Du salut

de Vautrin, docteur d'État et ancien maître de Conférences

En politique comme en religion, il y a toujours un Guide (Führer), voire des Guides, chargés de mener le peuple sur le chemin du Salut.

Je ne parle pas ici des hommes ayant reçu le pouvoir en délégation, capables d’analyser assez exactement les situations politique, sociale, économique, pour y apporter en accord avec les citoyens les solutions raisonnables qu’elles demandent. Ces gens-là sont très rares, en général maîtres d’eux-mêmes – ce qui est la moindre des qualités attendues de ceux à qui on délègue le pouvoir – pragmatiques et jamais messianiques. Ils ont conscience de la responsabilité qu’entraîne leur charge, et sont toujours prêts à rendre compte de leurs actes devant le peuple.

Et puis il y les autres. Tous les autres. Parmi eux, naturellement, une foule de margoulins devenus potentats par goût du pouvoir et par intérêt. Ceux-là, sous couvert de servir, se servent. Les exemples contemporains ne manquent pas.  Le cas le plus grave se rencontre lorsque le potentat combine les éléments de la démence, de l’idéologie et/ou de la croyance, et de l’anthroponomie. On a alors affaire à un Guide. Véritable ou mythique, Mahomet en est un modèle, mais on peut citer d’autres beaux modèles comme Robespierre, Lénine, Hitler et tutti quanti.

C’est toujours la même histoire : la multitude des hommes est déchue, stupide et aveugle. Donc elle croupit dans le péché, l’erreur et la misère. Elle est vouée à l’Enfer, dans l’au-delà ou bien dans cette vallée de larmes. Heureusement, il y a des Hommes Exceptionnels ayant reçu la Vérité en partage : ceux-là sont destinés à guider la multitude vers le Salut. Le Salut, remarquons-le, varie en fonction des Guides. Dans le cas des religieux, c’est parfois la Béatitude Éternelle dans un Paradis d’êtres soit décérébrés soit fort lubriques. Dans le cas des politiques, c’est la Société Idéale où toutes les rues suivent la bonne pente et tous les sujets, loin d’être des citoyens, sont eux aussi privés de raison. Ou une société perverse comme elle transpire dans les écrits de Foucault.

La démence est de croire que l’on a reçu la Vérité : tel est le point de départ de la guidance. Car cela suppose deux conditions : qu’il existe une Vérité et qu’elle soit connaissable. Or si elle existait, elle serait soit transcendante, soit immanente. Transcendante, elle serait donc d’ordre divin : il faut croire et surtout être Élu pour la connaître. C’est le privilège de ceux qui ont eu à quelque moment la Révélation, ceux qu’un Dieu désinvolte a choisis au hasard pour être les plus fous parmi les fous et passer pour les plus sages parmi les sages. Joli programme ! Immanente, la Vérité serait de l’ordre des choses, de la Nature. Mais comme à l’épreuve, le « réel » résiste à la connaissance, il faut bien y suppléer par le langage, c’est-à-dire en construire une représentation  logique. Car, notez-le, le fou est assez rarement illogique : il faudrait pour cela qu’il ait perdu le langage (je m’en expliquerai peut-être plus tard). C’est ainsi que l’on fabrique des systèmes politiques comme le « socialisme scientifique » dont les Penseurs ont reçu l’Illumination.

Tout ce beau monde croit dur comme fer à ses chimères. C’est un des symptômes assez répandus de la psychose. En réalité, la Vérité n’a pas davantage de consistance que l’Avenir : elle n’est rien d’autre que, dans un raisonnement, un jugement de valeur, la satisfaction procurée par la conformité du langage à lui-même, le quod erat demonstrandum (CQFD) attestant qu’on a réussi à enchaîner les propositions sans contradiction. Mais pour l’Élu comme pour l’Illuminé, la Vérité est une réalité, elle est littéralement réifiée, ce qui suffit à le distinguer de la masse crétine. On comprend que dès lors, le passage au messianisme est inévitable. Je suis frappé par la ressemblance entre les prophètes de tout poil et le Président Schreber.

Schreber, Daniel, Paul, a relaté ses délires dans les Mémoires d’un névropathe. Freud l’a pris pour un paranoïaque, mais il y a tout lieu de penser qu’il était paraphrène. En tous cas, il entend des voix (comme Mahomet avec l’ange Gabriel, ou Moïse sur la montagne) et se tient en relation avec Dieu par l’intermédiaire de « nerfs », mais son corps est modifié (comme les anges ont lavé le cœur de Mahomet) de telle manière qu’il puisse rédimer l’humanité, c’est-à-dire faire naître de nouveaux humains qui retrouveraient la béatitude perdue. Voilà le messianisme. C’est la certitude de la Vérité et la Mission concomitante. En cherchant bien, on retrouverait cela chez les politiques, des « Hommes Providentiels » qui ont pour mission d’éclairer les pauvres peuples et les conduire dans la promesse de l’Aube de la Raison, vers la société idéale. Platon était de ceux-là, comme Lénine ou n'importe quel hurluberlu socialiste. Le Guide a « le sens de l’Histoire », comme si l’histoire était un devenir convergeant vers un point oméga fixé à l’avance.

De tels délires, malheureusement, sont partagés et finissent par donner un corps de doctrine figé, l’idéologie, que des militants s’acharnent à propager. Évidemment, il y a toujours des hérétiques, des apostats, et des relaps. D’où des querelles de chapelles et souvent de sanglantes luttes d’influence. On a vu s’affronter léninistes et trotskystes, on voit s’affronter chiites et sunnites dans des combats à mort. Ce qui, tout compte fait, n’est pas vraiment déplorable.

Car, dit Karl Popper (La société ouverte et ses ennemis, Le Seuil, 1979), « vouloir le bonheur du peuple est, peut-être, le plus redoutable des idéaux politiques, car il aboutit fatalement à vouloir imposer aux autres une échelle de valeurs supérieures jugées nécessaires à ce bonheur. » En effet : le Guide et ses sbires clament surtout à qui ne veut pas entendre qu’hors d’ici, point de Salut. La doctrine est imposée à toute la société qu’elle vise à transformer, et très généralement au prix d’un assujettissement des citoyens. La démence et l’idéologie vont de pair avec l’anthroponomie. Ce mot n’est pas courant : le Reverso en donne une glose erronée, le Wikitionnaire ne fait pas mieux. Il désigne une manie réglementante, qui consiste à dicter aux hommes, au besoin par la force, la manière de se conduire dans la vie publique comme dans la vie privée. L’anthroponomie s’oppose très exactement à l’autonomie des citoyens. Notre vie privée est envahie de « normes » édictées par le pouvoir politique ou religieux sous divers prétextes, par exemple le format des prises de courant ou l’obligation de placer des détecteurs de fumée dans sa maison. Pourquoi pas la recette de la soupe aux poireaux ?

Cette anthroponomie est magnifiquement illustrée par cette déclaration de Lala Najat Belkacem, ministre au moment où j’écris : « Nous avons choisi le plus souvent d’inciter par la loi, mais imposer est parfois la façon de changer les choses. » Il faut vraiment être possédé par la Vérité pour proférer cet aveu. Le Guide seul ne peut pas tout : il doit être complété par le Législateur et le Flic pour conduire au Salut la masse obscurantiste. Frédéric Bastiat, dans La Loi analyse les rapports du tyran au législateur : « quand la Loi, — par l'intermédiaire de son agent nécessaire, la Force, — impose un mode de travail, une méthode ou une matière d'enseignement, une foi ou un culte, ce n'est plus négativement, c'est positivement qu'elle agit sur les hommes. Elle substitue la volonté du législateur à leur propre volonté, l'initiative du législateur à leur propre initiative. Ils n'ont plus à se consulter, à comparer, à prévoir ; la Loi fait tout cela pour eux. L'intelligence leur devient un meuble inutile ; ils cessent d'être hommes ; ils perdent leur Personnalité, leur Liberté, leur Propriété. » On ne saurait mieux dire.

Il faut donc se garder de ces illuminés qui se posent en Guides : ce sont des aliénés, des ennemis du genre humain. Quiconque se propose de créer un « homme nouveau » ou une société idéale est nécessairement un tyran, même si, tel le geai se parant des plumes du paon, il se déguise avec les oripeaux de la démocratie. Un tyran : non un dictateur. Dans des conditions de péril, un peuple peut choisir de déléguer pour une durée déterminée un pouvoir discrétionnaire à un dictateur qui, au bout de son mandat, doit remettre le pouvoir et rendre compte de l’usage qu’il en a fait. Le tyran, pour sa part, capte le pouvoir, ne le rend jamais, et en use selon son bon plaisir et son mauvais délire. Le tyran peut être un personnage singulier ou toute une institution gouvernementale, exécutif seul ou s’appuyant sur un législatif, mais son modus operandi est toujours le même.

Une société si mal gouvernée parce que les citoyens ont perdu leur autonomie et le contrôle sur le gouvernement est une société malade de son –ou de ses- Guide(s) dément(s). Elle devient la proie d'intérêts financiers, le Guide devenant, volens nolens, le bras séculier des monopoles. Elle devient également fragile face aux menaces extérieures et intérieures, surtout lorsque l'Homme Nouveau est  façonné sans racines et sans histoire, dans un délire paranoïaque d'abolition des frontières et de relativisme outrancier. Nous vivons une de ces phases dangereuses. Vérifiez, je vous prie.

Vautrin

(Le nom de l'auteur est connu de la rédaction)

 

9 commentaires

  1. Posté par Renaud le

    Une éthique intégrée au sujet devient indépendante de la société mais elle provient de la société, d’ailleurs vous dites qu’elle est culturelle.
    Un enfant sauvage ne développe pas spontanément une éthique.
    On peut distinguer une éthique réellement intégrée au sujet et qui lui donne son autonomie et une éthique « implantée » autonome par elle-même et s’opposant à l’autonomie du sujet, le surmoi.
    Déjà que je suis un peu perdu avec le vocabulaire alors si vous rajoutez des mots inconnus comme hégétique ça ne s’arrange pas…
    Votre définition de l’individu est intéressante et je suis d’accord pour le placer en bas de l’échelle hiérarchique de la catégorie sujet.
    Sujet est donc un mot général et je place celui de personne au plus haut de la hiérarchie.
    Dans cette échelle l’indétermination grandit avec l’élévation et il y a là le paradoxe du vide et du plein.
    Vous ne pouvez pas évacuer la transcendance de votre réflexion sinon vous n’allez découvrir que des mondes clos ou chaotiques.
    La modernité ayant balayé la transcendance elle s’est d’abord tourné vers des mondes clos, des systèmes, pour s’enticher ajourd’hui du chaotique.
    Et je rejoins la critique de votre article, pourquoi faut-il toujours que des faux prophètes prennent le peuple comme cobaye de leurs visions calamiteuses?
    La théorie du genre est le prototype d’une vision absurde et stupide mise en oeuvre socialement sans réflexion sérieuse, peut-être dans une sorte de vertige suicidaire?

  2. Posté par Vautrin le

    Désolé de vous contredire, Renaud, mais LE Politique et l’Éthique sont deux facultés distinctes, même si, tout étant dans tout, elles apparaissent nécessairement en interaction. J’ai l’impression que vous voyez l’éthique comme Freud (le Freud de 1913 !), une contrainte sociale. Mais ce n’est pas cela : Freud lui-même, dans ses derniers écrits, reconnaissait le caractère intrinsèque de la régulation -d’ordre culturel, non d’ordre naturel, l’animalité ayant une autre forme de régulation (à laquelle nous ne sommes d’ailleurs pas étrangers). Professionnellement, mes recherches ayant nécessairement porté sur la clinique, j’ai constaté que ni le schizophrène ni le paranoïaque ne manquaient de régulation éthique (relisez les écrits de Schreiber, vous verrez qu’il ne manque jamais de pudeur, par exemple), et que le névrotique comme le psychopathe ne manquaient pas de faire du lien social. Dans chaque cas, le sujet est atteint d’une faculté, mais l’autre demeure même si son fonctionnement est perturbé.
    En revanche, l’interaction fait qu’une convention sociale peut porter sur l’étique – nous parlons de ce que l’on nomme « hégétique »- et comme telle est singulière à une société tout en se réclamant de l’universel, et d’autre part le configuration sociale peut être passée au crible de l’éthique : c’est la notion d’équité et celle de légitimité.
    Un autre point : je ne parle jamais d' »individu », car c’est une notion biologique (indivis : si on le divise, on le tue), mais de sujet, en deux acceptions distinctes : d’une part le sujet animal (et nous participons de cette nature) antécédent à la Personne, d’autre part le sujet désirant (le sujet freudien si l’on veut, mais en fait c’est infiniment plus compliqué).
    Pour le reste, la transcendance et tout cela, ce n’est pas mon domaine, pour moi c’est zona non heuristica.

  3. Posté par Renaud le

    J’ai des doutes sur votre auto régulation éthique à priori qui selon moi se réduit à une éthique instinctive, animale.
    L’individuation qui crée une éthique humaine nécessite une société.
    On est pas obligé de verser soit du côté de la préexistence de l’individu à la société soit du côté de la préexistence de la société à l’individu.
    Il n’y a pas de société sans individus et il n’y a que des animaux sans une société.
    La nouvelle doxa qui a remplacé l’individu à la fois limité et construit par la société par un individu illimité se créant sa propre loi est une régression dangereuse.
    Régression qui correspond cependant à une intuition du Sujet avec majuscule, le sujet unique de la conscience, le Soi, le Christ, personnel et non individuel.
    Si on est optimiste on peut dire que notre société favorise la découverte du Sujet transcendantal en passant par une période nihiliste qui exalte le sujet individuel pour constater son néant.
    Les nouveaux prophètes, forts déviants par rapport à un itinéraire spirituel traditionnel, détruisent tous les garde fous pour faire advenir l’homme nouveau.
    Jusqu’ici ce genre de tentative a produit le pire dans l’histoire de l’humanité.
    Le résultat selon moi sera une forte proportion de psychopathes et une plus forte proportion de saints que d’habitude.
    Apocalypse?

  4. Posté par Vautrin le

    @Renaud : il n’est pas question d’éviter TOUTE contrainte, le contrat social étant un modus vivendi imposant des contraintes… contractuelles, précisément, c’est-à-dire implicitement ou explicitement négociées. En matière d’éthique, par ailleurs, la contrainte est interne, ce n’est pas un « sur-moi » venu de la société, mais bien une auto-régulation structurelle du sujet. Qui en manque est psychopathe. L’hédonisme débridé des gauchistes est nettement de ce type psychopathique.
    On peut lui opposer le plaisir raisonné des épicuriens, mais cela nous entraîne hors du sujet.
    Quand je parle des contraintes, il est facile de comprendre en regardant le fonctionnement des États totalitaires et des religions totalitaires. Analysez la situation en Arabie Saoudite et au Qatar, ou, sans aller si loin, à Paris où règne la contrainte de la « bien-pensance » dite « progressiste ». N’est-ce pas une contrainte idéologique, par exemple, lorsqu’une Belkacem, persuadée de la véracité des théories du genre, entend les imposer à l’École ?
    Un dernier point, à propos de cette divinisation de l’Ego : nous touchons ici une réelle mythologie, car les « ego-istes » confondent l’Ego, qui n’est qu’une structure, une analyse formelle, n’a ni volume, ni étendue, avec une représentation illusoire, le « moi ». C’est bien un processus de réification.

  5. Posté par Joufflu le

    Le problème c’est qu’en face du messie, du tyran ou du dictateur, il n’y a qu’une masse ignare, paresseuse et veule prête à se soumettre contre une promesse de « jeux et du pain ».

  6. Posté par Renaud le

    Néanmoins je suis d’accord avec votre idée générale qu’il y a depuis quelques années une espèce de messianisme laïque tout à fait répugnant divinisant ce qu’il n’est que potentiellement divin, l’égo. C’est le mensonge par excellence celui qui se base sur une vérité pour la corrompre en son contraire.

  7. Posté par Renaud le

    @ Vautrin :
    Des vérités non formelles vous en connaissez une multitude mais vous n’y faites pas attention. Ce sont des vérités absolues, comme par exemple vous aimez votre chien, c’est absolument vrai si c’est vrai quoique cet amour ne soit pas lui-même absolu.
    Tandis que toutes vos vérités formelles sont relatives à un cadre défini.
    C’est l’intérêt de la vie de rechercher les vérités qui ont le plus d’affinités avec la Vérité.
    Sinon, un bon algorythme ferait l’affaire, ou bien une morale.
    Eviter toute contrainte est une utopie de gauchiste dont on connait le résultat sur l’éducation.
    Les contraintes sont une question de politique et varient suivant les époques et les civilisations.
    Il y a un moment où la contrainte devient contradictoire avec la chose imposée, par exemple enseigner l’amour à coup de trique.

  8. Posté par Vautrin le

    @Renaud : je m’attendais, bien évidemment, à cette réaction 😉 . Personnellement, je ne puis croire à l’existence d’une vérité réifiée ou déifiée, en dehors de la valeur de vérité logique (donc formelle) mais ce n’est, après tout, qu’un point de vue. Je note cependant que l’Histoire fourmille de contraintes (le mot est faible) pour imposer des Vérités qui toutes se contredisent. Tel me semble être le train de l’humanité.

  9. Posté par Renaud le


    Que la Vérité existe et qu’elle soit connaissable n’implique pas qu’elle soit compréhensible ni qu’elle doive s’imposer par la contrainte.
    Quand il n’y a plus de religion authentique pour exprimer le rapport à la Vérité alors il y a toujours un ersatz de religion qui vient remplir le vide.

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