« Crise de la presse « . Solution : le post-journalisme

Uli Windisch
Rédacteur en chef

« Crise de la presse ». Solution : le post-journalisme

Les expressions du genre « crise de la presse » sont si abondamment avancées, et bien sûr dans les médias eux-mêmes, qu’elles finissent par s’imposer à l’agenda politique en ces termes. Personne ne questionne cette appellation non contrôlée et les acteurs de l’establishment passent directement à la deuxième étape : comment remédier à ce grave danger pour la démocratie, le pluralisme, le débat politique, l’information quand ce n’est pas la « formation » d’une opinion publique bête et méchante, prête à céder aux sirènes du « populisme ».

Il est vrai que du point de vue de la situation en Suisse romande, cette dernière est en train de ressembler à une région sous-développée médiatiquement. Plus d’hebdomadaire politique (fin de l’Hebdo), des journaux qui proposent  en grande partie les mêmes contenus, tous alimentés par les mêmes agences de presse. Rien à voir avec l’authentique pluralisme médiatique  en Suisse alémanique, fortement diversifié et depuis quelques années fortement pluraliste, aussi politiquement, au point que les médias romands reprennent depuis peu des articles de la Weltwoche dans leur revue de presse, après avoir diabolisé cet hebdomadaire de grande qualité pendant des années, cela sans doute afin d’offrir un semblant de pluralisme et une audace journalistiques qu’ils sont incapables de produire eux-mêmes tant la bien-pensance est pesante et limite tout vrai pluralisme médiatique en Suisse romande.

En réalité, c’est de ce journalisme bien-pensant que les lecteurs ne veulent plus. C’est lui qui est en crise davantage que la presse elle-même. L’aveuglement de cette monoculture médiatique de gauche est telle qu’elle ne peut désigner la responsabilité de sa propre crise que chez les Autres ; c’est pas notre faute…

Le journal Le Temps vient de désigner quelques boucs émissaires et pense  avoir trouvé le plan de sauvetage en « dix idées » ! ( Le Temps, 7.3.2017 : Dix idées pour sauver la presse).

Je vais être bref et clair. C’est bien la bien-pensance généralisée qui est la cause principale de la « crise de la presse ». En Suisse romande , espace géographique et démographique restreint, tout le monde prend cette dernière situation comme excuse. Or, un hebdomadaire ou un quotidien supra-cantonal pourrait très bien être rentable économiquement, si on rassemblait une série de journalistes autres que bien-pensants, soit des journalistes non soumis au Parti des médias qui fatiguent tant et insupportent de plus en plus de citoyens lecteurs.

Ensuite, il faut cesser de ne raisonner qu’en termes de journalistes. Il existe nombre de personnalités possédant une large culture générale, historique, spécialisées dans des domaines multiples et importants qui intéressent vraiment les lecteurs citoyens.  Ces personnes réellement cultivées, n’ayant pas qu’un vernis idéologique insupportable en lieu et place de culture et quelques  « techniques d’écriture » apprises à la vite dans de pseudo écoles de journalistes dirigées parfois par des personnes n’ayant aucune vraie expérience en la matière et où oeuvrent en grand nombre les mêmes journalistes, simplement plus âgés.

Bien des non-journalistes savent très bien écrire, de manière attractive et passionnante,  et possèdent la langue de manière exemplaire. Est-ce un hasard si parmi les contributeurs d’un site comme le nôtre , Lesobservateurs.ch, il n’y a pour ainsi pas de journalistes ?

En cherchant et en regroupant ces deux types de personnes, car il y aussi des journalistes qui sont exemplaires ! je suis certain que l’on trouverait des financiers conscients de l’importance des médias  de qualité et de leur nécessaire pluralité, prêts à se lancer dans la création d’un nouveau média , cela toujours à la condition d’être assurés de ne pas devoir simplement reprendre et sauver des journalistes écartés, car incapables de comprendre les exigences d’un véritable pluralisme de qualité.

Certes l’opération n’est pas facile, puisque  même les autorités politiques restent engoncées dans le paradigme : crise de la presse, journalistes à sauver, enjeu démocratique et national vital, l’Etat indispensable, etc.

On ne peut simplement prendre les mêmes et recommencer comme si de rien n’était et que seul l’Etat était la solution pour renflouer financièrement un bateau qui coule.

Le post-journalisme : la solution à « la crise de la presse »

A part toutes les personnes très compétentes dans divers domaines et qui n’écrivent pas ou peu dans  les médias, il y a l’énorme réservoir de ceux qui écrivent sur les sites internet, également sur les sites de la réinformation, qui ont eux aussi de grandes compétences, sont très libres, en ce sens qu’ils ne doivent pas se demander à chaque fois, avant d’écrire, ce qu’ils peuvent dire ou non , s’ils sont suffisamment alignés sur la bien-pensance ambiante et autre politiquement correct.

Tout cela fait beaucoup de monde, suffisamment pour créer un hebdomadaire de qualité à l’opposé  du politiquement correct, et attendu par la masse des lecteurs qui quittent les médias et les journalistes formatés et soumis .

Afin de  convaincre les financiers potentiels qui hésitent, on pourrait leur rappeler que le projet que je propose existe déjà en de multiples versions et dans de nombreux  pays avec un succès qui dépassent toutes les attentes et qui rapportent bénéfices, prestige et reconnaissance.

Il est vrai que nombre de financiers potentiels ont encore en tête l’image de médias en difficultés remplis de journalistes bien-pensants incapables de se renouveler et qu’ils seraient obligés de reprendre. D’où la certitude de l’échec et le refus de s’y intéresser.

Qui est prêt à leur prouver le contraire, à leur montrer qu’il existe bien des rédacteurs compétents, cultivés, très motivés, libres, courageux, certains même patriotes, souverainistes et conservateurs, tout en étant ouverts et pluralistes ? Ces derniers n’attendent qu’un tel projet pour se lancer avec enthousiasme et s’engager totalement tant ils croient en un tel projet et en sa nécessité.

Pour eux  l’Etat n’est pas la solution à tout. Ils sont prêts à ne compter que sur eux-mêmes, à le montrer et à le prouver avec conviction et détermination.

Uli Windisch, 17 mars 2017

 

 

7 commentaires

  1. Posté par miranda le

    Un jour, des artistes aux Etats Unis en ont eu assez de la toute puissance des MAITRES DE HOLLYWOOD. Ils fondèrent leur compagnie « les artistes associés ».
    Eh bien, il est temps pour le monde journalistique muselé de créer une vraie grande chaîne de réinformation Européenne et une presse indépendante.
    Il suffit de se regrouper et d’oser « inverstir ».
    Suffisamment de journalistes sont connus pour leur intégrité et leur analyse et peuvent maintenant prendre « la clef des champs ». Il y a suffisamment de très bons journalistes aujourd’hui.
    .Il suffit d’oser et de savoir communiquer sur les raisons qui les mèneraient à leur indépendance.
    Le journal Marianne en France semble être un journal associatif. Est-il conscient de la vraie situation de l’Europe, j’en doute. Mais il essaie. Qui ne tente rien n’a rien.
    Les gens apprendront à être abonnés au lieu d’accepter que leurs journaux soient gâvés de publicités. Sinon, les industries ou autres qui voudront voir leur pub présentées sur ces chaînes ou journaux indépendants devront se soumettre à leur conditions.
    Les chaînes d’état payantes d’état qui « désinforment » devront disparaître. Car elles ont surtout le souci de « masquer, de moduler, de transformer l’information ».
    Le cas de la chaîne ARTE est intéressant à étudier, car elle arrive quand-même à aborder des sujets complètement « éliminés » sur les autres chaînes. Comment fait-elle?

  2. Posté par S. Dumont le

    C’est vrai, Monsieur Windisch, qu’il y a matière à réflexions au niveau de l’information.
    En effet, il m’arrive de lire les titres des journaux suisses, français et belges et j’ai remarqué que certains articles étaient identiques, ce que j’appelle pensée unique ou information unique à l’échelle européenne. Une grande partie des informations proviennent d’Euronews, média soutenu financièrement par l’Union européenne. La presse utilise ce média tout en détournant considérablement l’information de base et dans plusieurs cas, les journaux ont publié précipitamment des informations qui se sont révélées fausses par la suite.
    Pour l’information au niveau suisse et européenne, les articles sont biaisés voire même ignorés. Il m’arrive même parfois de ne pas reconnaître l’article par rapport à l’information originale.
    Mais il y a plus grave, j’ai lu, une partie du rapport 2016 du groupe d’États contre la corruption en Suisse et à la page 8, point 13, sous la rubrique Contexte, il est indiqué: – S’agissant de la perception des institutions les plus touchées par la corruption, les partis politiques sont en tête de liste (43% des personnes interrogées estimant qu’ils sont touchés ou très touchés par la corruption), suivis des médias, du secteur privé et du Parlement (25%) -.
    Voici le lien pour votre info:
    https://www.bj.admin.ch/bj/fr/home/sicherheit/kriminalitaet/korruption.html

  3. Posté par Claire le

    Etant Française, je ne suis pas très au courant des grands médias suisses mais, lorsque je me rends chez mes amis valaisans, je trouve la télé très proche de la pensée unique que nous déversent les médias de l’audio-visuel français, payés par notre redevance (A2, FR3, la 5, Arte, France Inter, France Info, France culture…)…ou pas (Le Monde, Libération, pour ne citer que les pires). Tous ces médias baignent dans la bien-pensance moralisatrice, mondialiste, européiste, islamo-gauchiste. Tous ont les mêmes cibles: Trump pour les USA, les candidats de droite pour la France (Fillon, M Le Pen), et les mêmes chouchous: Merkel, Trudeau et Macron, entre autres.
    Le problème est que ces médias ne se rendent pas compte que de plus en plus de gens ne leur font plus confiance puisqu’ils distribuent la même nourriture prédigérée, la même pensée unique, via la même novlangue. Pire, beaucoup de gens ne supportent plus leur arrogance moralisatrice, leur absolue certitude d’appartenir au camp du Bien, leur discours stéréotypé.
    Ces médias ne survivent que grâce aux subsides que leur verse un état complice.
    Les lecteurs et électeurs, pour leur part, font de plus en plus le choix d’une vraie information et d’analyses intelligentes, qu’ils trouvent dans les médias alternatifs sur internet, et certainement plus dans la grande presse.

  4. Posté par Oblabla le

    Je partage à 100% le fond de cet excellent papier d’Uli Windisch.
    Cependant je ne sais comment lutter contre ce qui se prépare. En effet, l’oligarchie en place dans les pays occidentaux: politiciens, haute fonction publique, médias complices, justice aux ordres et grands patrons est FOLLE DE RAGE face à la liberté dont dispose encore les medias dits alternatifs (blogosphère, sites internet de réinformation, télévisions libres sur Youtube, réseaux sociaux, etc.). Nous pouvons être assurés que depuis un an minimum, ils réfléchissent et mettent tous ensemble des moyens considérables pour contrôler, museler, censurer et au final interdire tous les medias alternatifs qui ne leur sont pas favorables. Ce qui se trame est terrifiant pour l’avenir de nos démocraties et pour la liberté.
    Je prends pour exemple le pire pays occidental dans ce domaine qui est l’Allemagne. On peut dire que la pensée unique a un pays, c’est l’Allemagne! Voilà ce qu’ils préparent, ça fait froid dans le dos: http://echelledejacob.blogspot.fr/2017/03/allemagne-5-millions-deuros-damende.html

  5. Posté par bigjames le

    Moi je m abonnerais volontiers à un hebdomadaire dans lequel je pourrais apprécier la plume d O. Freysinger, Y. Perrin, M. Bonnant,
    M. Valette, P. Cassens , R. Ménard, R. Koepel , etc….Et U. Windisch bien entendu !

  6. Posté par Pierre Steiner le

    A signaler que la Suisse alémanique possède aussi un journal offrant des articles non bien-pensants. Il s’agit de la Basler Zeitung. Ce cas est intéressant car il y a quelques années ce journal perdait de l’argent. Il a été repris en main par Markus Somm qui est à la fois éditeur et rédacteur en chef. Il a su s’entourer de journalistes de qualité. Depuis lors il ne perd plus d’argent et les articles concernant la politique suisse sont parmi les plus intéressants et les plus objectifs de la presse quotidienne suisse. Quand on veut on peut !

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