Sur le retour du chemin de Damas

Michel Garroté
Politologue, blogueur


Syrie-parlementaires


Michel Garroté -- Dans l’actuel climat de confusion générale, notamment après la visite de quatre parlementaires français en Syrie, il n’est peut-être pas inutile de rappeler quelques points stratégiques. Concernant Bachar al-Assad, l’opinion publique a de la peine à admettre que dans le climat actuel, le dictateur syrien est certes dangereux, mais moins dangereux que les islamistes. Israël surveille de très près les activités du régime Assad. Il y a quelques années, Israël a préventivement bombardé un site nucléaire syrien en construction.

Avec les islamistes, la situation est différente. Même Israël, avec ses puissants moyens de surveillance et de prévention, n’est pas en mesure de contrôler tout ce que fait l’Etat Islamique (EI) en Irak et en Syrie. Pour les Chrétiens en terre d’islam, les dictatures arabes laïques, pour la plupart d’entre elles, les ont laissé vivre tranquilles. Avec l’Etat Islamique, c’est l’inverse : les Chrétiens sont, au mieux, réduits à des dhimmis (citoyens de seconde zone, opprimés et soumis à l’islam) ; et, au pire, déportés ou exterminés. Le régime syrien de Bachar al-Assad n’est pas notre allié stratégique à long terme. Il est seulement et provisoirement un partenaire tactique à court terme.

A ce propos et de façon plus générale, il faut cesser d’appréhender, d’une part, l’islam en terre d’islam ; et d’autre part, l’islam en Occident. Car il s’agit, dans les deux cas, du même islam et du même coran. Le discours islamophile ne changera rien à cette réalité. En Occident, l’islam doit respecter l’ordre constitutionnel et laïc. Les zones de non-droit sont à remettre au pas, par la force légale et par le droit. Les Eglises d’Occident doivent exiger la réciprocité de la part de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) : si vraiment les musulmans ont droit à des mosquées en occident (sujet à débattre), alors les chrétiens d’Orient ont droit à des églises en terre d’islam (qui fut terre judéo-chrétienne bien avant de devenir terre dite d’islam).

L’alliance de l’Occident avec tel ou tel pays musulman, cette alliance doit être considérée comme une alliance tactique à court terme, même si elle est renouvelable pendant un certain laps de temps. L’Occident doit admettre, une bonne fois pour toutes, que l’islam est imprévisible ; et que par conséquent, la stratégie globale à moyen et long terme de l’Occident, face à l’islam, reste, essentiellement, un ensemble de tactiques à court terme, modifiables à tout instant. L’Occident a tout intérêt à maintenir un équilibre des forces entre islam sunnite et islam chiite. Et si les deux branches de l’islam, la branche sunnite et la branche chiite sont en guerre, l’Occident doit apprendre à en tirer profit. Car le temps que ces deux branches consacrent à se combattre signifie un temps de répit pour l’Occident.

Une délégation de l’Organisation des Nations Unies s'est rendue, lundi 2 mars 2015, à Alep, en Syrie, en dépit du rejet - par l'opposition islamique - d'un cessez-le-feu partiel dans cette ville du nord de la Syrie, cessez-le-feu proposé par le médiateur de l'ONU, Staffan de Mistura. L'émissaire de l'ONU veut finaliser un accord sur un cessez-le-feu à Alep, divisée entre milices islamiques et forces gouvernementales, pour permettre l'entrée d'aide humanitaire. L'ONU espère ensuite étendre ce cessez-le-feu à d'autres zones et encourager ainsi une trêve, puis un règlement politique du conflit en Syrie, qui a fait plus de 220’000 morts depuis mars 2011 et a poussé à la fuite plus de la moitié de la population du pays. Le rejet - par l'opposition islamique - du cessez-le-feu, risque de compliquer les choses.

François Jourdier, sur Boulevard Voltaire, écrit notamment (voir lien vers source en bas de page) : Ce qui est intéressant, c’est la versatilité de nos dirigeants : le président Assad avait assisté au défilé du 14 juillet 2008 sur les Champs-Élysées. Il est maintenant voué aux gémonies. Il y a une chose sur laquelle on insiste peu, dans le communiqué de presse de Jacques Myard sur la visite que les quatre députés « gugusses » ont faite à Bachar el-Assad : c’est le soutien que le patriarche catholique Grégorius III et le patriarche grec orthodoxe, Ignace IV Hazim, apportent à la politique du gouvernement syrien.

François Jourdier : La France est, depuis des siècles, investie de la protection des chrétiens d’Orient et s’est longtemps acquittée de cette responsabilité (Note de Michel Garroté - Sauf que la République laïque française, de 1975 à 1990, a laissé les Chrétiens du Liban se faire massacrer…). Le combat que nous menons depuis trois ans contre le président Assad y va à l’encontre, car qui peut croire qu’un pouvoir islamique même modéré (s’il y en a) ne réduirait pas, au mieux, les chrétiens en dhimmitude et plus probablement les contraindrait au départ.

François Jourdier : L’exemple de l’Égypte débarrassée des Frères musulmans est éloquent. Il a fallu l’arrivée au pouvoir du maréchal Al-Sissi pour rassurer les coptes qu’on avait commencé à persécuter et dont on brûlait les églises. Ce qui est intéressant, c’est la versatilité de nos dirigeants : le président Assad avait assisté au défilé du 14 juillet 2008 sur les Champs-Élysées. Il est maintenant voué aux gémonies.

François Jourdier : De même, le colonel Kadhafi avait pu planter sa tente bédouine en décembre 2007 sur les gazons de l’hôtel Marigny avant d’être reçu par le président Sarkozy et d’être sauvagement assassiné en 2011. Qui ne le regrette, maintenant que la Libye est livrée au chaos, que les chrétiens y sont martyrisés, que les islamistes prolifèrent au Sahel et que les immigrants envahissent l’Europe depuis les côtes libyennes ?, conclut François Jourdier, sur Boulevard Voltaire (voir lien vers source en bas de page).

On peut lire sur Les 4 vérités (voir lien vers source en bas de page), que le député français Jacques Myard, de retour de Syrie, a notamment communiqué : J’ai effectué avec trois parlementaires de l’Assemblée Nationale du groupe amitié France-Syrie, un voyage à Damas du 23 au 26 février. Ce voyage a été organisé avec le concours d’un certain nombre de personnes connaissant bien le proche orient et ayant des cabinets de consultants pour les entreprises françaises au Liban et en Syrie. Ce voyage a suscité la colère des plus hautes autorités de l’Etat. Si le sujet n’était pas sérieux, je pourrais en rire. En effet, la diplomatie n’est pas l’art de parler qu’avec ses amis mais d’essayer de trouver des solutions politiques à une guerre civile qui a déjà fait plus de 200’000 morts. Camper sur des postures dites morales, la main sur le cœur et refuser d’agir en prenant en compte les réalités est 100 fois pire qu’une faute morale. C’est une faute politique géostratégique qui ne peut aboutir qu’à la continuité de la guerre civile, avec son cortège d’horreurs.

Jacques Myard : Nous avons rencontré sur place du côté des autorités gouvernementales, le Président du Parlement, Jihad Allaham, le ministre des Affaires étrangères, Walid Moallem, le Vice- Ministre des Affaires Etrangères, le docteur Ayman SOUSSAN francophone, ainsi que l’Ambassadeur de Syrie à Beyrouth et nous avons été reçus à dîner par le grand Mufti, Ahmad Badr Al Din Hassoun, entouré du patriarche catholique Grégorius III et du patriarche Grec Orthodoxe, Ignace IV Hazim. Les deux patriarches chrétiens nous ont fait part de leur soutien à la politique du gouvernement. Nous avons rencontré également Sœur Agnès Mariam de la Croix, de manière inopinée, dans le hall de l’hôtel. Nous avons visité un hôpital généraliste où nous avons malheureusement vu des fillettes entre la vie et la mort. Il nous a été indiqué qu’il y avait un embargo sur les médicaments et les pièces de remplacement des équipements médicaux. Ce n’est pas acceptable.

Jacques Myard : Nous avons visité une ancienne école qui accueille 40 familles de réfugiés, rendu visite au centre sanitaire du Croissant Rouge où nous avons pu obtenir des informations intéressantes sur la situation sanitaire, rencontré la responsable de la Croix Rouge, Mariam Gasser, visité le Lycée Charles de Gaulle où malgré l’adversité, 250 enfants franco-syriens, continuent à apprendre le français dans des conditions périlleuses, deux roquettes étant tombées sur cet établissement sans faire heureusement de morts. Le lycée ne reçoit plus de subsides du gouvernement français : c’est inadmissible. De plus, à l’hôtel où nous étions nous avons rencontré une délégation américaine dirigée par l’ex-Attorney-General à la Cour Suprême, Ramzy Clark ce qui prouve qu’il existe bien des contacts certes indirects avec les Américains. De l’ensemble de ces prises de contact et aussi des entretiens que nous avons eus avec des responsables libanais à Beyrouth, très inquiets de la situation en Syrie, je retiens les éléments suivants à l’exclusion de notre conversation avec Bachar Al Assad dont je rendrai compte personnellement par écrit au Président de la République.

Jacques Myard : Il n’existe pas à ce stade de possibilités de victoire militaire sur le terrain d’un parti ou de l’autre. Le gouvernement tient une grande partie du pays (60 % ? ) mais il existe toujours des zones d’insécurité y compris dans le voisinage de Damas. Les terroristes syriens seraient entre 50’000 et 80’000 selon diverses sources. L’ensemble de nos interlocuteurs nous ont clairement indiqué que si la France continue à exiger le départ de Bachar au motif qu’il est infréquentable, la Syrie éclatera car il est le seul à pouvoir maintenir l’unité de l’armée, le Liban sera balayé, le chaos s’installera sur tout le Proche et Moyen Orient.

Jacques Myard : Seul un règlement politique peut ramener la paix. A ce titre, il convient de relever : que Damas a donné son accord pour un cessez le feu de 5 semaines au représentant de Benkimoun. Stéphane de Mistoura négocie avec 5 groupes d’insurgés à Alep ; qu’il y a eu récemment des négociations directes entre le gouvernement de Damas et des opposants à Moscou ; que le gouvernement a mis en place un comité de conciliation nationale avec des députés Kurdes qui « déclarent leur volonté de rester dans la patrie syrienne ». L’amnistie a été accordée à des terroristes repentis qui ont déposé les armes. Il est évident qu’au-delà des postures qui ne font en rien avancer la sortie du conflit, il faut des initiatives pour avancer à petits pas. Le point n’est pas de savoir si on aime ou pas Bachar, il est un élément du conflit incontournable. Exiger son départ, c’est à coup sûr, poursuivre une guerre civile pendant des années.

Jacques Myard : Droits de l’Homme : j’avais avec moi une dépêche AFP mentionnant que des défenseurs de la liberté d’expression, membres du centre syrien pour les médias, étaient emprisonnés. J’ai donné cette liste au Vice-Ministre des Affaires Etrangères en disant qu’il serait bien de faire un geste. Sur ce point précis, j’en ai personnellement parlé à Bachar Al-Assad lors de notre entretien. De retour à Beyrouth, mercredi soir dans la nuit, j’ai appris qu’Ulaï Hussein avait été libéré sous caution. Je n’ai pas la prétention de dire que c’est à la suite de mon intervention mais je le constate.

Jacques Myard : La France doit urgemment changer de politique en Syrie. Certains experts dénoncent l’incohérence de la France dans la lutte contre les terroristes. Nous luttons contre eux au Sahel, au Mali, au Nord Nigéria, en Irak, mais nous avons une politique confuse et brouillée en Syrie. Je rappelle qu’à l’Assemblée Nationale, Alain Marsaud a montré aux députés des fusils Famas, livrés à l’opposition dite modérée et qui se sont retrouvés dans les mains d’Al Nosra. Tous nos interlocuteurs, au-delà du cercle gouvernemental, ont dénoncé le double langage et la complicité de l’Arabie Saoudite, du Qatar et de la Turquie, ce dernier pays commerce avec Daech et lui permet ainsi d’avoir des subsides financiers importants. Un dernier point : nous avons appris qu’un gouvernement arabo-musulman emblématique devrait établir prochainement des relations diplomatiques avec Damas, conclut Jacques Myard sur Les 4 vérités (voir lien vers source en bas de page).

Michel Garroté

Sources :

http://www.bvoltaire.fr/francoisjourdier/bons-et-mauvais-dictateurs,161969?utm_source=La+Gazette+de+Boulevard+Voltaire&utm_campaign=b50ce66a7b-RSS_EMAIL_CAMPAIGN&utm_medium=email&utm_term=0_71d6b02183-b50ce66a7b-30563961&mc_cid=b50ce66a7b&mc_eid=df9a483440

http://www.les4verites.com/islam/jacques-myard-de-retour-de-damas

  

Un commentaire

  1. Posté par Janvier le

    Propagande qui dédouane le régime francais juste accusé d’incohérence. Fabius ne se gêne pas autant, lui, voir ses déclarations et interviews, sur RTL, notamment : il (au nom de la France) finance, arme et entraîne Al Nosra (filiale d’Al Qaïda ) contre la Syrie. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres . Hollande (Tv 2014) « j’ai eu ce choix terrible entre un dictateur et un groupe terroriste ». Allez consulter les archives..ils nos ont demandé notre avis ? Mais : « ils (Al Nosra) font du bon boulot là-bas (Syrie) ». Sic Fabius. Quant au reste, mieux vaut n’en pas parler. L’armée irakienne, accusée à demi-mot d’utiliser du gaz au chlore contre l’EI donc de crime de guerre par notre UE. Mais pour reconnaître la réalité 3jours après, c’est l’EI qui utilise des bombes au chlore. En attendant, le Parlement irakien à donné l’autorisation à son armée de descendre les avions de la coalition qui ne bombardent pas plus l’EI que vous ou moi, mais bien l’armée irakienne. La reprise de Tikrit à dûe être un sacré choc pour notre régime. N’en parlons pas plus, c’est nauséabond.

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