et en Syrie sous la houlette des Etats-Unis, le Royaume-Uni a fourni armes et entraînement à l’opposition à Bachar el-Assad. Le 15 décembre 2016, quelques jours après les déclaration d’Alex Young, Michael Fallon, le ministre britannique de la Défense, annonçait l’envoi de vingt soldats supplémentaires de Sa Majesté en Irak. Ces instructeurs militaires viennent s'ajouter aux 500 soldats britanniques déjà stationnés près de la ville kurde d'Erbil. L'objectif ? Transmettre des compétences militaires et des techniques de combat à des rebelles syriens dits «modérés» et prétendument opposés à l'organisation terroriste Etat islamique.
Loi de surveillance
Entre temps, le 19 novembre 2016, le Parlement britannique adoptait une loi donnant des pouvoirs de surveillance très étendus à la police et aux services de renseignement. Qualifiée de «loi de surveillance la plus extrême dans l'histoire des démocraties occidentales» par le lanceur d’alertes Edward Snowden, elle donne notamment une base légale au piratage des ordinateurs ou des téléphones portables, tout en fixant quelques garde-fous, comme l'obligation d'obtenir le feu vert d'un juge pour placer une ligne téléphonique sur écoute.
Ayant déclenché outre-Manche une polémique semblable à celle de la loi renseignement en France, le texte a été qualifié de «loi des fouineurs» par ses critiques. «Le vote de cette loi des fouineurs est un triste jour pour la liberté en Grande-Bretagne», a dénoncé Bella Sankey, directrice de l'association de défense des droits civiques Liberty. Avant de poursuivre : «Sous le prétexte de lutter contre le terrorisme, l'Etat a mis au point des pouvoirs de surveillance dignes d'un régime totalitaire, le système le plus intrusif jamais vu dans une démocratie.»
Les ambitions de Daesh sont clairement de lancer des attaques touchant un nombre massif d'individus
Et l’année 2017 commençait comme avait fini la précédente : dans un contexte de menace terroriste accrue. Dans une interview publiée le 1er janvier par le Sunday Times, Ben Wallace, ministre de la Sécurité britannique, prévenait que «les ambitions de l'Etat islamique, ou Daesh, sont clairement de lancer des attaques touchant un nombre massif d'individus». D’après son analyse, le groupe terroriste souhaite «faire mal et terroriser autant de personnes que possible». Il se montrait particulièrement inquiet d’une éventuelle attaque à l’arme chimique. Pour illustrer ses propos, le haut responsable avait rappelé que le démantèlement d'une cellule de l'Etat islamique au Maroc avait révélé des projets de ce type-là, ciblant l'Europe.
La décision prise en janvier 2017 par le club de football de Manchester United est un bon exemple de l’atmosphère de peur qui règne au sein du Royaume. Les médias britanniques rapportaient le 18 janvier que les Diables rouges avait annoncé sur un forum officiel de discussion avec des supporteurs avoir recruté un spécialiste chargé de lutter contre les risques terroristes.
La dernière née des mesures visant à prémunir le Royaume-Uni d’une attaque a été annoncée le 21 mars. Alors que les Etats-Unis venaient de faire part de leur intention d'interdire les ordinateurs portables et tablettes en cabine de certains avions en provenance du Moyen-Orient, invoquant un risque d'attentats, Londres a vite emboîté le pas.
Le Premier ministre Theresa May a présidé plusieurs réunions lors desquelles il a été décidé «d'introduire de nouvelles mesures de sécurité aériennes sur tous les vols directs à destination du Royaume-Uni pour les pays suivants : Turquie, Liban, Jordanie, Egypte, Tunisie et Arabie saoudite», a détaillé le porte-parole du gouvernement dans un communiqué. Les Etats-Unis comme les Britanniques ont justifié cette décision en affirmant que les terroristes seraient capables de piéger avec des explosifs les batteries de tels appareils.
Des lacunes ?
Si le Royaume-Uni a indiscutablement pris au sérieux la menace terroriste, reste que certains points soulèvent des interrogations. Le 16 décembre 2016, on apprenait par de nouvelles données publiées par le ministère de l’intérieur britannique que la majorité des arrestations au Royaume-Uni pour des faits de terrorisme n'entraînent aucune condamnation. Sur les 3 349 suspects arrêtés en Angleterre et au Pays de Galles en vertu de la loi antiterroriste en vigueur au Royaume-Uni entre le 11 septembre 2001 et la publication des données, seuls 18% ont été réellement condamnés pour avoir planifié ou facilité des actes de violence à caractère terroriste.
Si, à l’instar de l’utilisation du Patriot act aux Etats-Unis, des abus ont pu être constatés, reste que pour plus de 10% des individus arrêtés, ils ont bien été condamnés pour des faits de terrorisme. Pourtant, ils n’ont pas été inculpés sur la base précise de ces accusations, mais sur d’autres chefs d'inculpation.
Il est extrêmement inquiétant d'observer une telle différence entre ceux qui ont été arrêtés et ceux qui par la suite ont été vraiment condamnés pour terrorisme
Le porte-parole du ministère de l’Intérieur Lord Paddick s’est inquiété de ce constat. Le 16 décembre 2016, il a déclaré au Guardian que la police devait «rendre des comptes à propos de ces chiffres [car] il est extrêmement inquiétant d'observer une telle différence entre ceux qui ont été arrêtés et ceux qui par la suite ont été vraiment condamnés pour terrorisme».
Des critères de sélection particulièrement drastiques pour se voir condamné pour terrorisme au Royaume-Uni pourraient être à l’origine de ces chiffres surprenants. «Personne n'est arrêté sans motifs suffisants, mais la barre légale pour les infractions est à juste titre très élevée, ce qui signifie qu’effectivement beaucoup ne vont finalement pas être accusés ou condamnés», expliquait le porte-parole.
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L'ancien membre des forces antiterroristes de la police du Royaume-Uni David Videcette, a quant à lui indiqué au Guardian que ce faible taux de condamnation pourrait être lié au fait que certains renseignements utilisés pour arrêter les délinquants ne peuvent être utilisés dans un tribunal public car ils proviennent... d'opérations secrètes.
L’utilisation particulière qui a été faite du réseau de vidéosurveillance du Royaume-Uni, l’un des plus importants du globe, interroge également. Le 26 décembre 2016, une étude à grande échelle révélait que plusieurs mairies ont été autorisées à utiliser les systèmes de vidéosurveillance dans le but de réprimer des infractions parfois très mineures.
Au total, ce sont l'équivalent de 55 000 jours de vidéo qui ont été exploitées par les municipalités au cours de ces cinq dernières années. Individus promenant leurs chiens et ne les empêchant pas de faire leurs besoins sur le trottoir, nourrissant les pigeons, vendant des feux d'artifice à des enfants ou déposant leurs ordures dans des lieux inappropriés, la liste des infractions relevées grâce aux caméras est assez loin du terrorisme islamiste.
«Quelle absurdité que les autorités locales utilisent des moyens initialement dévolus à la lutte contre le terrorisme pour des faits aussi dérisoires que des aboiements de chien ou de la vente de places de théâtre à la sauvette», s'était indigné l'un des porte-parole du parti libéral-démocrate, Brian Paddick. Depuis, la loi régissant l’exploitation de la vidéosurveillance a été amendée et est réservée aux enquêtes criminelles.
Au début de l’année 2017, les chiffres officiels estimaient le nombre de ressortissants britanniques partis rejoindre les rangs de Daesh à 800. «Notre grande crainte est que si Mossoul [en Irak] et d'autres bases de Daesh tombent, un nombre important de Britanniques combattant pour Daesh [...] voudront certainement rentrer chez eux», prévenait Ben Wallace le 1er janvier. Le 12 février, Michael Fallon, son homologue à la Défense, indiquait que l’Irak devrait être débarrassé du groupe Etat islamique en 2017.
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Les londoniens ont élu un maire musulman non?