Psychiatrisation des « migrants ». Détournement d’asile, engorgement des soins et risques accrus d’inégalité de traitement…

Dominique Baettig
Dominique Baettig
Médecin, Ancien Conseiller national

La presse romande l’a annoncé récemment, les institutions genevoises de psychiatrie hospitalières (mais aussi ambulatoires !) sont surchargées, surpeuplées par des migrants traumatisés   par la guerre dont ils s’échappent, par les conditions périlleuses et dramatisées du passage en Europe.  On y joue avec les émotions,  la mise en danger pour forcer à l’aide et à l’accueil, sur fond de  scénarios de propagande  culpabilisante hollywoodienne, de racket honteux et sans vergogne des passeurs, l’augmentation des coûts imposés avec donc abus de la détresse d’autrui. Et peut-être même par les conditions de débordement massif d’arrivée, la promiscuité, le rejet rapidement palpable des indigènes auxquels on s’impose sans leur demander leur avis. Il ne s’agit pas ici de contester systématiquement les périls et risques de ce périple qui ne pourra qu’amener déception, non entrée en matière, précarité imposée et d’autres pathologies psychiatriques  bien connues, de la migration (  psychose, dépression, toxicomanie, marginalisation communautariste, économie parallèle de délinquance ).

Une vision du monde manichéenne et pessimiste

Mais il est important de savoir comment l’approche psychiatrique occidentale, humaniste, dont un des dogmes est la reconnaissance de l’importance des « traumatismes psychiques » dans la détresse émotionnelle et la genèse des désordres mentaux, l’idéologie victimaire et paternaliste peuvent amplifier et renforcer des conceptions erronées de pathologies, qui deviennent ensuite chroniques et sources de compensation et de rentes utilitaires. Notre civilisation est trop finement attentive aux besoins psychologiques et caresse le rêve illusoire de se protéger de presque tout risque, tout conflit, toute incertitude et souffrance et ceci depuis la  (bisous)nurserie évidemment. Avec le biais anxieux de ne voir que ce qui ne fonctionne pas (et en oubliant les capacités adaptatives positives, l’optimisme, la résilience), les professions psychologiques et psychiatriques vont d’emblée surestimer les troubles transitoires et leur attribuer une importance, une valeur qui sera renforcée une fois que le bénéficiaire de l’aide et de la sollicitude aura compris ce qui est attendu  (les préjugés victimaires systématiques confirmés) de son attitude ou de son récit.

Surtout pas de retraumatisation

Les psys bisounours (la majorité sans doute) sont très vulnérables et peu enclins à questionner leur propre idéologie. D’abord la conviction que toute victime dit automatiquement vrai et ne peut raconter des choses « subjectives ». La distinction peut être difficile à faire entre un récit, tel que le sujet se l’entend dire dans sa tête, renforcé dans le groupe puis réifié par les medias, et la réalité objectivable et partageable. Les pathologies du stress posttraumatique reposent sur des définitions larges.  Qu’est-ce qu’un événement traumatisant : la guerre, une catastrophe naturelle, un viol ou des événements plus personnels comme une agression physique, des attouchements, un divorce, du harcèlement moral ? Une place très large est laissée à l’empathie dans le diagnostic : voir quelqu’un blessé, accidenté, maltraité, augmente l’angoisse chez le proche, le soignant, qui la réinjecte en retour. On connait la règle qui dit que pour une victime, ou considérée telle, sept personnes souffrent de l’onde de choc et la répercutent plus loin et le passage dans les medias réveille les traumatismes des anciennes victimes etc… Si vous êtes réfugié, venant d’une région en guerre, que vous avez souffert sur le chemin et que vous êtes ici déjà victime de préjugés et de discrimination, la certitude est de 100% que l’on va vous mettre une étiquette diagnostic de stress post-traumatique sur le dossier, avec toutes ses évolutions négatives ultérieures, la vulnérabilité, et surtout le risque d’être retraumatisé si le droit d’asile ne vous est pas accordé, vous devez quitter le pays, ou l’hôpital, ou que vous ne touchez pas de rente et des prestations.

Certains psys se souviennent bien de l’époque de la guerre civile en ex-Yougoslavie. Si  un ressortissant kosovar souffrait de difficultés de santé ou rencontrait des problèmes sociaux, il suffisait de prononcer le mot de Srebrenica, sidérant, qui validait votre souffrance de stress traumatique par procuration et empêchait tout questionnement irrespectueux sur des « détails ». Il est facile donc de prédire que les mots magiques « Syrie », Daech, barque pleine, bombardements russes va ouvrir toute les portes de la reconnaissance de pathologies dont on ne cherche plus à se libérer mais qui deviennent un passe-droit, un sauf-conduit, une identité de reconnaissance sociale et de droit à des prestations. Le retour au pays est également impossible pour ceux qui ont été hospitalisés en psy (le fait d’être hospitalisé assure déjà un diagnostic) puisqu’on n’y trouvera jamais la qualité équivalente du suivi des institutions suisses, forcément, il y a un tel écart culturel, de sensibilité et de sophistication.

Il est impossible de refuser des demandes de migrants atteints (à tort ou à raison, et qu’elle qu’en soit l’intensité subjective et objective)  de troubles psychiques ou en désarroi d’adaptation.  Sous peine d’être considéré comme sans cœur, ou pire raciste… Rentrer dans les institutions de psychiatrie est une garantie presque absolue de pouvoir rester et de bénéficier, sans trop de questions offensantes, de toutes les aides prévues normalement pour des événements qui sont exceptionnels et rares dans notre civilisation. Il faut imaginer rapidement d’autres réponses sous peine de voir le Système paralysé et les soins psychiatriques abusivement et massivement détournés de leur fonction initiale. Les migrants  sont plus nombreux, plus bruyants dans leur symptomatologie d’appel,  et s’y rajoute encore des amplificateurs de symptômes que sont les traducteurs obligatoires et autres médiateurs socioculturels. Avec des thérapeutes sursensibilisés aux traumatismes exotiques et aux victimes « titulaires » et indiscutables,  le  risque est grand de faire passer au second plan les patients indigènes atteints de maladies lourdes et en précarité sociale mais moins psychologiquement corrects.

Dominique Baettig. Médecin, psychiatre, ancien Conseiller National, 6 février 2016

 

4 commentaires

  1. Posté par Rikiki le

    Voilà les bienfaits d’une migration. On nous l’a dit que de bonne retombées économiques… Malheureusement que sur ces cochons de payeurs que nous sommes… et qui rigolent, les psys évidemment.

  2. Posté par Dr Thierry-Ferjeux Michaud-Nérard le

    Comme chacun sait, la psychiatrie est le fourre-tout pour tous les indésirables et les psychiatres médiocres sont incapables de défendre les critères précis de la médecine psychiatrique pour se dissimuler derrière un verbiage psychosocialiste compassionnel et vide de sens pour masquer leur ignorance et leur incompétence.

  3. Posté par Alain le

    Bravo Confrère !
    Le simple fait d’avoir recours à des soins dont le financement repose sur la solidarité nationale en fait également une question politique, et pas exclusivement une chose médicale.

  4. Posté par François le

    Une seule solution correcte : remigration totale et sans discussion sinon les autochtones seront extrêmement mal traités au sens large du terme.

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