« Avantage suisse » ou « Désavantage suisse » ou encore « Avantage UE » ?

NDLR. Nous reproduisons ci-dessous l’éditorial de Roger Koeppel dans la Weltwoche de ce jour.
A noter que même Raymond Lorétan Président du Conseil d’administration de la RTS ( « notre » radio-télévision) figure parmi les signataires.
Et l’on sait que Roger de Weck, directeur de cette même RTS, membre ou ex-membre du Club Helvétique, auteur d’un hommage à Daniel Cohn-Bendit, lors de la remise d’un prix à ce dernier en Allemagne, est un partisan de l’adhésion de la Suisse à l’UE !
Quand on sait qu’il est beaucoup question de la neutralité politique de la Suisse ces temps, quand est-il de la neutralité de « notre » RTS et de celle de ce « Service public »?

Éditorial: Désavantage Suisse | Die Weltwoche, Ausgabe 15/2015 | Donnerstag, 9. April 2015

Editorial

Désavantage Suisse

«Avantage Suisse» travaille contre l'un des plus grands avantages avérés de la Suisse.

De Roger Köppel

Seulement sept millions de francs? C'est la somme qu'un nouveau mouvement nommé «Avantage Suisse» veut dresser contre le cheval de bataille de l'UDC et l'eurosceptique Christoph Blocher pour engager la Suisse dans un rapport bilatéral assez flou avec l'Union européenne. Le montant semble modeste comparativement à la puissance financière cumulée des personnes impliquées. 

L'ex-entrepreneur Hansjörg Wyss y participe. Sa fortune est estimée à plus de 9,5 milliards de francs. L'autre entrepreneur associé à cette initiative, Jobst Wagner, dirige le groupe international Rehau fort de 18 000 employés. Le patrimoine de sa famille est, lui, estimé à environ 900 millions de francs. Nicole Loeb, la millionnaire bernoise patronne des grands magasins du même nom, en fait aussi partie, tout comme d'autres personnes fortunées auxquelles devrait se joindre une centaine d'autres. Seulement sept millions de francs?

À en croire la rhétorique de la nouvelle organisation de combat, la Suisse est menacée dans ses fondements depuis le 9 février 2014. Les diagnostics sont connus. La Suisse serait menacée d'isolement. Il faudrait à tout prix sauver les accords bilatéraux. On ne voudrait certes pas intégrer l'UE, mais en aucun cas dénoncer les accords sur la libre circulation des personnes. Les participants jugent dévastatrice l'initiative de l'UDC «Le droit suisse au lieu de juges étrangers». Il en va «de la prospérité, de la liberté et de la sécurité de la Suisse». Le sauvetage de la Suisse ne vaut-il aux yeux de ces milliardaires que sept millions de francs?

À moins que ces sept millions soient énormément d'argent gaspillé pour des objectifs peu clairs. On est, sans l'avouer, contre l'UDC. Mais en faveur de quoi le mouvement s'engage reste, à vrai dire, confus. L'UE n'a actuellement pas franchement la cote auprès de la majorité des Suissesses et des Suisses. Le comportement irrespectueux de certains fonctionnaires bruxellois après la décision populaire contre l'«immigration de masse» a été mal perçu. Personne ne veut entourer la Suisse d'une clôture de barbelés, mais une immigration annuelle nette de 80 000 personnes n'est pas vraiment considérée comme idéale, même en dehors de l'UDC. N'est-il pas légitime et raisonnable d'appuyer ici sur le frein?

Je n'ai rien contre les appels à l'ouverture et à la mise en réseau internationale. La Suisse est au moins depuis le serment du Rütli, lorsque les premiers éleveurs uranais ont franchi le Saint-Gothard pour marcher sur la Lombardie, un pays connu pour son sens des affaires au-delà de ses frontières. Évidemment, la Suisse continue d'avoir a fortiori un intérêt vital à une excellente coopération économique avec le monde entier – et, au demeurant, pas seulement avec l'Europe. Cela ne fait pas de mal de remémorer périodiquement de telles évidences. Y a-t-il un Suisse qui resterait sourd à de tels rappels méritoires?

Permettez-moi de dire que cette troupe politique autour de Wyss et de Wagner, financièrement à l'aise et qui fait pourtant un peu pingre, enfonce des portes largement ouvertes. La surestimation des «accords bilatéraux» avec l'UE qui en fait le nerf de la guerre pour la Suisse n'est pas crédible. Ce ne sont que des traités. Le problème est ailleurs. Il réside dans les exigences de l'UE qui pousse à un approfondissement institutionnel des bilatérales qui impliquerait de nous intégrer dans une zone économique excessivement réglementée à fiscalité élevée, sans possibilité d'autodétermination. La question n'est pas économique, mais politique.

L'UE voudrait – et le Conseil fédéral lui facilite la tâche – que la Suisse reprenne automatiquement à l'avenir le droit communautaire dans toutes les relations contractuelles bilatérales et qu'elle se soumette, en cas de conflit, aux instances judiciaires européennes. Le peuple est contre, mais la politique poursuit son œuvre d'autodissolution de la démocratie directe. On est habitué à ce que Berne fasse généralement traîner les décisions populaires déplaisantes, voire ne les applique même pas. L'avantage majeur de la Suisse réside dans le fait que ce sont les citoyens qui commandent – à l'instar des clients dans l'économie de marché. C'est précisément contre cet avantage que travaille «Avantage Suisse».

L'intelligence ne protège pas de la bêtise. Même les plus intelligents peuvent se tromper. L'histoire suisse est une leçon d'adaptation et de flexibilité. Pour vouloir s'adapter et se montrer flexible, il faut pouvoir agir et décider. Entrer dans des relations de dépendance contraignantes signifie perdre la capacité de voler de ses propres ailes en cas de nécessité. La Suisse est toujours parvenue à trouver remarquablement l'équilibre entre affirmation nationale et intégration internationale. On n'aide pas le pays en forçant l'international au détriment du national.

Cela ne marche pas. Car, au final, personne ne le veut. Nos célébrations historiques s'enchaînent actuellement semaine après semaine: Morgarten 1315, Marignan 1515, Congrès de Vienne 1815. La Suisse est le seul pays au monde qui a délibérément incarné en une image de soi positive une défaite militaire brutale. Marignan n'a pas seulement sonné l'heure de la naissance de notre neutralité. L'effondrement des guerriers confédérés devant Milan a aussi, paradoxalement, donné des ailes au commerce international mené par des mercenaires confédérés. Ce qui d'un côté a initié le retrait en politique étrangère a signifié de l'autre côté le triomphe d'une expansion économique à l'étranger. National et international, intérieur et extérieur sont des aspects inhérents à la Suisse.

Le véritable enjeu est de savoir qui décide des lois en Suisse. D'après la Constitution, ce sont le peuple et les cantons. Nous devrions nous y tenir. À l'avantage de la Suisse.

Roger Koeppel, Die Weltwoche,  9 avril 2015

9 commentaires

  1. Posté par Marie-France Oberson le

    @Hervé: « mais ils faudrait une Suisse forte »…là est toute la question, Mais avec nos « dhimmi » sous la coupole , c’est pas gagné !.. Il y faudrait au moins 4 Blocher !!

  2. Posté par Hervé le

    Je souhaite juste une Suisse qui aura la force de démontrer à l’Europe qu’elle est dans le vrai, mais ils faudrait une Suisse forte…

  3. Posté par Jac Etter le

    Bravo Geronimo, très intéressant. Vous pointez le doigt, là où ça fait mal. On comprend mieux les comportements manipulateurs et précautionneux de certains. Il ne reste plus qu’à définir ce que signifie au niveau légal « indépendance » pour la Confédération. Mais avis qu’imposer manu militari des lois issues de l’UE au peuple et aux cantons, à l’encontre de leurs décisions et votations, devrait permettre une entrée en considération, sans parler de l’ingérence de l’UE au niveau fiscal, bancaire et immigrationniste.

  4. Posté par Geronimo le

    Cette association et tous les pros EURSS ne prennent-ils pas un énorme risque ?
    Art. 266 du code pénal:
    « Atteinte a l’indépendance de la Confédération
    1. Celui qui aura commis un acte tendant
    à porter atteinte à l’indépendance de la Confédération ou à mettre en danger cette indépendance,
    ou à provoquer de la part d’une puissance étrangère, dans les affaires de la Confédération, une immixtion de nature à mettre en danger l’indépendance de la Confédération,
    sera puni d’une peine privative de liberté d’un an au moins.
    2.1 Celui qui aura noué des intelligences avec le gouvernement d’un Etat étranger ou avec un de ses agents dans le dessein de provoquer une guerre contre la Confédération sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au moins.
    Dans les cas graves, le juge pourra prononcer une peine privative de liberté à vie. »

  5. Posté par Menoux Claude le

    Un ouvrage que l’on peut se procurer « LES RACINES NAZIES DE L’UNION EUROPöENNE »montre que les architectes principaux de l’Union Européenne ont été recrutés parmi les mêmes technocrates qui avaient précédemment conçu les plans de la périodes précédant la Seconde Guerre Mondiale d’une future Europe sous la coupe de Nazis.
    En révélant les importantes similitudes entre la nature anti démocratique de l’Union Européenne et les plans nazis d,un  » Espace économique global Européen » de la période d’avant la seconde Guerre mondiale, la stupéfiante information de ce livre marque le début de la fin du soit disant : Plan Européen de l’UE.

  6. Posté par hotch le

    Il est intéressant de constater que personne ne s’inquiète de voir M. Wyss donner des conseils à la Suisse alors que son domicile principal est aux USA.
    Son souci d’imposer ses idées politiques ne semble d’ailleurs pas se limiter à notre pays, puisqu’il financerait, par le biais de diverses fondations qu’il contrôle, de nombreuses institutions liées au parti démocrate (Clinton foundation, etc)
    Ce soutien est d’ailleurs controversé en raison de la condamnation de 4 cadres de Synthes (dont Wyss était alors le CEO et principal actionnaire) pour des essais cliniques illégaux ayant provoqué plusieurs décès (Norian).
    Certes, ce n’est pas avec de l’argent de la drogue qu’il entend financer « Avantage Suisse », mais à mon avis ça ne vaut pas beaucoup mieux.

  7. Posté par groudonvert le

    Syriza ne reviendra pas au Drachme et trahira toutes ses promesses.

  8. Posté par lucie le

    Bien dit

  9. Posté par Pierre H. le

    Je prie tous les soirs pour que l’UE s’effondre avant que la Suisse ne soit poussée dedans. Comme ça, la question ne se pose plus… Je prie aussi pour de la Grèce revienne au Drachme et que ça marche. Ça créera un précédent !

Et vous, qu'en pensez vous ?

Poster un commentaire

Votre commentaire est susceptible d'être modéré, nous vous prions d'être patients.

* Ces champs sont obligatoires

Avertissement! Seuls les commentaires signés par leurs auteurs sont admis, sauf exceptions demandées auprès des Observateurs.ch pour des raisons personnelles ou professionnelles. Les commentaires sont en principe modérés. Toutefois, étant donné le nombre très considérable et en progression fulgurante des commentaires (259'163 commentaires retenus et 79'280 articles publiés, chiffres au 1 décembre 2020), un travail de modération complet et exhaustif est totalement impensable. Notre site invite, par conséquent, les commentateurs à ne pas transgresser les règles élémentaires en vigueur et à se conformer à la loi afin d’éviter tout recours en justice. Le site n’est pas responsable de propos condamnables par la loi et fournira, en cas de demande et dans la mesure du possible, les éléments nécessaires à l’identification des auteurs faisant l’objet d’une procédure judiciaire. Les commentaires n’engagent que leurs auteurs. Le site se réserve, par ailleurs, le droit de supprimer tout commentaire qu’il repérerait comme anonyme et invite plus généralement les commentateurs à s’en tenir à des propos acceptables et non condamnables.

Entrez les deux mots ci-dessous (séparés par un espace). Si vous n'arrivez pas à lire les mots vous pouvez afficher une nouvelle image.