«Réfugiés». Les guerres du monde ne sont pas responsables. La débâcle suisse de l’asile est de nature interne.

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Les guerres du monde ne sont pas responsables. La débâcle suisse de l'asile est de nature interne.

De Roger Köppel

La Suisse se dirige vers un record de 30 000 demandes d'asile cette année. Rien que le mois dernier, le nombre de demandes a augmenté de 60% par rapport au mois précédent. Il n'y a jamais eu autant d'«admissions provisoires». Le nombre de déboutés qui restent en Suisse a récemment bondi à 70% des demandes présentées.

L'immigration nette légale atteint aussi des niveaux record. La libre circulation des personnes a permis à 23 000 Européens d'arriver en Suisse au premier trimestre. En projection annuelle, cela donne une augmentation de population proche de 100 000 personnes, hors demandeurs d'asile. Les prédictions des autorités sont fausses. Elles ont affirmé que le fléchissement de la conjoncture allait freiner l'immigration. L'inverse est vrai.

La télévision allemande a récemment montré un film sur l'île grecque de Chios. Ce paradis touristique n'est qu'à quelques kilomètres de la frontière turque. L'année dernière, 26 000 prétendus réfugiés ont débarqué sur cette île à bord de canots pneumatiques. Les premières statistiques de cette année permettent de conclure à une augmentation massive des flux. Ces migrants proviennent tous sans exception d'un pays tiers sûr, la Turquie, où la vie et l'intégrité physique d'aucun d'entre eux ne sont menacées. Toute personne qui arrive d'un pays tiers sûr en Europe n'a, par définition, pas droit à l'asile.

En principe. Mais l'UE n'est pas prête non plus à faire respecter ses propres lois en matière d'asile. On refuse de débattre de la notion de «réfugiés». Les immigrants illégaux sont globalement considérés jusqu'au sein des gouvernements, indépendamment des circonstances et des faits, comme ayant droit à l'asile. Les politiciens participent eux-mêmes à cet usage abusif du droit d'asile à grande échelle en l'étendant à tous les migrants économiques illégaux. Les passagers clandestins qui embarquent en Méditerranée ou à la frontière turque ont depuis longtemps échappé à une persécution directe et à une menace pour leur vie et intégrité physique. Ce ne sont plus des réfugiés au sens de la Convention de Genève.

Le Tages-Anzeiger, grand journal de centre-gauche, fait depuis des années d'interminables campagnes de désinformation pour dissimuler ces abus. Commentant un débat parlementaire récent, cette gazette proche des autorités a réaffirmé ces jours-ci: «... les crises du monde ne respectent aucune règle de procédure». L'objectif est de distiller dans l'opinion que la Suisse est en quelque sorte impuissante face aux chiffres en hausse de l'asile. Leur flambée ne relèverait pas d'une politique erronée, mais des souffrances causées par les guerres et les conflits qui ravagent le monde. Une fatalité, en quelque sorte.

C’est là une contrevérité qui n'en devient pas plus juste à force de répétition. La ministre de la Justice Simonetta Sommaruga parle de «Syriens» et de «réfugiés de guerre syriens» quand elle justifie sa politique d'asile au cours d'interviews. Le fait est que, depuis des années, ce ne sont pas les Syriens, mais les Érythréens qui constituent en chiffres absolus le plus grand groupe de prétendus réfugiés en Suisse. Cette année aussi, les Érythréens arrivent en tête. La Suisse est leur destination préférée non pas parce que la misère objective pousse les Érythréens à fuir, mais parce que la politique suisse les attire tout spécialement dans le pays, car les options choisies ne sont pas les bonnes.

Ce ne sont pas les «crises du monde» qui sont décisives, mais les «règles de procédure». Les Érythréens en sont un excellent exemple. Depuis que la Suisse est l'un des rares pays au monde à avoir reconnu le refus de faire le service militaire comme motif d'asile, le nombre d'Érythréens candidats à l'asile monte en flèche. Il y a eu des tentatives de mettre un terme à cet abus par arrêté fédéral urgent. Mais d'une manière ou d'une autre, les autorités ont toujours trouvé le moyen de maintenir l'afflux d'Érythréens. 80 à 90% des migrants de la Corne de l'Afrique vivent éternellement sur le dos des contribuables de l'État providence.

La Suisse a le pouvoir de réguler elle-même le nombre des demandes d'asile. La conseillère fédérale Sommaruga mystifie les gens en prétendant constamment que ce sont les grands conflits en Syrie qui font bondir leur nombre en Suisse. C'est manifestement faux. En invoquant la misère du monde, la ministre de la Justice cherche à se dédouaner de la responsabilité de prendre enfin le droit d'asile au sérieux et d'éliminer les incitations pernicieuses de la politique d'asile de son propre département.

La conseillère fédérale Sommaruga s'entête à persévérer dans la mauvaise direction. Elle refuse d'accepter le fait que les flux migratoires en Méditerranée n'ont rien à voir avec la définition de réfugié au sens de la Convention de Genève, mais uniquement avec l'attrait qu'exerce la prospérité des États providence industriels du Nord. Elle ne veut pas prendre acte que la Suisse fait grimper elle-même la demande d'asile avec ses offres. Au lieu de diminuer l'attractivité, elle pousse à l'extension de nos infrastructures d'asile souvent contre la volonté des populations locales. De plus en plus de faux réfugiés suivront cette invitation.

La ministre de la Justice parle de «solidarité européenne». La «fermeture des États-nations» serait une erreur. La moraliste se fourvoie de nouveau. L'UE n'a ni la volonté ni la capacité de sécuriser ses frontières extérieures selon les termes de l'Accord de Schengen contre l'immigration clandestine. Voilà pourquoi la France et l'Autriche, toutes deux membres de l'UE, en reviennent à la protection des frontières nationales. La Suisse aurait déjà dû en faire autant. Personne ne nous en empêche. Les «guerres du monde» ne sont pas responsables. La situation déplorable de l'asile en Suisse est de nature interne.

 

Source et auteur : Roger Koeppel, Die Weltwoche, Editorial, 17 juin 2015, le lien, ici

4 commentaires

  1. Posté par Pierre H. le

    Nous devons court-circuiter nos « élites » ! Si quelqu’un a une idée, elle est bienvenue !

  2. Posté par Le pragmatique le

    Et la destitution de Somaruga c’est pour bientôt ? Il serait temps avant que le pays soit noir de monde.

  3. Posté par top gun le

    L’armée aux frontières c’est une priorité, une urgence, mais qui va donner le feu vert!?

  4. Posté par Cusin Muriel le

    Oui.. nous devons mieux contrôler nos frontières..

Et vous, qu'en pensez vous ?

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