Le pouvoir des politiques

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Aujourd'hui, dans Le Matin, l'on peut lire la lettre que Simonetta Sommaruga a écrite à Michel Wielly pour s'excuser, au nom de l'Etat, de l'avoir placé, enfant, dans un orphelinat alors qu'il n'était pas orphelin. C'est une démarche importante, sensible, capitale en ce qu'elle exprime au pays tout entier la volonté claire du gouvernement de ne plus traiter le problème de l'enfance avec la légèreté et la négligence coupable des décennies précédentes. La lettre de Simonetta Sommaruga est avant tout le symbole d'un monde qui apprend des erreurs passées, d'un monde qui change pour le mieux. Certes, on pourra regretter qu'il ait fallu un film - comme pour tout aujourd'hui - pour mettre en branle l'Etat, mais peu importe les circonstances, le résultat est là.

S'il est une qualité que l'on peut reconnaître aux socialistes, c'est de ne s'être pas encore tout à fait départis de tendre ou de prétendre à l'intérêt des plus petits et des plus faibles. S'il est un défaut originel qu'il faut leur savoir, c'est certainement celui d'un sérieux problème de discernement. En rupture continuelle, en révolution permanente, le socialisme semble se contenter de plus en plus de la critique du passé pour remplacer l'analyse du présent. Or, la gauche n'est plus ce mouvement spontané qui éclot un beau matin dans les coeurs des hommes assoiffés de liberté, c'est un mouvement politique séculaire qui participe pleinement de l'histoire de ce pays, avec un passé, un présent et peut-être même un avenir. Ainsi, la gauche, à la lumière du passé, doit considérer avec attention les gestes du présent qui pourront être critiqués demain. Elle doit penser aux lettres d'excuse qui devront s'écrire.

Ce soir, sur la RTS, Simonetta Sommaruga ira parler du futur de l'enfance. Et pour défendre quoi ? La seconde chance théorique éventuelle de pédophiles condamnés de pouvoir retravailler un jour avec des enfants. Tâchons de ne pas trop polémiquer, il est bien sûr permis de penser que le texte de l'initiative va très loin, la Marche blanche assume d'ailleurs pleinement le risque de priver les pédophiles de leur droit à l'oubli, à la seconde chance, pour le bien supérieur de la protection de l'enfant. Une idée de protection qui ne peut souffrir de laisser la moindre place à un risque qui, aussi infime soit-il, suffit à détruire à jamais la vie d'un enfant. Y a-t-il quelque chose de plus précieux que l'innocence d'un enfant ? Le Christ Lui-même, la bonté incarnée, appelle à noyer, une meule autour du cou, ceux qui auraient le malheur de scandaliser "l'un de ces petits" (Luc 17, 2); ce qui n'est pas rien quand on appelle à l'amour universel ! Certes, il n'est pas interdit de rechercher d'autres solutions juridiques que le texte de la Marche blanche, mais pour autant qu'elles participent du même esprit, la protection sans faille de l'enfance.

Et c'est là que le bât blesse, en assumant pleinement son opposition à l'initiative, le parti socialiste et ses affiliés ont commis deux erreurs: ils ont assumé une totale opposition à l'esprit qui sous-tend la proposition des initiants - un esprit profondément juste, humain, universel, avec lequel tout homme de bonne volonté aurait dû pouvoir s'entendre. En second lieu, ils n'ont pas su apporter à leur alternative, censée combler le défaut de mesure de l'initiative, la garantie de conviction que celle-ci sait promettre. Ce faisant, ils ont démontré que leur souci de l'enfance s'accommodait d'une sorte de risque statistique, un quota d'enfants destinés à être victimes, une offrande abandonnée à l'idole barbare des enfances déchues sur l'autel de concepts inaudibles de respect de la "proportionnalité", du droit, etc.; "le prix à payer" comme aurait dit Antonio Hodgers. Car, il faut bien le comprendre, le texte de l'initiative n'est pas un appel à supprimer la justice, c'est un appel à augmenter la volonté de notre peuple de combattre ce fléau. Cette force, cette foi, est sans doute ce qui a pu paraître extrême à certains, mais le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle ne fait qu'être à la mesure du mal qui est visé.

Les arguties juridiques nous dérangent moins que ce constat préalable d'échec qu'elles masquent péniblement. Nous savons bien que le risque zéro n'existera jamais, mais nous voulons y tendre de toutes nos forces, nous voulons lutter, lutter à l'extrême si nécessaire. Et pourquoi cela ? Pour ne pas avoir à dire, un jour, à l'un de ces enfants détruits, que nous n'avons pas tout fait pour lui.

Ce soir, Simonetta Sommaruga devra bien réfléchir, de peur qu'elle ne pose sur la table, au milieu des propositions, le brouillon de la lettre que son successeur devra envoyer dans trente ans.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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