Koeppel . Editorial, Weltwoche 29.9.2016 : « Peut-être rien »

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Éditorial

Peut-être rien

Vérité et fiction sur le jour de la violation de la Constitution au Palais fédéral.

De Roger Köppel

La décision de la majorité du Conseil national à Berne de mercredi dernier de ne pas mettre en œuvre l'initiative contre l'immigration de masse, comme annoncé, se retournera contre ses auteurs. Reste que la loi telle qu'elle est n'aura aucun effet. L'immigration restera élevée, le chômage des étrangers augmentera, l'amertume progressera dans la population. Il ne sert à rien d'effectuer des votations si les politiques ne tiennent pas compte du résultat.

Ceux qui violent la Constitution à Berne, en premier lieu les libéraux, affirment vouloir sauver les accords bilatéraux avec l'UE. Le peuple n'aurait pas été conscient des risques encourus lors du vote.

Ce n'est pas vrai. Le Conseil fédéral précisait lui-même en caractères gras dans le condensé de son message qu'une acceptation de l'initiative «remettrait en question les relations bilatérales mises en place avec les pays qui sont nos partenaires en Europe» et «serait préjudiciable à l’économie suisse». Les opposants à l'autodétermination en matière de politique migratoire ont placardé dans toute la Suisse des affiches censées instiller la peur dans la population avec l'image d'un bûcheron qui abattrait le frêle arbre de la prospérité bilatérale si l'initiative contre l'immigration de masse passait.

Néanmoins, la majorité a voté oui. Le désir de contrôler «souverainement» l'immigration était plus fort que la nécessité de maintenir les Bilatérales I surestimées. On peut estimer objectivement fausses les priorités du souverain – ce qui n’est pas le cas – mais une majorité d'électeurs en a décidé ainsi le 9 février 2014. C'est ce qui compte.

Dire que l'UDC, qui a lancé l'initiative populaire, n'a jamais envisagé l'éventualité même peu probable d'une dénonciation des Bilatérales I est une autre contrevérité. L'ancien vice-président du parti, Christoph Blocher, avait confirmé dans une interview au Tages-Anzeiger dès le 28 mai 2011: «Nous aspirons à des renégociations – pas à une dénonciation. Mais s'il n'y a pas moyen de faire autrement, il faut l'envisager.» Il a ajouté que l'UE «ne se hasarderait pas à une dénonciation – en cas de bonnes négociations».

Le Conseil fédéral n'a jamais eu ni la volonté ni la capacité de mener «correctement» ces négociations dans l'intention de faire respecter l'initiative contre l'immigration de masse. La conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a définitivement déposé les armes dès février 2015 lorsqu'elle a esquissé en substance les contours de sa stratégie à la radio suisse, si tant est que l'on puisse nommer ainsi cette capitulation. On allait maintenant se rendre à Bruxelles pour préciser ce que l'on obtiendrait de l'UE: «Peut-être obtiendrons-nous beaucoup, peut-être peu, peut-être rien du tout.»

Quiconque aborde des négociations dans cet état d'esprit pourrait tout aussi bien faire l'économie du voyage. Le Conseil fédéral s'est dès le départ tellement positionné sur la défensive qu'un célèbre avocat pénaliste suisse a forgé le terme très juste d'«auto-chantage». Le fait est que le Conseil fédéral est largement à l'origine de la pression de l'UE sur la Suisse. Dès l'été 2014, l'ex-ambassadeur suisse, Tim Guldimann, déclarait dans une interview de Weltwoche que l'UE ne dénoncerait pas les accords bilatéraux I à cause de l'initiative contre l'immigration de masse. Il estimait que les six accords sur la libre circulation, les transports terrestres, l'agriculture, le transport aérien, les marchés publics et les obstacles non tarifaires au commerce allaient également dans l'intérêt de l'UE.

Cette constatation a été confirmée six mois plus tard, lors d'une réunion publique de l'Union des arts et métiers à Klosters, par l'ex-négociateur en chef suisse auprès de l'UE, Yves Rossier, quand il a clairement déclaré en allemand devant quelque 200 auditeurs étonnés que Bruxelles ne dénoncerait pas les Bilatérales I en raison de l'initiative sur l'immigration.

En dépit de ces levées d'alerte sans équivoque par ses propres ambassadeurs, le Conseil fédéral a continué d'alimenter la crainte de la soi-disant dénonciation auprès de la population. Mercredi dernier encore, lorsque le Conseil national a violé la Constitution, la ministre de la Justice Sommaruga a justifié l'absence de mise en œuvre par la volonté d'empêcher l'annulation des Bilatérales I par l'UE.

Cette affirmation a fait encore plus de bruit que d'habitude, car deux jours auparavant Jean-Claude Juncker en personne, président de la Commission européenne, avait publiquement déclaré dans le cadre de sa présence à la cérémonie Churchill à Zurich que l'UE n'enterrerait pas les Bilatérales si la Suisse devait appliquer la décision populaire contre la libre circulation des personnes telle qu'elle figure dans la Constitution.

Le Conseil fédéral et certaines parties du Conseil national se moquent du peuple et des cantons. Le blabla sur les «intérêts économiques généraux» supérieurs relèvent de la pure démagogie. C'est aussi une insulte à l'intelligence des citoyens qui ont déjà écouté une fois très attentivement les arguments pour les Bilatérales soi-disant vitales pour notre survie et qui ont néanmoins voté en faveur de l'initiative.

Les perdants d'alors de la votation font passer aujourd'hui de force leur volonté, sans croire pour autant à l'arnaque dont ils sont à l'origine. La nouvelle cheffe du PLR, Petra Gössi, de retour sur scène après être restée dans l’ombre pendant les débats au Palais fédéral, appelle le Conseil des États à des dispositions plus sévères qu'elle n'a elle-même pas osées intégrer.

La bonne nouvelle, c’est que ceux qui font fi du peuple sont maintenant nommément connus, et les défenses immunitaires les plus efficaces de la démocratie se nichent toujours dans les prochaines élections.

Non, la Suisse n'a pas besoin d'une Cour constitutionnelle. Elle a seulement besoin d'un autre personnel politique qui respecte la Constitution et les décisions populaires.

Lien vers l'article et la revue : http://www.weltwoche.ch/ausgaben/2016-39/artikel/peut-etre-rien-die-weltwoche-ausgabe-392016.html

 

8 commentaires

  1. Posté par Sergio Morosoli le

    Coluche disait:  » Si voter servait à quelque chose, il y a longtemps que ce serait interdit ».

  2. Posté par toyet le

    Quelle constitution ? elle n’est plus appliquée depuis longtemps, il vient le temps d’une révolution conservatrice sociale en europe, merci aux polonais et hongrois qui nous montrent la voie.. Zut et me voilà fiché, aurais je droit à une petite attention de monsieur Parmelin.

  3. Posté par Oli le

    Les bilatérales sont-elles vraiment indispensables et autant prolifiques qu’on nous le dit. Il parait que de 2005 à 2015, le commerce avec l’UE est passé de 65% à 43%, moins les anglais, 39%. La logique de la signature de ces traités n’auraient-ils pas dû renforcer la commerce avec l’UE. Quelque chose m’échappe.

  4. Posté par Loulou le

    Merci pour la liste de ces traîtres collabos au service de l’UE. Dont tous les PLR vaudois. On s’en souviendra aux prochaines élections.

    Merci aussi d’avoir assuré une progression significative de l’UDC à ces mêmes prochaines élections. Message pour l’UDC Vaud: aucune alliance avec ce parti et celui qui viendra pleurnicher pour des voix aux prochaines élections ce sera goudron et plumes. J’invite aussi l’UDC à organiser un pique-nique patriote le jour du deuxième tour en cas de non présence à ce dernier.

  5. Posté par S. Dumont le

    Le Conseil fédéral et ses traitres jouent un double jeu …. En premier, ils se couchent lamentablement devant ce grand machin anti-démocratique, nommé UE et de l’autre, face aux médias, ils disent sans vergogne aucune: « – Nous allons mettre tout en œuvre pour respecter la volonté du peuple ».
    Cependant, deux questions se posent à moi: – Que dit la Constitution, lorsqu’une initiative n’est pas respectée?
    En cas de non-respect de l’article 121a, les traitres devraient donc lancer une initiative pour en demander l’abolition. Non?

  6. Posté par G. Vuilliomenet le

    « Une cour constitutionnelle chargée de veiller à ce que les articles constitutionnels soient respectés n’est pas une si mauvaise idée. »

    Peut-être, mais c’est à double tranchant. Par exemple, elle aurait pu déclarer cette initiative incompatible avec les accords que nous avons signés.

    Il faudra peut-être rappeler régulièrement le nom des félons.
    Voici la liste qu’avait faite Geronimo sur le billet de Stéphane Montabert

    http://lesobservateurs.ch/2016/09/23/peuple-suisse-cocu-content/

    Voici les CN qui ont voté OUI:

    PLR-VD Borloz Frédéric
    PLR-VD Derder Fathi
    PLR-VD Feller Olivier
    PLR-VD Moret Isabelle
    PLR-VD Wehrli Laurent
    PDC-VD Béglé Claude
    PS-VD Amarelle Cesla
    PS-VD Marra Ada
    PS-VD Nordmann Roger
    PS-VD Ruiz Rebecca Ana
    PS-VD Schwaab Jean Christophe
    Verts-VD Brélaz Daniel
    Verts-VD Thorens Goumaz Adèle
    Vert libéral-VD Chevalley Isabelle
    PLR-GE Genecand Benoît
    PLR-GE Hiltpold Hugues
    PLR-GE Lüscher Christian
    PDC-GE Barazzone Guillaume
    PS-GE Fehlmann Rielle Laurence
    PS-GE Sommaruga Carlo
    PS-GE Tornare Manuel
    Verts-GE Mazzone Lisa
    PLR-VS Nantermod Philippe
    PDC-VS Amherd Viola
    PDC-VS Buttet Yannick
    PDC-VS Marchand-Balet Géraldine
    PDC-VS Schmidt Roberto
    PS-VS Reynard Mathias
    PLR-FR Bourgeois Jacques
    PDC-FR Bulliard-Marbach Christine
    PDC-FR de Buman Dominique
    PS-FR Piller Carrard Valérie
    PS-FR Steiert Jean-François
    PLR-NE Bauer Philippe
    PS-NE Maire Jacques-André
    Verts-NE de la Reussille Denis
    PDC-JU Gschwind Jean-Paul
    PS-JU Fridez Pierre-Alain

  7. Posté par groudonvert le

    Une cour constitutionnelle chargée de veiller à ce que les articles constitutionnels soient respectés n’est pas une si mauvaise idée.

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