Poutine est-il un grand méchant loup ?

Jan Marejko
Philosophe, écrivain, journaliste

 

Le 13 mars, grand débat sur la Russie et L'Occident dans l'émission de Frédéric Taddeï, Ce soir ou jamais. L'ancien ministre des affaires étrangères français, Hubert Védrine, a commencé par expliquer comment, avec leurs gaffes et leur manque d'analyse, Washington, Paris, Berlin et l’OTAN ont leur part de responsabilité dans la tension grandissante avec le Kremlin. Tout de suite, je respire. Lorsqu'on explique ce qui se passe sur la scène internationale par référence à un grand méchant loup responsable de toutes les misères actuelles et futures, ça me déprime. Notamment parce que ce genre de référence implique nécessairement que ceux qui s'opposent au grand méchant loup, eux, sont purs, immaculés. Des immaculés,  je n'en ai jamais rencontré.

 

Ce  manichéisme entre purs et impurs est non seulement déprimant, mais aussi abrutissant. Il empêche toute analyse sérieuse et fait du monde une grande scène où les forces du mal luttent avec perfidie contre les forces du bien, grande scène où aimaient se produire autrefois nazis et communistes, avec tout l'arsenal du complot contre un peuple ou une classe très purs. Les purs sentent que les méchants veulent les exterminer, et inversement. A ce point, on n'est plus dans la géopolitique, mais dans une sanglante bande dessinée. Dès ce moment, le débat, démocratique ou non, est impossible. Il ne reste plus qu'à éliminer ou exterminer.

 

Les participants au débat dont il est question ici nous ont fait sortir de la bande dessinée, à une exception près. Raphaël Glucksman. Ce chantre de la pureté maïdanienne à voulu montrer que la plus récente révolution ukrainienne (elle a en effet été précédé par la révolution orange) nous permet de voir clairement, selon lui, où sont les vrais démocrates et les autres, les méchants Ukrainiens alliés aux affreux Russes. Pour Glucksman, Maïdan a été une grande révolution démocratique et tous ceux qui s'y opposent sont des fascistes. Depuis Robespierre et Rousseau, le refrain est bien connu. On pose un peuple imaginaire paré de toutes les vertus mais hélas odieusement opprimé par des gouvernants pourris. Des participants, notamment Andrei Grachev, ont bien essayé de lui dire que l’Ukraine est un pays déchiré très loin d’être uni, mais sans succès.

 

Heureusement,  il y avait Slobodan Despot qui a cassé cette bande dessinée en faisant d'abord observer que la méthode consistant à décrire Poutine comme responsable de toutes les violences pourrait être facilement appliquée à Obama. Ensuite il a rappelé qu'il y a des centaines de millions d'hommes, en Europe et en Russie, dont le destin est ou pourrait être affecté par la crise ukrainienne. Jusque-là,  personne n'y avait pensé.  Cette intervention de Despot m'a frappé. Depuis le début, les participants à cette émission cherchaient à donner une explication pointue de ce qui se passe. A l'exception de Glucksman, ils ne donnaient pas dans ce manichéisme où tout est blanc d'un côté, noir de l'autre. L'exercice était donc intéressant, mais le côté tragique de l'histoire avec ses victimes était ignoré. Il était extraordinaire de voir des individus se disant démocrates rester muets ou presque sur des enjeux qui concernent les peuples de Russie et d'Europe.

 

A la fin du débat, un consensus s'est fait sur l'assassinat de Nemtsov. Il est pratiquement invraisemblable que Poutine l'ait commandité. Mais on n'en est pas resté là. Parallèlement à la montée en puissance du président russe, des groupes ultranationalistes sont eux aussi montés en puissance. Ce sont probablement eux qui ont organisé cet assassinat. Poutine contrôle-t-il ces groupes ? La liquidation de Nemtsov suggère que non. Dès lors, il est possible que Poutine soit un apprenti sorcier et c’est là qu'il y a un réel danger.

Jan Marejko, 14 mars 2015

 

 

5 commentaires

  1. Posté par Pierre H. le

    Poutine : les principaux meneurs du jeu sur le Maïdan étaient nos amis américains

    Dans le documentaire «Crimée : la voie vers la Patrie», le président russe est revenu sur le coup d’Etat de Maïdan, sur ce qui aurait pu se passer avec Viktor Ianoukovytch et sur la décision de donner à la Crimée une chance de rejoindre la Russie.

    Les Etats-Unis étaient les vrais marionnettistes du coup d’Etat en Ukraine. Cette déclaration a été faite par le président russe Vladimir Poutine dans le documentaire «Crimée : la voie vers la Patrie» diffusé sur la chaîne Rossiya 1.

    «La subtilité du plan consistait à ce que, formellement, l’opposition en Ukraine soit tout d’abord soutenue par les Européens. Mais nous savions bien – nous ne nous sommes pas seulement rendus compte, nous le savions – que les principaux meneurs du jeu étaient nos amis américains. Ce sont eux qui ont aidé à préparer les bataillons nationalistes, leur entraînement était en cours en Ukraine occidentale, en Pologne et en Lituanie. Comment se sont comportés nos partenaires ? Ils ont mis en place les conditions d’un coup d’Etat», a expliqué le président.

    Vladimir Poutine, dans le documentaire, reconnaît s’être occupé personnellement de la sécurisation de la péninsule, ce qui aurait donné un avantage d’efficacité à la Russie.

    «Savez-vous en quoi consistait notre avantage ? C’est le fait je m’occupais moi-même de ce processus. Je ne veux pas dire que je faisais tout comme il faut, mais quand ce sont les personnes au sommet de l’Etat qui s’activent, cela devient plus facile pour les exécutants de faire leur travail», a-t-il indiqué. «Ils sentent, ils comprennent et ils savent qu’ils exécutent un ordre, ils ne commettent pas de voie de fait. En revanche, quand la structure étatique est en décomposition ou en quasi décomposition, les ordres peuvent ne pas être envoyés, ou ne pas atteindre leurs destinataires ou voir leur légitimité contestée», a-t-il commenté.

    Le président a souligné que la Russie ne pensait pas à «l’incorporation de la Crimée» jusqu’au début du coup d’Etat en Ukraine. «Nous ne pouvions pas laisser tomber ce territoire et les habitants qui habitent là-bas entre les mains des nationalistes», a dit le président.

    «J’ai donné les instructions appropriées, j’ai annoncé ce que nous allions faire et comment nous allions le faire, mais j’ai tout de suite prévenu que nous allions le faire à condition d’être absolument sûrs que les habitants de la Crimée eux-mêmes le veulent», a-t-il précisé.

    Vladimir Poutine a noté que le nombre réglementaire de militaires dans la base navale de la mer Noire en Crimée n’a pas été dépassé. «On n’a pas eu besoin de tirer parti de l’autorisation du Conseil de la Fédération à introduire nos troupes en Ukraine, je n’ai pas cherché de détours. Selon l’accord international concerné, nous avions le droit de maintenir 20 000 hommes dans notre base militaire en Crimée, et même un peu plus. Et malgré les affectations supplémentaires, il y avait moins de 20 000 militaires russes en Crimée», a déclaré Poutine.

    «Vu que nous n’avons pas dépassé la quantité du personnel réglementaire dans notre base en Crimée, nous n’avons enfreint aucune disposition au sens strict. Et nous n’avons pas introduit de contingents additionnels», a-t-il signalé.

    Vladimir Poutine a indiqué que, pour désarmer les 20 000 militaires ukrainiens stationnés en Crimée, des agents de reconnaissance militaire et des soldats d’infanterie de la Marine ont été disposés sous couvert de renforcement de la garde des objets militaires russes.

    «Afin de bloquer et de désarmer 20 000 soldats il faut, bien sûr, mobiliser un personnel particulier, pas seulement du point de vue de la quantité mais aussi du point de vue de la qualité. Nous avions besoin de militaires spécialisés. C’est pourquoi j’ai donné des ordres et des instructions au ministère de la Défense en vue d’y envoyer des forces spéciales de reconnaissance, des marines, et des parachutistes – le tout sous couvert de renforcement de la garde de nos objets militaires en Crimée, il ne faut pas le cacher», a raconté le président.

    «Le sang ne devait en aucun cas être versé. Et il importait de donner aux habitants, comme je l’ai déjà dit, la chance d’exprimer leur volonté», a souligné le président.

    Selon Vladimir Poutine, les missiles de défense côtière «Bastion» déployés sur la péninsule ont été consciemment disposés de sorte qu’on puisse les voir depuis l’espace.

    «Cela ne pouvait pas être fait sans l’aval d’une autre personne que le Commandant en chef des armées [c’est-à-dire le président de la Fédération de Russie, ndlr]. “Bastion” est un système défensif qui protège la côte, qui protège le territoire. Il n’attaque personne, mais c’est une arme efficace, moderne et précise que personne d’autre ne possède actuellement. C’est probablement le missile côtier le plus efficient à l’heure actuelle. Ainsi, pour qu’on comprenne que la Crimée est bien protégée, nous y avons envoyé ces systèmes côtiers “Bastion” – a raconté Poutine – En outre, nous avons tourné ces systèmes de manière à ce qu’on les voie de l’espace».

    Le monde
    Raconter l’actualité

    http://francais.rt.com/lemonde/1061-poutine–forces-speciales-russes

  2. Posté par Pierre H. le

    Pour en revenir à mon commentaire précédent, vous vous rendez compte que c’est un général de l’armée américaine qui dit ça ??? C’est simplement hallucinant ! C’est même à vomir ! Le camp du bien autoproclamé ! Imaginez un moment qu’un général russe dise cela à propos des Américains. La Russie verrait voler des bombardiers US autour de ses frontières. Le monde soit-disant libre est devenu fou, inconscient et abominable ! Et les mêmes parlent de démocratie, de camp du bien, etc… C’est plus que de la novlangue ! Tout le sens des mots a été confisqué et remplacé !

  3. Posté par Pierre H. le

    Ecoeurant !!!
    «le seul moyen par lequel les Etats-Unis peuvent influencer cette région et changer la situation, c’est tuer des Russes… tuer tellement de Russes que même les médias de Poutine ne pourront pas cacher le fait que les Russes retournent à leur patrie dans des housses mortuaires».
    Maj. Gen. Robert Scales (US Army)

    http://francais.rt.com/lemonde/1058-etats-unis–lex-general

  4. Posté par Anne le

    Apprenti sorcier … ou le dernier rempart avant la prise du pouvoir par les nationalistes ?
    Poutine donne l’impression d’être obligé de composer avec eux, il leur cède sur la forme mais pas trop sur le fond-jusqu’à présent.
    En tout cas, son opposant le plus sérieux n’était sûrement pas Nemtsov

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