Ecopop ou l’avenir de la Suisse

Thomas Mazzone
Enseignant, écrivain

Le 30 août dernier, dans un éditorial intitulé “Bienvenue dans la réalit锹, Markus Somm, rédacteur en chef de la Basler Zeitung, mettait, pour ses lecteurs, en lumière le phénomène du tourisme social en Allemagne. Avec un système de solidarité trop important et trop étendu, avec le libre accès conféré par Schengen, les chiffres, probablement sous-évalués, indiqueraient un taux de chômage de 22% chez les Roumains et les Bulgares. Sur cette nouvelle découverte politique à Berlin, la réserve est encore de mise et on n’hésite pas à s’en prendre au “mauvais” exemple suisse. C’est sans honte qu’on ose encore affirmer que l’immigration serait également bénéfique. Le ministre de l’intérieur, M. de Maizière, pourtant un descendant de Huguenots accueillis en Prusse, semble davantage obnubilé par un passé “nazi” à racheter. C’est ainsi qu’est encore traitée, septante ans après la Seconde Guerre, toute question en rapport avec “les étrangers”. Malicieusement, Somm, non sans nous rappeler les fanfaronnades d’antan sur l’Euro, finit par citer le prophète des économistes Milton Friedman en ces termes-ci: “celui qui désire une libre entrée sur son territoire doit se défaire de l’état social.” Pour celui-là, Berne donne plutôt l’exemple qu’autre chose, ajoutant que s’il n’y avait eu l’initiative sur l’immigration massive, il y aurait eu ecopop, ou une nouvelle initiative encore.

 

Pourtant, pour être tout à fait réalistes, il nous semble nécessaire de rappeler que l’initiative sur l’immigration, tout juste acceptée grâce au bon sens populaire, ne fait qu’office d’alarme dans une situation qui risque de tourner à la déperdition. En effet, les quotas sont encore trop hauts et les ficelles pour éviter que la loi ne perturbe les plans les plus fous des progressistes et des libéraux à vision mono-dimensionnelle sont encore trop nombreuses. Si on examine les chiffres d’autrefois, d’aujourd’hui et les objectifs de l’initiative, il ne fait nul doute que l’on n’a fait que prévenir une surenchère pour l’avenir plutôt que d’inverser la vapeur. Et, malgré cela, déjà, les dirigeants de Bruxelles, les européistes convaincus et les gens acquis aux dogmes du libéralisme sans frontières ou à ceux du socialisme planétaire nous ont bien fait savoir que nous étions allés trop loin! Le comble! L’initiative d’Ecologie et Population est une nécessité et si, d’aventure, elle devait être refusée à cause de la timidité des Verts de bons sens et des membres de l’UDC (pour trois sur quatre) déjà contaminés par l’ouverture aux idées nouvelles et par la fascination pour l’économie globale ; si c’était le cas, il faudrait alors se remettre au travail, urgemment. Sans doute dépassé par les événements, Roland Büchel, Conseiller National UDC pour Saint-Gall, un humaniste zélé parmi d’autres, a jugé bon de traiter le comité d’ecopop de “racistes en sandales” et “d’académiciens confus”, montrant surtout la confusion qui peut régner dans l’esprit de certaines élites politiques et (précisément) universitaires.

 

Le comble de l’accusation, c’est que les temps d’explosion multiculturelle ont toujours débouché sur la persécution de Juifs, en conséquence. Commerçants organisés, jouissant souvent d’un réseau d’affaire très performant: l’égalitarisme et la tentative de mettre tout le monde au même niveau ont toujours fini par créer de la jalousie grégaire envers ceux-là. Il en fut de même avec les Arméniens, persécutés en Turquie au début du XXe siècle. Et, pour cause, preuve que ce n’est pas que la maladie des banlieues “françaises”² et d’un comique qui aurait dépassé les bornes, les récentes déclarations de Mélenchon³, qui, tout comme Dieudonné M’bala M’bala, milite pour un monde sans frontières et un multi-culturalisme global - surtout en Europe - , nous ramènent encore une fois sur la piste de l’aversion envers une communauté qui refuse de se fondre dans le Néant, intrinsèque au socialisme envisagé comme raison d’être. C’est aussi lorsque nous ne sommes plus rien que nous finirons, nous aussi, par haïr ceux qui sont encore quelque chose. C’est toujours par la destruction d’un peuple et d’une culture que commence le vrai racisme.

 

Il est donc sain, à tout point de vue, de penser d’abord à soi, comme le suggère un dicton sur la charité et son bon ordre. Si l’on pense à soi et à ses proches, à tout ce qui fait aussi ce que nous sommes - plutôt qu’à une donnée économique seule - , on constate d’abord que l’Italie, décriée pour son chaos politique et sa déchéance économique, hormis en certains lieux très ciblés, est le pays dont l’avenir est le moins compromis de notre région, sur le long terme. Avec plus de 90% d’Italiens (d’héritage) sur son territoire, une densité décroissante, le pays, à terme, conserve un potentiel de rebond, alors qu’un pays qui se densifie et multiplie, en son sol, les cultures et les origines est condamné, sur la longue distance, à devenir dépendant de l’étranger, à ne devenir qu’un pôle économique malléable (pour la pérennité de la sacro-sainte économie mondiale, conçue comme fin plutôt que comme moyen). Dans la folie idéaliste qu’est l’UE, il vaut mieux être faible économiquement pour assurer l’Après. Le constat italien se répète aussi lorsque nous nous déplaçons à l’est du monde germanique.

 

A gauche, dès que le peuple vote pour sa propre préservation, on parle tout de suite de “démocratie dévoyée”. Or, c’est toujours cette même habitude que de concevoir la démocratie comme un but en soi, comme un outil qui ne peut aller de pair qu’avec l’égalité entre les hommes, forcément tous devenus bruns de peau (ou un peu entre les deux) tels qu’aime les décrire régulièrement un certain Jacques Attali4. Rappelons peut-être qu’à Athènes, seuls ceux qui défendaient la patrie, les militaires accomplis, avaient droit de cité! Rappelons aussi qu’à Athènes, il y avait une oligarchie, des disparités, en particulier entre autochtones et étrangers! Rappelons, enfin, que la démocratie suisse a été conçue pour préserver l’intégrité des états confédérés et non pour organiser leur propre dissolution! En un tel cas, la démocratie elle-même perdrait sa raison d’être. C’est pourquoi, penser qu’une vision progressiste, internationaliste, et une vision conservatrice, voire réactionnaire, seraient conciliables par le juste équilibre du suffrage populaire est une aberration. A la fin, et comme une aubaine en ces temps de décadence, le peuple pourra, peut-être pour l’une des dernières fois, choisir  d’exister en tant que peuple, conservant et préservant ainsi la raison d’être de sa si chère démocratie. Il votera, demain, “oui” à ecopop, il adoptera des mesures presque même plus radicales à l’avenir ou s’écartera du destin que représente la terre des Helvètes, dans un  déclin ressemblant à ce qu’ont pu voir tous les autres peuples qui se sont laissés submerger par une générosité aveugle et destructrice.

 

Thomas Mazzone, le 5 septembre 2014

 

 

 

1. http://bazonline.ch/ausland/europa/Willkommen-in-der-Wirklichkeit/story/20766782

2. Au Liban, en Syrie, en Iran ou dans le monde anglo-saxon (selon son modèle communautaire actuel), jamais il n’y a eu de ressentiments tels contre les Juifs qu’ils finirent persécutés, chassés ou exterminés.

3. http://blogs.mediapart.fr/blog/daniel-horowitz/260313/melenchon-et-les-juifs ; http://www.israel-flash.com/2013/03/france-melenchon-et-les-juifs/

4. “D’ici 2050, c’est plus l’Europe de demain qui ressemblera à l’Afrique d’aujourd’hui plutôt que l’Afrique de demain qui ressemblera à l’Europe d’aujourd’hui.” J. A. , “Une brève histoire de l’avenir” ; “…favoriser tous les métissages, apprendre à penser globalement.” J. A. , “Dictionnaire du XXIe siècle”

2 commentaires

  1. Posté par bigjames le

    La propagande gauchiasse ne saurait tardé à débuter.
    On va nous ressortir les éternels slogans : Suisses racistes, repli sur soi, incompatible avec l’UE, tradition humanitaire, comment faire sans « eux » ?, etc….

  2. Posté par Consterné le

    En effet, voter oui à Ecopop est une question de vie ou de mort ! Regardez l’invasion sur les côtes italiennes notamment…

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