La France et sa laïcité pathologique

Christian Vanneste
Président du RPF, député honoraire

La triste polémique suscitée par la RATP, et par son publicitaire Métrobus, filiale de Publicis et de JC Decaux, qui avaient refusé une affiche portant la mention des Chrétiens d’Orient et qui ont fini par l’accepter sous une avalanche de critiques venues de toutes parts, est très significative de l’état de notre pays. Avec une affligeante myopie, les décideurs parisiens d’un service public se sont recroquevillés sur une position fondée sur un mélange de juridisme étroit et d’idéologie dominante, pour cacher une guerre qu’ils ne sauraient voir. Au Moyen-Orient, la guerre. A Paris, la polémique. Heureusement que l’Armée est à la hauteur, comme elle vient de le montrer au Mali, en libérant un otage hollandais, car à la longue, la médiocrité du microcosme faisandé qui séjourne dans la capitale nous ferait douter du pays.

Dans cette affaire, ce qui frappe le plus, c’est l’inculture, l’étroitesse d’esprit, l’absence de réflexion, le souci de se conformer à la mode idéologique, bref, en un mot, la bêtise qui a justifié une première décision unanimement dénoncée, ou presque. J’ai entendu le mot « chrétien », je sors ma paire de ciseaux. La laïcité m’interdit d’afficher ainsi une confession religieuse. Le fait que  toute l’Histoire de France depuis le baptême de Clovis soit imprégnée de christianisme est ainsi gommé par la publicité qui ne vit que dans un présent sans racines. Le fait que la France ait été pendant des siècles la protectrice des Chrétiens d’Orient est un détail sans importance. Il faut respecter la laïcité, en oubliant que celle-ci ne vise nullement à interdire l’expression religieuse, mais à n’en privilégier aucune, puisque l’Etat les reconnaît, mais ne s’en réclame plus. D’ailleurs, comme l’ont remarqué quelques mauvais esprits, la censure a été moins regardante à l’encontre des publicités vantant les mérites d’un film intitulé « Qu’Allah bénisse la France » ou ceux d’une carte téléphonique ou de produits alimentaires à l’occasion du Ramadan, cette fête étant clairement mentionnée. Mais la pincée d’idéologie dominante propre au microcosme exige un peu de discrimination positive en faveur des religions qui n’étaient pas directement visées par la loi revancharde de 1905, en vertu de la dose de repentance et de haine de soi qu’impose le politiquement correct.

Pris la main dans le pot de peinture noire, les censeurs ont eu recours à ce que l’on serait tenté d’appeler du « jésuitisme ». Ce n’est pas tant la laïcité qui les aurait guidés que la neutralité d’un service public français dans un conflit étranger. Cette défense ressemblant à celle d’un coupable maladroit pris en flagrant délit et inventant un alibi grotesque est tragi-comique. Le massacre des Chrétiens par les fanatiques de l’Etat islamique, les atrocités qu’ils subissent, les décapitations, les crucifixions, les viols, l’exode ne seraient pas un drame qui soumet une victime à un bourreau, mais un conflit étranger. Or, il n’y a ni Etat chrétien, ni armée chrétienne. Il y a non pas un Etat reconnu internationalement, mais un pouvoir féroce qui occupe un territoire sans aucune légitimité et soumet la population à sa barbarie, et on ose présenter cela comme un conflit dans lequel la RATP se doit d’être neutre, alors même que la France intervient, au moins en Irak contre les djihadistes. La mauvaise foi lardée de stupidité de l’argument n’a pas tenu. L’intervention de Laurent Fabius à l’ONU avait précédé les prises de positions de l’ensemble du monde politique contre cette censure. La pitoyable manoeuvre consistant à remplacer « Chrétiens d’Orient » par « Oeuvre d’Orient », ce qui aurait fait disparaître le sens immédiatement compréhensible par chacun du message, a été repoussée à juste titre par Mgr di Falco. Ce que « Libération » enfermé dans ses vieux réflexes gauchistes présentait comme une colère des « cathos réacs » est devenue ce qu’elle a toujours été : l’indignation générale devant un mélange d’insensibilité, d’injustice et d’idiotie. Le Saint-Père dénonçait récemment l’indifférence du monde pour le sort des Chrétiens d’Orient. Ce faux pas de la RATP et de Métrobus aura eu le mérite, comme c’est souvent le cas pour les erreurs rattrapées in extremis de mettre davantage en lumière ce concert à l’Olympia donné par trois prêtres le 14 Juin en faveur des Chrétiens d’Orient. Que la coordination pour les Chrétiens d’Orient en danger maintienne sa plainte et la pression, comme l’a annoncé son président, Patrick Karam, est une excellente chose.

Christian Vanneste, 7 avril 2015

3 commentaires

  1. Posté par Mathilde le

    Tout à fait d’accord avec l’explication de Vautrin.

  2. Posté par Vautrin le

    Ce que je vais écrire ne va pas plaire, mais tant pis. Le principe de laïcité renvoie les religions de la sphère publique vers la sphère privée, ce qui veut dire : nous avons un Code civil et celui-ci s’applique à toute personne présente sur notre sol, sans distinction de race et de religion. Par conséquent aucune religion ne peut prétendre substituer ses codes à ceux de l’ensemble de la nation. Il s’ensuit que l’exercice des cultes relève strictement du privé des adeptes. Corollaire : aucune religion n’est autorisée à faire du prosélytisme sur la place publique. Principes simples, qui se justifient par le souci d’éviter le désordre occasionné par les guerres de religions et les querelles de chapelles au sein même des religions.
    Jusqu’à l’arrivée massive des musulmans chez nous, la laïcité, après une période compréhensible de querelles à la Clochemerle, avait fini par établir une paix religieuse. L’invasion de l’islam a détruit cet équilibre, et le prosélytisme de cette religion s’affiche partout de manière agressive. Là est le problème, car en sus l’islam reçoit un appui à la fois passif et actif, sous couvert de « tolérance », de la part de la caste politique et des médias. L’exigence d’un respect de la laïcité revient donc fortement à l’ordre du jour et s’inscrit dans la lutte pour l’identité nationale. On m’objectera que cette identité hérite de traditions judéo-chrétiennes; sans doute, mais l’héritage est aussi gréco-latin (et le judéo-christianisme originel lui-même a été profondément transformé par Byzance et Rome), voire Celte et même Germanique. C’est-à-dire : notre héritage, pour composite qu’il soit, est Français, un point c’est tout.
    Il est, par conséquent, dangereux d’opposer une religion à une autre, dans cette querelle de la laïcité. Le vrai problème est l’affrontement de la charia et du Code civil. C’est un problème d’incompatibilité, et le Code Civil doit l’emporter.
    Maintenant, dans l’affaire de l’affichage RATP, il y a une hypocrisie de la part de cette compagnie à refuser une affiche portant le mot « chrétiens » alors qu’en maintes occasions elle ne se gêne pas pour exhiber des panneaux franchement pro-islamiques (souvent camouflés sous l’appellation de « culture arabo-musulmane) »). Bref : il y a incontestablement parti-pris et guerre de religion, ce qui aurait été évité si la RATP avait dès le début refusé tout affichage à caractère religieux, ouvert ou crypté, c’est-à-dire en respectant scrupuleusement le principe de laïcité. La situation grotesque qui résulte de cet « oubli » est un indice certain que les guerres de religions sont à nouveau à l’ordre du jour, et que, par conséquent, la paix civile est compromise. Je suppose que cela n’étonnera personne, qu’en fait tout le monde la sait, mais que personne ne réagit.
    Une autre erreur, en cette affaire, est de proclamer : « nous soutenons les chrétiens d’Orient ». Ce n’est pas le fait de les soutenir qui est contestable, c’est de réduire des personnes persécutées à leur seule dimension religieuse. C’est une maladresse : on soutient des populations victimes d’un holocauste perpétré par des fanatiques. C’est une autre dimension.

  3. Posté par François le

    Excellent texte, 100% d’accord avec Christian Vanneste !

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