Les trois défis de la Suisse

Stéphane Montabert
Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens

Affirmer que nous vivons des temps historiques est présenté comme un lieu commun ; pourtant, chacun d'entre nous le ressent. Ce siècle verra la conclusion de nombreux phénomènes dont les effets sont aujourd'hui croissants: la menace globale que représente l'islam, la lente mort de la monnaie papier, la ruine des social-démocraties, l'accroissement de zones de guérilla globales...

Les écologistes travaillent sans relâche à effrayer le grand public sur la base d'une hystérie climatique de plus en plus risible. Mais pourquoi promettre l'apocalypse pour 2100 lorsque la plupart des pays qui nous environnent ne franchiront sans doute pas la moitié du siècle sous leur forme actuelle?

Le XXIe siècle sera celui d'une immense recomposition du pouvoir, de l'économie, des influences, des populations. Les crises forcent une redistribution des cartes et les peuples, inquiets, se demandent s'ils auront une bonne main... Qu'en sera-t-il de la Suisse? Survivra-t-elle aux prochains bouleversements dans deux, cinq, dix ans, pour en sortir plus forte ou au moins préserver son intégrité?

A mes yeux, tout dépend de la façon dont elle aborde trois défis déjà lancés aujourd'hui. Qu'elle échoue à relever un seul d'entre eux et son destin risque de rejoindre celui, peu enviable, de la plupart des autres pays européens.

Reprendre le contrôle des frontières

L'adhésion de la Suisse à l'Espace Schengen aura sans doute été le dernier geste d'enthousiasme crédule concédé par le peuple à une classe politique europhile. Depuis des années la population en paye le prix. Loin d'apporter la prospérité promise, l'ouverture des frontières entraîna une dégradation nette de la qualité de vie helvétique.

groupe-refugies.jpgPression sur les loyers, pression sur les salaires, insécurité: il aura fallu du temps avant que les yeux ne se décillent. Le vote contre les minarets fut sans doute le déclencheur d'un mouvement de libération restaurant la dignité des habitants du pays face à des étrangers important leur mode de vie plutôt que de s'assimiler. De nombreuses autres votations confirmèrent la volonté populaire, les citoyens refusant les innombrables abus sur l'asile, demandant le renvoi des criminels étrangers, renonçant à l'immigration de masse.

Ces efforts ne furent entendus ni par le Parlement ni par le Conseil Fédéral, bien au contraire. Berne n'écoute pas et ne veut rien savoir, quelle que soit la façon dont la situation évolue.

Malgré quelques victoires tactiques, la lutte pour la reprise du contrôle des frontières est emblématique des difficultés qui attendent les Suisses. Il ne suffit pas de comprendre un problème, de vouloir le résoudre et de voter pour la mise en place de solutions: il faut aussi en bout de chaîne des élus responsables, acceptant de jouer le jeu de la démocratie et d'appliquer des décisions sorties des urnes. Or, ce n'est pas le cas.

Aussi, malgré tout ce que le peuple a pu voter ces dernières années, les frontières restent toujours grandes ouvertes. Les faux requérants d'asile sont accueillis par milliers. Aucun quota à l'immigration n'a été réellement instauré. Le regroupement familial bat son plein. Les prisons débordent de criminels étrangers que les autorités ne tiennent absolument pas à renvoyer. Les industries du droit de recours et de l'accueil des étrangers continuent à vivre grassement de l'argent des contribuables, et pendant ce temps police et justice abandonnent des quartiers entiers aux revendeurs de drogue.

Reprendre le contrôle de la monnaie

Le XXe siècle a vu deux guerres mondiales et plusieurs génocides, mais aussi l'essor sans précédent de la monnaie papier à l'échelle mondiale - une monnaie purement scripturale, sans aucune contrepartie. Le XXIe siècle verra son effondrement.

money-hole.jpgLes monnaies papier d'hier comme d'aujourd'hui ont une valeur intrinsèquement nulle ; elles ne reposent que sur l'autorité (voire l'autoritarisme) de l'Etat et la crédulité des acteurs dans le système ainsi mis en place. Bien entendu le seul intérêt d'une monnaie scripturale est la création de monnaie ex nihilo, elle-même préalable à toutes les manipulations monétaires. Celles-ci se traduisent invariablement en une succession de bulles et de crises économiques alors que la quantité en circulation enfle toujours davantage, jusqu'à l'effondrement total du système.

La particularité de notre époque n'est pas d'avoir instauré une monnaie-papier mais d'avoir permis à ce système intrinsèquement vicié de tenir si longtemps.

Malgré la résilience de celui-ci et les innombrables expédients qu'inventent presque quotidiennement les banquiers centraux, le régime monétaire est sur sa fin. Il paraît inconcevable que l'Europe puisse tenir des décennies dans le chaos de surendettement, de course à l'inflation, de croissance nulle et de chômage élevé dans lesquels elle se débat actuellement. Et rien n'indique évidemment une sortie par le haut, bien au contraire.

Sur de nombreux aspects mais en particulier sur le plan économique, le monde de demain sera multipolaire. Nombre de pays se préparent aujourd'hui à la fin prévisible de la domination du dollar sur les échanges financiers mondiaux. Certains n'envisagent que de manipuler leur monnaie de façon encore plus éhontée mais d'autres, comme la Chine, ont des ambitions plus solides et une stratégie à long terme.

Nous n'en sommes pour l'instant qu'au début de la guerre des monnaies. Les années qui vont suivre mèneront au chaos. Le nouveau système qui émergera ne sera pas basé sur la confiance - dont on ne sait que trop avec quelle facilité les politiciens en abusent - mais sur la transparence et des valeurs non manipulables, au premier rang desquelles règnera l'or physique.

La Suisse n'est pas bien placée dans le nouveau paradigme qui s'annonce. Coffre-fort du monde, elle avait une monnaie convertible-or jusqu'à ce que les pressions de banquiers peu scrupuleux n'enjoignent, au tournant du siècle, la classe politique à y renoncer. La BNS solda 60% des réserves d'or suisses dans les années 2000, alors que le cours du métal enregistrait un plus bas historique. Depuis, crise aidant, la BNS a résolument arrimé le Franc Suisse à l'euro, monnaie fiduciaire en perdition, sous les applaudissements des naïfs.

Contrairement au contrôle des frontières, le contrôle de la monnaie suscite peu de débats. C'est d'autant plus étonnant que le sujet est absolument crucial pour la future prospérité du pays et le patrimoine des Suisses en général.

En fin de compte, un seul vote est décelable à l'horizon sur ce sujet, l'initiative sur l'or soumise aux citoyens le 30 novembre 2014. Si elle passe la rampe, la Suisse aura une petite chance de reprendre le contrôle de sa monnaie et d'en reconstruire la crédibilité sur une base saine, préparant le pays à la redistribution d'influence qui surviendra au sommet de la crise monétaire. Si elle échoue, le Franc Suisse rejoindra pour de bon l'Euro, le Dollar et toutes les autres monnaies-papier dans les poubelles de l'histoire.

Au vu du développement de la crise je doute fort que le peuple suisse ait le luxe d'attendre quelques années pour revenir sur le sujet. Il sera simplement trop tard.

Reprendre le contrôle de la démocratie

La Suisse est-elle encore une démocratie populaire? Clairement plus - depuis quelques années déjà. Alors que le fossé entre le peuple et les élus se transforme en gouffre, cette évolution est de plus en plus visible aux yeux du grand public.

La classe politique helvétique a établi l'infériorité du droit suisse face aux accords internationaux et au diktat d'organisations nationales non-démocratiques. Le jugement de tribunaux étrangers comme la CEDH l'emporte sur les plus hautes juridictions fédérales. Dès lors que le gouvernement peut espérer s'attirer les bonnes grâce des élites mondiales, toutes les compromissions au droit national sont acceptables: le secret bancaire ou d'autres spécificités suisses sont ainsi sacrifiées sans contrepartie.

Reprendre le contrôle de la démocratie est sans doute la plus difficile et la plus essentielle des batailles que le peuple suisse aura à livrer à l'avenir. En effet, entre les accords diplomatiques prétendument gravés dans le marbre et le mythique "droit international",  la classe politique ne manque pas d'excuses pour faire obstacle à la volonté du peuple. Nul doute par exemple que les frontières resteront grandes ouvertes aussi longtemps que cette interprétation prévaudra à Berne.

La tâche est donc immense. Pour s'atteler au problème, on pense naturellement à l'initiative UDC pour la primauté du droit national. Elle n'est pas mauvaise mais il est à craindre qu'elle n'arrive trop tard. La récolte de signature n'a même pas encore commencé. Le temps que le texte soit voté et ses conclusions appliquées, il n'y aura peut-être plus grand-chose à sauver.

Pour réellement reprendre le contrôle de la démocratie, la responsabilité incombe au citoyen, non lors des votations, mais lors des élections.

Il ne sert pas à grand-chose d'approuver ponctuellement une initiative soumise au vote et d'envoyer au gouvernement une brochette de politiciens dont les positions sont diamétralement opposées - et qui cultivent le mépris des décisions populaires par-dessus le marché. Comment s'étonner que les gens ne votent plus?

En ce sens, les élections fédérales de 2015 seront un test beaucoup plus parlant sur la maturité politique des citoyens helvétiques que toute initiative ; et la composition du futur parlement suisse sera instructive quant aux chances de survie de la Suisse à la tempête qui se prépare en Europe, et qui laissera nombre de pays sur le carreau.

Stéphane Montabert, 6 octobre 2014

10 commentaires

  1. Posté par Pierre H. le

    « Je suis Socialiste, et un Socialiste plus authentique que votre riche ami le Comte Reventlow », disait Hitler en 1930 à Otto Strasser.

    À l’époque, personne n’aurait considéré cette phrase comme controversée. Les nazis auraient difficilement pu afficher plus ouvertement leur socialisme, ils se définissaient avec la même terminologie que notre SWP [Socialist Workers Party, le plus grand parti d’extrême gauche anglais, NDT] : Parti National Socialiste des Travailleurs Allemands.

    Il était évident pour tous que le fascisme est une émanation de la gauche révolutionnaire. Ses militants défilaient le premier mai sous des drapeaux rouges. Ses dirigeants défendaient le collectivisme, la nationalisation de l’industrie, le protectionnisme, les conseils d’ouvriers. Partout en Europe, ils pensaient comme Hitler qui dit à un Mussolini enthousiaste en 1934 : « le capitalisme a fait son temps ».

  2. Posté par Lucie le

    Merci pour vos propos lucides, il reste donc un espoir

  3. Posté par jessica le

    En effet, et je ne cesse de le répéter, éjecter tous ces lâches et ces traitres lors des prochaines élections est indispensable pour nous en sortir.
    Malheureusement je crains que cela ne reste un rêve, car la majorité des électeurs suisses sont journellement conditionnés par les medias *officiels » (gauchistes et financés par l’état (RTS, Tamedia, Ringier etc.) les seuls que le citoyen lambda connaisse, et qui ne cessent de répéter que la gauche c’est les gentils, les intelligents, ceux qui vont de l’avant et tous ceux qui ne sont pas de leur avis sont des mauvais, des racistes, extrémistes, fachistes, nazis, xénophobes etc. sans parler des menaces ! Ils l’entendent tous les jours depuis l’école, alors au moment de voter, ils paniquent! OUI le PS est nullissime, mais si je ne vote pas pour eux on va me cataloguer comme un épouvantable xénophobe!
    Regardez lors des votations communales, les citoyens se font entuber pendant 4 ou 5 ans par des élus profiteurs, des véreux dont ils ne cessent d’être outrés et de subir les magouilles et pourtant, ils revotent pour les mêmes, années après années. C’est désespérant. Certains députés, qui ne servent au mieux à rien ou pire nuisent carrément à notre pays et ne font que profiter du système, sont réélus depuis 12 ans voire plus !
    Une petite balade au marché, un sourire et une poignée de main avant les élections et le bobo (le vote) est dans la poche !
    La majorité des suisses sont non seulement d’une crédulité incroyable mais doivent avoir une piètre opinion d’eux-même pour se laisser avoir par une poignée de main d’un politicien. (qui d’entre nous n’a jamais entendu quelqu’un dire « je vais voter pour untel, je l’ai croisé à telle occasion, il m’a serré la main on a échangé quelques mots il est sympa….) De vrais enfants. Je croise les doigts mais c’est pas gagné.

  4. Posté par Economico le

    Les news du jour vont dana votre sens pour ceux qui ont des doutes:

    DJ Weidmann (BCE): la Commission européenne devrait envisager de rejeter le projet de budget de la France
    * DJ Weidmann: la BCE risque de surpayer les dettes privées dans le cadre de son nouveau plan de rachats
    * DJ Weidmann: le rachat de dettes souveraines n’est pas interdit, mais c’est une « voie dangereuse » pour la zone euro

  5. Posté par Pierre H. le

    Bravo Stéphane pour ce texte extrêmement lucide pointant les justes problèmes. Si tous les politiciens avaient votre clairvoyance et votre sens de l’éthique, nous coulerions tous des jours heureux.

    « La vraie division n’est pas entre les conservateurs et les révolutionnaires, mais entre les autoritaires et les libertaires » –George Orwell–

  6. Posté par Aude le

    Citoyens….ils ont bafoué vos votations….Ne vous laissez pas bouffer par l’ogre lors des prochaines élections fédérales…Vos choix seront très déterminants…Avanti popolo!!!

  7. Posté par colibri le

    les écologistes sont peste et choléra tous deux réunis.De plus ils inventent des peurs mélangeant intelligemment pour qui ne s’en est pas rendu compte des films catastrophes programmés sur des chaines TV dont ils tirent des images pour en faire un article à paraitre dans les médias.Sans doute est-ce aussi facile que d’inventer de faux numéros de téléphone pour harceler les citoyens
    Il me semble que pour toute démocratie qui se respecte c’est le droit à la sécurité mentale du citoyen qui devrait être objectif numéro un!

  8. Posté par bigjames le

    Le gros problème, c’est qu’un très grand nombre de nos compatriotes sont encore complètement lobotomisés. Manipulés par la bien-pensance gauchiste de nos médias collabos.

  9. Posté par Jean Paille le

    Excellent article. A propos de la monnaie, vous avez oublié de mentionner l’initiative concernant l’instauration de la « Monnaie pleine », initiative qu’il faut au moins signer (et voter !) : http://www.initiative-monnaie-pleine.ch/

  10. Posté par FANECO le

    Pour de la futurologie ne me paraît pas trop mal…

Et vous, qu'en pensez vous ?

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