Brexit: piètre débat du siècle…

Stéphane Montabert
Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens

A deux semaines du vote crucial de la Grande-Bretagne pour le maintien ou la sortie du pays de l'Union Européenne, la chaîne ITV organisa mardi soir un débat entre les champions des deux camps - James Cameron, Premier Ministre en exercice, contre Nigel Farage, leader du UKIP (Parti pour l'Indépendance du Royaume-Uni).

L'émission, bien que courte d'une petite heure, promettait de beaux échanges entre deux orateurs habiles, et peut-être de quoi convaincre les 15% d'indécis, selon les derniers sondages, qui feront pencher la balance alors que les intentions de vote sont au coude-à-coude.

Hélas, le débat ne tint pas ses promesses, puisqu'il fut totalement inexistant. Le format de l'émission fut finalement modifié, apparemment sous les demandes du camp Cameron, pour devenir deux séquences d'une demi-heure où chaque invité devait répondre aux questions des spectateurs, 200 personnes visiblement pas choisies au hasard. La formule finalement choisie avantagea outrageusement le Premier Ministre qui put reprendre et démolir les arguments de son prédécesseur sans risquer la moindre réplique.

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Photomontage de deux invités qui ne se croisèrent jamais, pas même au maquillage.

M. Farage tint une prestation honnête face à des intervenants franchement vindicatifs et l'attaquant personnellement (avec d'inévitables accusations de "racisme", puisque vouloir contrôler l'immigration est forcément raciste...) plutôt que de débattre du fond, l'indépendance du pays face à une hégémonie européenne anti-démocratique, bureaucratique, dirigiste et, disons-le franchement, mourante. L'activisme de ses interlocuteurs - qui parlèrent souvent plus que lui! - ne lui permirent guère de développer ses arguments, et je ne crois pas une seconde que ces individus aient été de simples "citoyens lambda" seulement à la recherche de réponses.

Le contraste n'en fut que plus fort avec la prestation de M. Cameron, qui non seulement revint confortablement et à plusieurs reprises sur les propos tenus par M. Farage pour mieux les démolir, comme prévu, mais sembla vraiment faire face à des gens normaux, lui demandant poliment des précisions sur ses nombreuses contradictions sur la propre attitude du Premier Ministre vis-à-vis de l'UE, ou exprimant leurs inquiétudes et le laissant discourir.

Un résumé du "débat" est présent sur plusieurs sites, dont celui de l'International Business Times. Nigel Farage fut malmené et gêné, Cameron confortable mais peu convaincant. Cette émission influera-t-elle sur le résultat du scrutin? Les instituts de sondages se chargeront de vérifier son impact les prochains jours.

Au bout du compte, le Brexit se ramène à un seul argument: la peur. D'un côté, la certitude rassurante du misérabilisme et d'une irritante insatisfaction en restant dans l'UE de M. Junker, de l'autre la voie de l'indépendance, exposée aux menaces et aux chantages, mais garante d'un retour de la démocratie dans une Grande-Bretagne tournée vers le monde.

Mais la peur n'est pas qu'une menace brandie en direction des partisans du divorce. Elle imprègne aussi très concrètement le camp pro-UE, au point qu'une campagne à la régulière le terrifie. Indépendamment des propos tenus par les deux invités sur ITV, les gens normaux ne pourront qu'être interpellés par le manque de fair-play dans cette campagne - une campagne où le Premier Ministre impose le silence aux membres pro-Brexit de son gouvernement, ou des consignes accompagnant le matériel de vote indiquant clairement de cocher la case "Rester dans l'UE"...

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La démocratie sauce UE n'a rien de très compliqué.

Je ne fais pas mystère de mes préférences: une relation qui ne tient plus que sur la peur de l'inconnu n'est plus une relation saine. Comme le dit un interlocuteur de M. Cameron en déclenchant une salve d'applaudissements:

Je suis désolé de le dire mais votre phrase de conclusion la semaine dernière était que "si nous quittons l'UE, nous jouons l'avenir de nos enfants aux dés". Je pense tout à fait le contraire, et qu'en nous disant de rester, vous avez déjà lancé ces dés.

Nigel Farage le rappela, "s'il y a jamais eu dans votre vie un vote qui puisse faire la différence, c'est celui-ci" - et David Cameron aurait sans doute acquiescé. Le vote sur le Brexit est probablement le scrutin le plus important depuis des décennies, non pour la Grande-Bretagne, mais pour l'Union Européenne toute entière, et la direction qu'elle prit depuis le milieu des années 80 où les socialo-communistes d'Europe décidèrent de transformer une zone économique de libre-échange en super-État bureaucratique pour lui donner, selon les termes de M. Mitterrand, "une âme".

Le résultat du scrutin du 23 juin sera forcément historique. Mais quel que soit le résultat, on peut surtout s'inquiéter des velléités changeantes d'une opinion publique divisée comme jamais, chaque sondage donnant l'avantage à l'un ou l'autre camp.

L'avenir de l'Union Européenne se jouera vraisemblablement sur une poignée de voix. Les fameux dés sont déjà en train de rouler.

Stéphane Montabert - Sur le Web et sur Lesobservateurs.ch, le 8 juin 2016

7 commentaires

  1. Posté par Aude le

    Il est évident que Cameron n’a pas voulu affronter Farage…..
    La TV britannique bien-pensante ne fait pas exception dans le concert des médias européens…
    Vive le Brexit!!!

  2. Posté par Pierre H. le

    Les questions de vote du Brexit pourrait presque être posée ainsi :

    1/ Rester dans l’UE
    2/ Ne pas quitter l’UE

  3. Posté par Marie-France Oberson le

    L’avenir de l’Union européenne .
    « La seule union européenne, c’est l’Europe des Nations »
    Ainsi s’exprime dans le Figaro Magazine du 13 mai dernier Roger Scruton, philosophe, professeur d’universités prestigieuses (Oxford, Boston..) et sujet de sa gracieuse majesté la reine d’Angleterre
    Pour Roger Scruton, « l’Union Europe est celle de de Gaulle et Vaclav Havel »

    Voici ce qu’il répond à la question suivante du Fig.Mag.:
    « Crise des migrants, guerre contre Daech, l’UE est-elle préparée au retour du tragique de l’Histoire? »
    Etre préparé au tragique de l’histoire » veut dire être prêt à se défendre contre n’importe quelle incursion de l’extérieur. L’Europe envisagée par ceux qui ont signé le traité de Rome supposait la disparition des menaces extérieures, l’impossibilité de la migration toujours accélérée de peuples,l’inexistence de l’islamisme radical,l’inutilité des frontières. Bref, rien n’est prévu pour affronter les défis actuels. Et c’est cela le problème.Nous sommes gouverné par un traité vieux de 60 ans, signé dans une situation qui n’a rien à voir avec la nôtre, par des gens morts, sous l’influence d’idées en décalage avec le monde actuel. Voilà pourquoi nous ne sommes pas préparés pour les vraies crises. Tout ce que nous éprouvons aujourd’hui montre que de Gaulle avait raison de vouloir établir l’Union européenne comme une Europe des nations. Dans une vraie crise, seule la nation fondée sur la souveraineté du peuple peut trouver les ressources pour surmonter les difficultés. Mais c’est la vision de l’ utopiste Jean Monnet qui a emporté le morceau, sans vraiment savoir à quoi cela pourrait nous mener. Le traité de Rome, avec ses erreurs fatales comme la liberté de circulation, empêche les nations européennes de s’adapter aux conditions actuelles. (…)La « certaine idée de la France » dont parle de Gaulle n’était pas une vision passéiste de sa nation, mais un idéal rendu possible par la loyauté et le sacrifice »

  4. Posté par Vautrin le

    Oui, les dés roulent. Mais les européâstres les ont pipés. La démocratie, en Europe, le libre choix des peuples à disposer d’eux-mêmes, ce n’est pas pour demain. Peut être dans sept ou huit siècles, après la fin de la charia ?

Et vous, qu'en pensez vous ?

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