Brexit : La boursouflure du moi

Yvan Perrin
Ancien Conseiller national

Décidément, le Brexit reste en travers de la gorge des élites. Ce que nous avons entendu au lendemain du tremblement de terre n'était qu'une prose surprise, l'expression d'un profond désarroi face à l'impensable. Avec le recul, les personnalités à l'intellect favorisé se sont reprises et ont donné le meilleur d'elles-mêmes. Ce n'est plus le regret d'un résultat démocratique dont on craint les retombées mais une attaque en règle contre une population au cerveau trop atrophié pour saisir les recommandations de celles et ceux qui estiment être en droit d'en ordonner.

Tête de gondole, c'est bien sûr le philosophe de toutes les causes, celui dont la pensée guide les puissants dans la conduite du monde, à savoir Bernard-Henri Levy. Quelques heures avant les résultats, l'homme à la chemise plus ouverte que l'esprit avait écrit : "Défaite probable du Brexit. Déroute, donc, des souverainistes, des xénophobes, des racistes. Reste, maintenant, à refonder l'Europe." Dur ensuite de constater que ces souverainistes, xénophobes et racistes l'ont emporté. C'est donc dans le Monde, quotidien de référence, que sa vanité arrogante éreinte ceux qui n'ont pas le même avis que lui et qui, donc, se trompent. Les pro-Brexit sont ainsi qualifiés de "hooligans avinés", de "rebelles analphabètes" qui auraient, par le "souverainisme le plus rance" remporté "la victoire de l'ignorance sur le savoir" ou plutôt causé "la défaite de l'autre devant la boursouflure du moi et du complexe devant la dictature du simple". Bernard-Henri Levy évoquant la boursouflure du moi, c'est en quelque sorte le résumé de son existence, celle d'un homme à qui l'égo tient lieu de pensée. Gardons-nous cependant de nous offusquer et faisons nôtres les mots de Courteline : "Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet".

Toujours dans le registre surréaliste, on a également entendu le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker prononcer ces fortes paroles : "Ceux qui nous observent de loin sont inquiets. J'ai vu, entendu et écouté plusieurs dirigeants d'autres planètes. Ils s'interrogent sur la voie que l'UE va poursuivre." Le Brexit inquiète les extra-terrestres ! Il faut admettre qu'il s'agit ici d'une conséquence que même les pires Cassandre n'avaient osé imaginé. Fort heureusement, avoir comme président de la Commission un homme en prise directe avec les petits hommes verts ne peut que rassurer les populations alarmées.

Même s'ils prêtent à rire, ces propos ne sont cependant que la pointe d'un iceberg dont les démocrates devraient s'inquiéter. La décision britannique montre que l'Union européenne n'est plus une fatalité, que les décisions des Princes peuvent être remises en cause. Cela ne manquera pas de donner des idées aux autres peuples qui souhaitent également décider de leur destin et ne plus subir la volonté bruxelloise. Parmi les pays membres, il y aura ceux qui consultent la population et les autres, ceux qui, comme la France, considèrent que la démocratie représentative évite l'irruption du vulgaire dans les affaires du monde. Au vu du décalage entre la volonté populaire et l'attitude des élus, on se demande bien de quoi ce type de démocratie peut-il être représentatif. Les élites ont néanmoins raison sur un point, le peuple les reconduit régulièrement à leurs postes même si elles ont largement démérité voire triché. On ne peut que s'inquiéter dès lors que Les Républicains ont investi Patrick Balkany et Georges Tron pour les prochaines élections législatives, eux qui sont plus attendus par les tribunaux que par les électeurs.

Face à cette arrogance, le Brexit sonne le glas de l'Europe de Bruxelles, la chute est désormais programmée. Il a pour une fois raison, François Hollande, qui dit : "Je m’inquiète quand je vois le populisme en Europe progresser, l’extrémisme et la contestation de ce qui est le fondement même de la République." Analyse lucide du bilan de l'UE.

 

Yvan Perrin, président UDC-NE                                              La Côte-aux-Fées, le 26 juin 2016

8 commentaires

  1. Posté par hms1937 le

    B.H. BOTUL-LEVY déteste la France et les Français, c’est son droit. Par contre il est consternant que la presse dite de « référence » accorde une tribune à ce sinistre personnage.

  2. Posté par Maurice le

    Oui, c’est un beau texte ! Une véritable intelligence, qui se démarque du sectarisme des intellectuels franco-européens.
    Et si le mot populisme signifie écouter le peuple, alors je suis populiste à fond.
    Il faudrait que le populisme parvienne à écarter vraiment tous les empêcheurs de redevenir libre face au machin européen.

  3. Posté par Jacques le

    @Aline Oh oui, vous avez bien raison. Il a une bien meilleure plume que Christoph Mörgeli, de notre bord, bien intentionné. mais quelque peu ennuyeux. Il faudrait en parler à M. Köppel, vu que si l’on a ici des articles de la Weltwoche bien traduits en français, on pourrait sans doute traduire les articles d’ Yvan Perrin pour la Weltwoche. Quel dommage que nos amis suisse-allemands ne bénéficient pas de sa prose !

  4. Posté par C. Donal le

    J’attends désormais les papiers savoureux de Monsieur Yvan Perrin avec impatience. Merci.

  5. Posté par aline le

    Merci, Monsieur Perrin, quel plaisir de vous lire! Votre talent de mettre les points sur les i est incomparable. Dommage qu’on ne puisse pas vous lire dans la Weltwoche.

  6. Posté par Madelaine le

    Des mots qui font mouche, qu’on lit avec plaisir! Cela dit moi aussi, je me fais du souci… Les Anglais ne sont pas encore sortis de l’UE. Et John Kerry, entre autres, est à la manoeuvre.

  7. Posté par Jacques le

    Cher Yvan ! Quelle délectation de vous lire, notamment quand vous (mal)traitez le sujet de cet ignoble BHL, le roi du décolleté va-t’en-guerre. Je partage votre analyse, mais au niveau pratique je crains fort que la classe politique britannique trouve un moyen pour ne pas respecter la volonté populaire. Voyez sur YouTube les doutes et l’alarme exprimé par Nigel Farage.
    Salutations cordiales d’un Britchon émigré !

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