Fêter moins pour travailler plus!

Christian Vanneste
Président du RPF, député honoraire

 

Le mois de Mai engendre une bousculade de dates anniversaires. C’est d’abord l’occasion de jours fériés, voire de ponts qui donnent de notre pays cette image sympathique où l’on aime davantage le repos ou les loisirs que le travail, où les entreprises sont difficiles à joindre, mais où Dieu est heureux, comme disaient les Juifs allemands, à défaut que les Français le soient. La croissance française est insuffisante, mais chaque jour non travaillé dans l’industrie coûte 0,4 point du PIB, selon l’OFCE. Le Docteur Tant Mieux rappelle aussitôt que le tourisme et le commerce compensent. La perte ne serait que de 0,06 à 0,18 points. Et comme les Français sont très productifs, c’est bien qu’ils se reposent. Ces remarques béates ignorent superbement que notre problème le plus grave est l’effondrement de notre industrie et que les Français ne sont plus productifs que par défaut, parce qu’ils sont moins nombreux à travailler, et pendant moins longtemps. Il serait donc temps de pratiquer des coupes claires dans ces jours perdus pour la compétitivité du pays et qui déséquilibrent les rythmes scolaires de nos enfants.

La mémoire surchargée peut être un handicap pour l’intelligence. Beaucoup de pays n’ont pas avec l’Histoire de rapports aussi tordus et compliqués que la France actuelle.  Beaucoup de pays ne chôment pas autant que nous. Ainsi, le 1er Mai n’est pas férié partout. Il ne l’est ni en Israël ni aux Pays-Bas, par exemple. Que célèbre-t-on chez nous ? Le Travail, et la concorde sociale, façon Vichy, ou les Travailleurs et les conquêtes sociales issues de la lutte des classes, façon Cgt ? C’est le jour des médailles ou des défilés ? Les pays anglo-saxons fêtent le travail un autre jour. On n’imagine pas supprimer cette célébration en France, mais serait-il si absurde de la déplacer au Samedi suivant, pour éviter au moins les « ponts » ? Cette année, le 8 Mai tombe également un Jeudi. Là encore, c’est dix ans après la guerre qu’on a instauré le 8 mai. Cette célébration d’une seconde, et définitive victoire contre l’Allemagne a été supprimée par Giscard alors que le couple franco-allemand guidait l’Europe. Mitterrand l’a rétablie comme date de la victoire sur le nazisme. Pour un gaulliste, le symbole est fort, car sans de Gaulle, la France libérée par les alliés et sous administration militaire américaine n’aurait eu aucune place à la table des vainqueurs. Mais cette victoire a aussi été celle du totalitarisme concurrent du nazisme qui a opprimé la moitié du continent et menacé l’autre durant 45 ans. Certains souhaiteraient glisser d’un jour pour fêter l’Europe le 9. Je doute que l’enthousiasme soit au rendez-vous. Cette année, j’avoue avoir été frappé par la veille plus que par le lendemain. Le 7, c’était le soixantième anniversaire de Dien Bien Phu, le dernier de nos désastres militaires qui a été aussi le début d’un calvaire atroce pour les prisonniers français de Giap, dont Fabius a cru devoir saluer la disparition. Il y a un lien entre ces trois dates : la légèreté, l’irresponsabilité, le cynisme des politiciens qui depuis longtemps dirigent notre pays en le conduisant systématiquement à l’échec : humiliée en 1940, en 1954, la France est aujourd’hui à la traîne dans la guerre économique. J’avoue ressentir dans le faste de nos cérémonies commémoratives l’impression d’une imposture, d’une usurpation de la part de ceux qui les président. Ce sentiment devient une exaspération lorsque ce sont les mêmes qui réclament de la France qu’en plus, elle se repente en d’autres occasions, les mêmes qui aujourd’hui réduisent les budgets militaires en exposant davantage la vie de nos soldats.

C’est pourquoi, il me paraîtrait plus juste de ne célébrer qu’une seule journée du souvenir. Le 11 Novembre est la victoire d’un peuple resté uni pour demeurer libre et retrouver son intégrité. Ce peuple a payé cette liberté au prix du sacrifice d’1,5 Million de morts. C’est le plus lourd de notre histoire. Dans cette journée se croisent les deux valeurs que l’on doit célébrer : le souvenir de ceux qui sont tombés et la liberté pour laquelle ils se sont battus. Pour le reste, il n’est guère de jour qui ne soit une date anniversaire. Le 8 Mai, c’est la délivrance d’ Orléans par Jeanne d’Arc, le 18 Juin, c’est l’Appel, mais c’est aussi Waterloo. Il ne serait pas absurde qu’en dehors des deux fêtes nationales, celle des vivants et celle des morts, commémorant le 14 Juillet 1790 et le 11 Novembre 1918, il y ait des célébrations plus régionales. Qu’Orléans ait ses Fêtes Johanniques et Nîmes sa Feria ne doit pas mettre au repos la France entière. Plus celle-ci se retrouvera pour des Fêtes Nationales, d’autant plus intenses et chargées de sens qu’elles seront rares, plus le sentiment d’appartenance nationale l’emportera sur le simple plaisir de faire le pont plutôt que d’en construire.

Christian Vanneste, 8 mai 2014

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