Entretien avec Thomas Mazzone, par Alimuddin Usmani

Alimuddin Usmani
Journaliste indépendant, Genève

Thomas Mazzone n’est autre que le frère de la présidente des Verts genevois Lisa Mazzone. Rencontre avec cette personnalité qui se revendique volontiers comme  proche des réactionnaires  et qui ne manie pas la langue de bois. 

 

Alimuddin Usmani : Thomas Mazzone comment jugez-vous l'action politique de votre soeur Lisa? 

 

J’ai aussi grandi dans une famille écolo’, et présenté sous ce prisme, l’écologie, qui est contre? Seulement, avec un peu de bon sens, on en vient vite à se demander à quoi cela pourrait bien servir de préserver de grands espaces verts pour que les hommes se tassent dans des constructions en béton. L’écologie, c’est avant tout l’étude des écosystèmes, laquelle nous mène à ne pas vivre dans nos déchets et, pour ce faire, à veiller à leur élimination progressive. Je me demande quel projet d’avenir ont ceux qui seraient prêts à stocker les déchets chez eux pour que la Planète aille mieux. On voit dans la façon d’aborder l’écologie des Verts - en tout cas pour une bonne partie d’entre eux - une conception peu terre à terre au départ, au bord de l’idéalisme. Quant aux autres préoccupations sociétales qui animent les Verts, dont ma sœur, je ne suis pas sûr que la lutte des classes, déclinée dans ses divers aspects modernes (féminisme, étudiants se revendiquant ouvriers, charitables peu soucieux du prochain… ) ait un attachement dialectique inaliénable avec l’écologie.

 

Pouvez-vous nous éclairer sur vos références en matière de littérature et sur les personnages qui vous inspirent? 

 

C’est l’étude de l’Histoire dans sa globalité qui m’a permis de prendre conscience des réalités temporelles auxquelles nous sommes confrontés, de la paternité dont devraient se revendiquer certains mouvements et de la peu pertinente propagande méta-historique omniprésente en politique. Si je devais me réclamer d’un courant de pensée, je me rapprocherais surtout des réactionnaires: sceptiques sur tout changement, ils tentent de retenir le passé, car tout ce qui n’est induit par une démarche de causalité est produit par des volontés institutionnelles, souvent déconnectées de la somme des réalités individuelles, qui constitue bien évidemment le socle d’une organisation sociale. Un peu décalé et plutôt nostalgique du Moyen Âge, Flaubert, offre néanmoins une bonne critique du monde bourgeois, encore dans ses balbutiements et déjà bien-pensant, notamment dans son roman, lu par tous les collégiens de Genève, mais compris par peu, Madame Bovary. Balzac, lui, est un fin observateur des profils psychologiques récurrents, presque comme un couronnement esthétique des réflexions sur la nature humaine de La Rochefoucauld et de La Fontaine ; ceux-ci prenant depuis près de quatre siècles le progressisme à contre-pied. Dans cette fable amnésique qu’est l’Humanité, l’auteur récent qui m’a le plus séduit, c’est Jean Raspail, déchu in extremis par l’Académie Française et ce, d’une façon hautement indigne.

 

Le 30 novembre prochain, le peuple suisse sera amené à se prononcer sur l'Initiative populaire «Halte à la surpopulation - Oui à la préservation durable des ressources naturelles». Que préconisez-vous?

 

Il faut toujours replacer les choses dans leur contexte, celui qui tente de fournir un travail intellectuel ne doit pas se faire l’avocat d’un avis à faire fructifier, mais observer le réel pour en rendre compte le mieux possible, se livrant à une tâche essentiellement critique. Ainsi, on se doit d’étudier à la fois la teneur du texte et l’intention des initiants. Situer le problème sous un angle démographique semble être un pas vers la sagesse, mais comme pour tout texte soumis au peuple, on a un résultat qui correspond déjà à un calcul politicien, c’est à dire qui correspond à une synthèse susceptible d’être acceptée par une majorité d’institutions, le peuple n’ayant en réalité jamais la possibilité de se prononcer vraiment à contre-courant. Dès lors, je salue l’intention et tiens à faire remarquer que la mesure prise sur la compensation démographique par l’immigration, limitée à 0.2% par an dans le texte, pourrait permettre d’élever un peu le débat qui aura lieu. En effet, la compensation de nouveaux-nés par des travailleurs, même jeunes, amplifie le vieillissement de la population, créant un déséquilibre que nous serons ensuite obligés de compenser par plus d’immigration. C’est un cercle vicieux. Il est avant tout nécessaire d’avoir un regard clair et mathématique sur la démographie.

 

Quel est votre avis sur "l'Initiative fédérale pour un revenu de base" qui a été déposée à Berne en octobre dernier ? [i]

 

En quelques mots: la plus grosse arnaque du Siècle. Si l’on remonte à l’origine de cette initiative, on trouve les idées du “Think Tank” animé par un certain Van Parijs, lequel s’est donné pour mission de doter « la Planète entière » d’un revenu de base, et tout ça en ayant eu une carrière universitaire aux Etats-Unis, avec encore des portes grandes ouvertes de ce côté-là. C’est peu crédible. On peut débattre des heures sur la formule exacte qui pourrait créer une dynamique salutaire pour la Suisse, sur les différentes variantes du “revenu de base”, mais si l’on en revient au réalisme politique, il n’est pas inintéressant de regarder la réforme Hartz IV en Allemagne, celle qui a généré la vague de paupérisation récente qui touche l’Est du pays. Accessible à tous selon des conditions modulables, une aide permet à chacun d’avoir au moins un revenu. J’entends déjà les militants du “oui” me fustiger en disant qu’il n’y a rien de comparable dans cela. Je m’interroge, car au fond, ces réformes ont privilégié les étudiants, qui multiplient les jobs et peuvent tous s’épanouir personnellement. Elle permet effectivement aux gens,  pour qui les modèles offerts par le Système sont trop insupportables, de s’occuper autrement. Plus rentable pour ledit « Système », qui met alors tout le monde à contribution, mais l’est-ce vraiment pour tous les citoyens? Prenons un instant le cas des opposants politiques, si on leur fournit un revenu, on n’a plus de moyen de pression sur eux pour les faire taire et, par conséquent, comme « la nature a horreur du vide », on verrait fatalement les lois sur la liberté d’expression se durcir. En fait, ceci cache une philosophie de normalisation de l’individu, de gestion déshumanisée des gens dans la société, qui ressemble fortement à “Mille neuf cent quatre-vingt-quatre” de George Orwell.

 

Sur le plan sociétal que vous inspire le discours de la Conseillère nationale Anne Mahrer qui dit ceci à propos du mariage homosexuel: « Les Verts saluent la mobilisation citoyenne qui nous réunit sous la devise « Mariage pour toutes et tous ». C’est un signal fort pour la reconnaissance de l’égalité des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et trans (LGBT) en Suisse.»[ii]

 

Le mariage est une institution millénaire et pluriculturelle, quasi-universelle, le pilier de l’organisation sociale dans laquelle l’enfant va grandir. Si les formules varient, parler de mariage dans un autre but est une aberration. En France, tout s’est déroulé en deux temps: d’abord le mariage pour les « gays » et ensuite l’adoption, alors qu’il était évident que sans la seconde partie, cela n’aurait pas eu de sens. Outre les nombreux cas de pédophilie dans les familles dites « homoparentales », qu’on pourrait sans doute contrebalancer par les viols dans les familles correspondant à la norme (celle de l’Ordre Naturel et des statistiques) - d’ailleurs, sans jamais fournir de statistiques poussées et détaillées -, ériger en norme l’adoption pose plusieurs problèmes. On passera de la filiation au placement des enfants par l’Etat, on adoptera non plus un enfant par charité, mais par désir ; l’exception salutaire deviendra une sorte de business dans lequel l’enfant ne sera plus un humain, mais une marchandise pour satisfaire les “parents”. C’est la raison pour laquelle, dans l’Histoire, le mariage homosexuel n’a jamais été normalisé. C’est un grave détournement et il ne s’agit pas d’une lutte pour « l’égalité », qui, comme concept isolé, n’est qu’un slogan sans valeur logique. Si tout se valait, il n’y aurait plus de mal à se déclarer national-socialiste ou bien partisan de l’esclavage, puisqu’une idée n’aurait pas l’ascendant sur une autre, respectant simplement la pluralité des opinions. LGBT n’est qu’un lobby archi-minoritaire visant à se définir comme classe sociale - encore une forme moderne de la lutte susmentionnée - afin de revendiquer un projet qui ressemble grosso modo à un portrait de « messe noire » par Huysmans: il n’y a qu’à regarder les tendances « esthétiques » et le peu de décence des participants à la Gay Pride! Je dirais même que pour les homosexuels qui ont l’impression de subir leur attirance sexuelle, Madame Mahrer alimente indirectement la « stigmatisation ».

Propos recueillis par Alimuddin Usmani, le 16 juillet 2014

 

[i]http://bien.ch/fr/node/417#initiative

 

[ii]http://www.verts-ge.ch/nos-idees/communiques-de-presse/item/1601-idahot-journee-internationale-contre-l-homophobie-et-la-transphobie.html#.U8Z0gM2IdlY

 

Un commentaire

  1. Posté par Jan Marejko le

    Souvent les propos des jeunes suisses romands signalent une profonde inculture. Et là, c’est le contraire et ça réjouit

Et vous, qu'en pensez vous ?

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