Allemagne. Rüdiger Safranski critique la démonisation de l'islamophobie et la passivité d'Angela Merkel.
L'écrivain et philosophe Rüdiger Safranski, universellement connu pour ses biographies de Schopenhauer, Goethe, Heidegger, Nietzsche et Schiller, critique le manque de réaction d'Angela Merkel face à l'arrogance du président turc Erdogan et lui reproche de manquer de respect vis-à-vis de la démocratie. Quand quelques millions de musulmans sont là, la culture islamique avec sa charia est aussi présente, même si tous les musulmans ne la veulent pas. Il est trop facile de diaboliser les craintes de la population, qui sont surtout d'ordre pratique, en les qualifiant d'"islamophobie" et de "haine de l'étranger". Les peurs de la population allemande face à une trop forte immigration n'ont finalement que très peu à voir avec l'identité, mais sont liées au fait que les gens savent compter. L'Etat social est basé sur un système de répartition. Il n'est pas compatible, de même que l'Etat de droit, avec une immigration incontrôlée.
Traduction (Claude Haenggli) : On ne peut pas nier que depuis 2014 entre deux et trois millions de personnes, la plupart très peu quaifiées ou pas du tout, et dont une minorité est constituée de vrais réfugiés, sont arrivées en Allemagne. Beaucoup de gens se sont habitués à être gâtés. Ils croient que l'argent de l'Etat-providence vient de la prise de courant électrique. Mais le système social n'est alimenté que par ceux qui travaillent et certains ne se rendent même pas compte qu'il a ses limites. De même, ceux qui se vantent de vouloir vaincre le nationalisme et supprimer les frontières ne voient pas que l'Etat-providence n'est pas possible sans l'existence des nations. L'Europe doit être en mesure de se protéger elle-même et il est faux de laisser ce soin à un pays comme la Turquie, qui se dirige vers un système tyrannique. C'est peut-être la principale des tâches, à côté d'une autre : intégrer ceux des immigrants qui ont une perspective de rester. L'Europe, telle que nous la connaissons, n'existera peut-être bientôt plus. Il est toutefois aussi possible qu'elle fasse preuve de solidarité et qu'elle se prenne en main en se consacrant à la résolution des problèmes vraiment importants, comme la protection des frontières, la sécurité intérieure et le capacité de se défendre contre les menaces extérieures. Ce serait alors la fin de la fureur de réglementation de la bureaucratie bruxelloise. En résumé : là où c'est important, nous avons trop peu d'Europe et dans d'autres domaines trop d'Europe et trop de radotage européiste.
Claude Haenggli, 21.3.2017
M. Safranski s’exprimait, en 2015 déjà, sur cette aberrante “Willkommenkultur” et ses désastreuses conséquences, ceci dans un long et consistant entretien accordé à la NZZ. Voici la référence : «Die Deutschen sind in der Pubertät», NZZ AM SONNTAG, von Martin Helg 8.11.2015, 01:00 Uhr
https://www.nzz.ch/nzzas/nzz-am-sonntag/ruediger-safranski-interview-die-deutschen-sind-in-der-pubertaet-ld.2940
Bravo, monsieur Safranski!
Soit dit en passant: belle biographie de Heidegger, que je ne peux que recommander.