L’opposition démocratique en Russie n’est pas celle que vous croyez !

Yvan Blot
Yvan Blot
Inspecteur général, Ministère de l'Intérieur. Auteur: "La démocratie directe:une chance pour la France", 2012

Lorsque vous lisez ou écoutez les médias occidentaux, vous avez l’impression qu’il y a en Russie une forte opposition au président Poutine qui est incarnée par des noms qui reviennent en boucle : Navalny, Oudaltsov, et autrefois Nemtsov. Pourtant, cette impression ne cadre pas du tout avec d’autres informations. Le président Poutine, selon des instituts de sondage indépendants comme Levada, bénéficie d’un soutien de l’ordre de 85%  de la population : du jamais vu, à comparer avec le soutien de 18%  en France pour le président Hollande. On ne parle pas de déstabilisation du régime français alors qu’on évoque souvent ce thème pour la Russie !

 

De plus, les personnalités évoquées par les médias occidentaux font des scores très faibles aux élections. Le malheureux Nemtsov, assassiné peut-être par une filière islamiste, a fait dans sa ville natale de Sotchi, 18%  des voix seulement. Serguei Oudaltsov n’a pas fait de score électoral significatif et se consacre plutôt à des manifestations de rue. Quant à Alexei Navalny, ancien étudiant de l’université de Yale aux Etats Unis, il obtint un maximum de voix de 30%  dans une élection municipale à Moscou. Le parti libéral Yabloko fait des scores très faibles.

 

Curieusement, on ne parle guère de la vraie opposition qui a des parlementaires et une forte base électorale. Le plus grand parti d’opposition à Poutine reste le parti communiste, ce que l’on se garde bien de dire car le citoyen occidental moyen pourrait préférer Poutine à un retour du communisme. De plus, ce parti communiste se veut patriote ce qui est fort mal vu en Occident. En 2011, le parti de Poutine, Russie Unie, a obtenu 238  sièges avec plus de 32  millions de voix. Le parti communiste de Ziouganov obtint 19%  des suffrages soit 12,5 millions de voix et 92  sièges. Russie Juste, que l’on considère comme socialiste modéré obtint 64 sièges et plus de 8 millions de voix. Le parti libéral démocrate de Jirinovski, ultra nationaliste, a eu 11,6% et 7,6 millions de voix donc 64  sièges. Iabloko, le parti libéral adoré en Occident a eu moins de 4%  des voix donc aucun député à la Douma d’Etat (Assemblée Nationale).

 

C’est donc étonnant de voir nos médias si assoiffés d’opposition à Poutine ne jamais citer les grands partis d’opposition et leurs chefs Ziouganov (communiste) Mironov (social-démocrate) Jirinovski (ultra nationaliste) au profit de quelques personnalités artificiellement lancées dans les médias. On dirait que le monde occidental ignore la représentation démocratique au profit des opposants de rue ultra minoritaires.

 

Aux élections présidentielles, on retrouve les mêmes tendances. En 2012, Poutine obtint 63,6%  des voix dès le premier tour. Son principal opposant communiste Ziouganov obtint 17,1%, puis le milliardaire libéral Prokhorov obtint presque 8% et le nationaliste Jirinovski 6%  environ. Russie Juste, social-démocrate n’a eu que 4%  à peine. La participation électorale fut des deux tiers.

 

On refuse de voir la réalité : les électeurs russes sont en majorité poutiniens et l’opposition reste dominée par le parti communiste de Russie. De plus, la plupart des partis représentés au parlement donc représentant effectivement une fraction populaire importante, sont patriotes. D’autres sondages évoqués dans la brochure de club de Valdaï de 2013  sur l’identité nationale révèlent que 81%  des Russes se disent patriotes ou très patriotes. Les élites occidentales trouvent commodes de se prononcer contre Poutine mais en réalité elles s’opposent à l’immense majorité de la société civile russe qui défend les valeurs traditionnelles et le patriotisme. Ces élites ont d’ailleurs des problèmes croissants avec leur propre opinion publique : en France, en Angleterre, en Italie, et plus récemment en Allemagne, on observe une montée du patriotisme et des valeurs conservatrices surtout chez les jeunes. Ces élites devraient plutôt s’interroger sur leur défaveur croissante dans le public plutôt que de rêver sur une déstabilisation de la Russie parfaitement invraisemblable dans l’état de la sociologie politique de la Russie.

 

Si l’on considère que la démocratie est un régime « par le peuple et pour le peuple » comme c’est écrit dans l’article deux de la constitution française, la Russie est bien plus démocratique aujourd’hui que la plupart des régimes d’Occident (sauf la Suisse). Les valeurs des élites politiques russes et du peuple russe sont les mêmes : valeurs traditionnelles, notamment chrétiennes et patriotisme. Par contre, en Occident, il y a un fossé croissant entre le peuple et les élites politiques comme je l’ai montré dans mon livre « l’oligarchie au pouvoir ». En France, MM. Bréchon et Tchernia, du CNRS  ont montré que seulement 35%  de la population fait confiance au gouvernement et au parlement ; Les partis ont le score catastrophique de 18%  de confiance et le président Hollande n’a guère plus de soutien. Curieuse démocratie que la France où les citoyens donnent au régime la note de satisfaction de 3,9 sur 10, chiffre qui ne fait que baisser depuis une vingtaine d’années. Ce chiffre est de 8 sur 10 en Suisse, pays où les citoyens sont consultés fréquemment par référendums.

 

La Russie est actuellement attachée à son président qui a une légitimité démocratique réelle que beaucoup de présidents de pays occidentaux pourraient lui envier. C’est peut-être la source d’une jalousie maladive ! Mais l’opposition démocratique représentée au parlement défend elle aussi des valeurs traditionnelles et patriotiques, ce qui est inadmissibles pour des médias occidentaux formés aux valeurs de mai 68, hostiles à la famille, aux traditions, aux racines historiques et chrétiennes et détestant le sentiment patriotique lui-même. Donc ces médias se raccrochent à des opposants de rue très minoritaires dans l’électorat, adulés par les élites politiques occidentales mais peu reconnues au sein du peuple russe. En fait l’hystérie antirusse n’est pas seulement tournée contre Poutine mais aussi contre l’opposition démocratique représentée au parlement russe. C’est pour cela que l’on fait silence sur cette opposition.

 

Cette attitude est un aveu : en réalité les manipulateurs de l’opinion en Occident se méfient de tous les peuples, et cette méfiance leur est d’ailleurs justement retournée : 38% seulement des citoyens en France (études de Bréchon et Tchernia déjà citées) disent faire confiance aux médias pour dire la vérité !

 

Il ne fait donc pas s’attendre à une déstabilisation de la Russie mais plutôt à une déstabilisation en Europe occidentale où les dirigeants ont d’ores et déjà perdu beaucoup de leur légitimité populaire !

Ivan Blot, 9 mars 2015

 

9 commentaires

  1. Posté par MESTRES le

    J’ai une grande admiration pour V. Poutine et j’estime que tous ceux qui le critiquent ne lui arrivent pas à la cheville. A l’heure actuelle, je préférerais être russe à être « française »!!!
    Vivement que Marine Le Pen prenne le pouvoir. Elle s’entend bien avec Poutine, elle!

  2. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Tiens! Un commentaire me rappelle un détail! « Bistrot » vient du russe, qui s’écrit avec un « O » mais se prononce bistra. Ceci dit, vu et entendu depuis le bar du « café du commerce », les péroraisons de Hollande, Valls, Belkacem, Cambadélis, Taubira et compagnie fleurent bon la confusion. A l’inverse des propos de Poutine, et de Marine qui, eux, ne sont pas des péroraisons. Et qui s’accordent en genre avec un ancien discours de Soljenitsyne.

  3. Posté par Lafayette le

    De toute façon , on ne peut que regretter que poutine n’ai pas annexé l’ukraine plus rapidement,

  4. Posté par Jac Etter le

    Merci pour cet article très intéressant. Décidemment on marche de plus en plus sur la tête, la Pravda, le Politburo, l’oligarchie corrompue, l’idéologie manipulatrice et esclavagiste, c’est chez nous maintenant. Bientôt, si on s’y prend bien, la bien-pensance finira par nous inventer également les camps de redressement à la Brévine, par exemple. On va tous finir en compagnie de Gérard, réfugiés politiques à Moscou. On fera alors comme les Russes à Paris dans les années 20, version helvétique : la larme nostalgique à l’œil, carnotzet, yodle, vin blanc, copains et fondues toute la nuit !

  5. Posté par Michèle LIARDET-RICHON le

    POUTINE est actuellement le seul à garder la tête froide malgré tout ce qui est fait pour déstabiliser ce qu’il est en train de réussir pour la RUSSIE et les RUSSES…. respect.

  6. Posté par Pierre H. le

    Si un jour Poutine est renversé par les magouilles occidentales et que ce sont les communistes qui reviennent au pouvoir, alors là, l’Occident aura tout gagné (ironie) et pour longtemps !!!

  7. Posté par Pierre H. le

    Ce qui est amusant, c’est que bien des noms cités par les médias occidentaux sont de près ou de loin (plutôt de près) liés aux USA… Soit ils y ont fait des études, soit on les voit en photo avec Clinton… Coïncidences ?

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